En fait, les guerres coloniales ne se terminent jamais. La guerre, c’est-à-dire cette kermesse où vont souvent ces soldats stupides éternels perdants, pataugeant dans la gadoue des marais vietnamiens, attrapant n’importe quelle fièvre aphteuse et jaune, mourant en criant maman, la bouche pleine de moustiques, leurs cadavres floches se défaisant, s’avariant, pourrissant en un laps de temps très court parce que le climat tropical va plus vite que n’importe quelle ambulance, n’importe quel hélicoptère sanitaire ou avion de combat, n’importe quelle arme chimique ou nucléaire… avec ses chaleurs bouillonnantes, ses vapeurs marécageuses et gluantes et cette incroyable sueur qui dégouline d’on ne sait où, comme si le corps était capable de la pomper puis de la restituer à une vitesse effrayante.
La mélodie remonte, douce, molle et duveteuse, suivie par un véritable concert qui monte et dans lequel domine l’improvisation ; le concerto du début devient, peu à peu, une symphonie parfois dissonante, parfois harmonieuse, parfois improvisée et parfois extrêmement rigoureuse.
L’Histoire est quelque chose de dérisoire, c’est-à-dire qu’elle est bourrée de dérision… Sais-tu que l’assassin de Abbane lui donna l’accolade avant de le garrotter ? Sais-tu que Bigeard fit rendre les honneurs à Ben Mhidi avant de le faire pendre ? Je sais que tu sais tout dans les moindres détails… Mais j’ai toujours trouvé cela loufoque, tellement c’est dramatique… L’Histoire, quelle salope ! Et en plus elle est cynique…
La folie ! C’est du sommet de la hiérarchie que le pire peut venir et transformer l’Histoire en une chienne affolée qui ne sait plus dans quel sens se diriger…
Il y eut tant de guerres fratricides, de règlements de comptes terrifiants. Comment cela a-t-il pu exister ? Pourquoi ? La guerre : ce cancer !
Pour nous les figuiers de Barbarie symbolisaient les sentinelles qui veillaient depuis toujours sur le pays. Malgré tout, les désastres, les malheurs ; malgré le génocide !
En fait le colonialisme est une maladie chronique. Elle ne cesse jamais et on n’en guérit jamais. Presque cinquante ans après l’indépendance, cette saloperie continue à faire souffrir beaucoup de monde. C’est la lèpre. Elle est indélébile, il faudrait tant et tant de générations pour que la conscience nationale s’apaise. Pour le moment elle est toujours malheureuse, susceptible et aux aguets. Après tant de tortures érigées en système, de tueries, de massacres, de décapitations, d’exécutions sommaires, de corvées de bois dont on ne revenait pas, de napalm déversé sur tout le pays, d’essais nucléaires dans le Sahara. La déchirure.
En fait le colonialisme est une maladie chronique. Elle ne cesse jamais et on n’en guérit jamais. Presque cinquante ans après l’Indépendance, cette saloperie continue à faire souffrir beaucoup de monde. C’est la lèpre. Elle est indélébile. Il faudrait tant et tant de générations pour que la conscience nationale s’apaise.
Nous ne ressentions aucune ivresse à faire cette guerre car nous avions cessé très vite de croire à ces balivernes dont nos têtes étaient bourrées. Nous avions peur. Peur de tout. De l’adversaire impitoyable. De nos chefs aussi impitoyables. Des éléments naturels, hostiles et meurtriers. Du soleil et de la chaleur. De la neige et du froid. Des morpions et des poux. De toute cette guerre faite de batailles éclairs, de guets-apens et d’embuscades, de larmes, d’excrétions de toutes sortes.
Pourquoi tant d’années après l’Indépendance, nous pataugeons encore dans le ratage et l’échec?