- Bravo, frère ! Ça prouve que même toi tu peux te servir de ta cervelle. Maintenant, qu'est-ce que t'attends pour te bouger les fesses ? Va la chercher !
Tristan écarta les bras en signe d'impuissance.
- A pied ? Saint-Julien est à trente bornes d'ici et...
- Quand on aime, on compte pas ! le coupa Mourad, la mine sévère.
- Tu as raison, j'y vais.
Il se leva et se mit en marche d'un air décidé.
En quelques enjambées, Mourad le rattrapa, lui saisit le bras, l'obligea à s'arrêter.
- Attends, mec ! C'était une blague ! Tu ne vas quand même pas faire trente bornes à pied. Tu en aurais pour la nuit, tu t'épuiserais... et tu bousillerais tes baskets !
Le visage de Tristan se ferma.
- Je n'ai pas le choix, Mourad. Si je n'y vais pas, je ne pourrai plus jamais me regarder dans un glace. Si je n'y vais pas, je la perds définitivement. Autant me jeter par la fenêtre tout de suite.
- T'habites au second, Ducon ! C'est à peine suffisant pour une entorse au gros orteil...
Comment pouvait -il se sentir aussi formidablement heureux et ne pas mourir ?
Au cimetière, je n'ai pas saisi que j'enterrais un parent et demi...
Une histoire d'amour belle à pleurer.
Belle à mourir.
Le coup d’éclat de Tristan avait ouvert une porte en lui. Clélia s’était glissée à l’intérieur. Elle s’était installée dans ses pensées, ses actes et ses rêves. Sans difficultés, sans heurts, comme quelqu’un qui, revenant de chez lui après une longue absence, retrouve sa maison, ses meubles et ses habitudes. Les murs qu’il avait dressé pour se protéger du regard des autres s’étaient effondrés, il n’en restait que quelques ruines éparses que le sourire de Clélia était en train de transformer en poussière.
Une fois de plus, Mourad lui avait posé un lapin. Tristan cracha un juron. Mourra était aussi fiable qu'un politicien véreux, et ses plans, toujours foireux.
Trouble dans mon cœur.
Trouble dans ma tête.
Trouble dans mon corps.
L'amour, c'est aimé plutôt qu'être aimé.
- Un destin, ça se tord, ça se plie, ça se brise, s'il faut.
Trouble dans mon cœur.
Trouble dans ma tête.
Trouble dans mon corps.
Désir qu'il me prenne dans ses bras.
Crainte qu'il le fasse.
Quand rêve et réalité se confondent, amalgame séduisant de beauté abstraite, et de tempête intérieure, étreinte désirée mais non voulue, soif languide soigneusement ignorée, douce caresse répétées, inavouées… insatisfaisante procuration...