Citations sur Les mondes d'Ewilan, tome 1 : La forêt des captifs (77)
Les Causses s'étendaient sur des milliers d'hectares, loin du fleuve, bien au-delà de la forêt de Malaverse. Plus personne n'y vivait depuis des dizaines d'années. Les paysans avaient plié bagage les uns après les autres, attirés par la promesse de pâturages plus fertiles ou éblouis par la lumière factice des villes et la vie facile qu'elles offraient. Les rares villages, nichés au fond de combes abritées du vent, étaient morts. Les clochers s'étaient écroulés, les fontaines taries.
Maximilien Fourque était resté.
Je n'étais qu'une chose entre leurs mains, chuchota-t-elle d'une voix rauque. Un simple jouet qu'ils avaient entrepris de démonter pour comprendre son fonctionnement. Ils m'ont ravalée au rang d'un mécanisme à étudier, ils ont brisé toutes mes résistances, piétiné mon âme, disséqué mon corps. Suis-je responsable si, en remontant le jouet, on s'aperçoit qu'il manque des pièces ? Si certaines sont désormais abîmées ?
Une euphorie stimulante coulait dans les veines du vieux Caussenard, pareille à celle qui le faisait vibrer dans sa jeunesse quand, du haut de la Dent de l’Ouille, il parlait à une pleine lune de printemps. Une joie simple, un brin de folie, le sentiment de vivre un moment de vraie vie.
Nicole Deluze, chargée de l'accueil à la clinique du Vallon, écarquilla les yeux avant de réajuster sa blouse et de se lever précipitamment. Elle avait beau croiser dans les couloirs de cet établissement haut de gamme des milliardaires prodigues et des célébrités médiatiques, aucun n'avait la prestance du couple qui venait d'entrer.
L'homme, bien bâti, vêtu d'un costume gris assorti à la couleur de ses yeux, tenait le bras d'une beauté en robe noire aux cheveux de jais et au corps de liane. Leur physique ne suffisait toutefois pas à expliquer l'impression qu'ils dégageaient. Un mélange de grâce, de puissance, d'harmonie... L'image de la perfection que depuis des années elle s'efforçait d'atteindre et de faire comprendre à son mari !
- Pardon ! s'exclama-t-il. Mille fois pardon ! Je me répands et je me repens. Je ne suis qu'une triple buse, que dis-je, un quadruple vautour, un quintuple circaète, un sextuple...
- C'est bon, Salim, le coupa Ewilan en souriant malgré elle. Élève d'Ellana ou pas, tu n'as pas changé. Ta langue continue de fonctionner plus vite que ta cervelle...
Celui qui s'affirme indispensable est un prétentieux, celui qui croit l'être est un imbécile.
Alors écoute la suite. Je désire marcher pour redevenir moi-même mais, par-dessus tout, je désire découvrir un trajet que j'ai effectué dans tes bras et dont je ne garde pas le moindre souvenir. Si j'en étais capable, je l'accomplirais en te portant sur mon dos pour comprendre la force qui t'a soutenu, sans boire et sans manger, sans certitude pour motiver tes pas. Je veux marcher parce que je te suis redevable, Salim, c'est le seul moyen dont je dispose pour rembourser une infime partie de ma dette. Un pas sur le côté amoindrirait ton geste et je t'aime trop pour te diminuer.
Il n'y avait aucune limite à ce qu'il était prêt à faire pour parvenir à ses fins.
Strictement aucune !
- Une ville est un océan, Salim. Crois-tu que les crabes des rochers savent ce que font les poissons des profondeurs?
- Je vois... et toi, tu es un crabe ou un poisson?
- Moi, je suis un oiseau!
... et malgré les menaces du maitre
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur
(...)
Derrière Mlle Nicolas, le tableau noir était entièrement couvert de couleurs vives, formant une image certes abstraite, mais au sens très clair: le bonheur.