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Critique de brumaire


L'enthousiasme n'accompagnera pas ma critique de la Garde blanche ; qu'on se le dise ! J'ai toujours eu du mal avec Mikhail Boulgakov . le Maître et Marguerite avait déjà suscité chez moi un mal pernicieux qui me faisait arrêter la lecture , à chaque reprise, au bout de deux ou trois pages, et se manifestait par un aquoibonisme de mauvais aloi pour un amoureux (mais pas inconditionnel ! ) de la littérature russe. Je n'adhérai tout simplement pas à l'histoire . Ici, dans ce cas de figure, la pagination étant nettement à la baisse ( QUE 350 pages), j'ai fait un effort, pas surhumain du tout, mais dont je savais qu'il me permettrait , une fois ma vingtaine de pages quotidiennes assimilées, de retrouver ma chère Reine Margot, ou ce bon roman de Mathias Menegoz que je suis en train de lire (comme beaucoup je lis plusieurs livres en même temps...).
La Garde blanche est, me semble-t-il, avant tout une oeuvre qui s'adresse prioritairement aux Russes et Ukrainiens. le décor historique étant tellement circonscrit et daté , que nous autres pauvres occidentaux nuls en histoire, et en géographie surtout, avons bien du mal à se situer dans ces évènements compliqués . Dans l'édition de poche "biblio" en ma possession, l'éditeur aurait été bien inspiré d'insérer quelques pages, en post-face par exemple, sur les tenants et les aboutissants des drames qui se sont déroulés fin 1918 et début 1919 à Kiev, et qui sont la trame du roman de Mikhail Boulgakov.
Je suis pourtant, et sans forfanterie aucune, relativement averti des évènements historiques qui se sont déroulés à cette époque et dans ces lieux. Je suis passionné par ces pays qu'on disait "de l'est" avant la chute du Mur. Leur géographie et leur histoire. Je les ai parcourus, aimés, détestés. Mais là , j'ai calé. Au secours Wikipedia !
Quand commence le roman , Kiev, la capitale ukrainienne est aux mains de l' hetman Skoropadsky. Un aristocrate ukrainien, ancien général de l'armée impériale russe, qui est arrivé au pouvoir par un coup d'état contre la "Rada", le parlement ukrainien qui a vu le jour en 1917.
Ce gouvernement nationaliste , assez conservateur, mais néanmoins fragile, est soutenu par les allemands bien qu'ils aient déjà signé la paix de Brest-Litvosk. Ce gouvernement est au goût de la famille Tourbine, des bourgeois kieviens, libéraux et cultivés, mais bourgeois quand même....Les fils, Alexis et Nicolas s'engagent alors dans l'armée hetmaniste de Skoropadsky afin de défendre la ville contre le cosaque Petlioura . En embuscade les bolchéviks attendent leur heure. Mais peut-être les français débarqués à Odessa, reliquat de l'Armée d'Orient de Franchet d'Esperey pourront-ils faire leur jonction avec l'armée de Skoropadsky ? Et pendant ce temps là voilà que les allemands plient bagages avec les plus importants dirigeants hetmanistes ! et que fait Denikine dans la région du Don ? pourquoi ne bouge-t-il pas ?
Je suppose que vous suivez....Personnellement j'ai jeté l'éponge, même, et surtout, avec les infos distillées par Wikipedia. Les Guerres de religion qui ont vu s'affronter en notre beau pays Catholiques et Protestants, sont d'une simplicité biblique comparées aux soubresauts de l'Histoire ukrainienne .
C'est dans ce noeud de vipères slave que Boulgakov fait mouvoir les Tourbine et leurs amis . Les fils Tourbine, Alexis (alter ego de M. Boulgakov), et Nicolas, tout combattants qu'ils soient, sont un peu comme des Fabrice à Waterloo. Des enjeux des combats ils n'en distinguent guère que l'écume. Dans la demeure familiale, Hélène la soeur aînée , dont le mari haut responsable proche de Skoropadsky a fuit avec les allemands, fait "marcher la boutique". C'est avec un ton sarcastique , ironique et grinçant, dont le pendant musical pourrait facilement se trouver dans beaucoup d'oeuvres de Dimitri Chostakovitch (la 9 e symphonie par exemple) , que Boulgakov narre ces épopées dérisoires . Mais pendant que les hommes se livrent à ces jeux guerriers futiles et vains, l'univers continue son expansion et les étoiles n'en brillent pas moins, et continuerons de le faire bien après que le souvenir de ces batailles ait disparu de la mémoire des hommes. Les évènements "historiques", les agitations humaines sont des épiphénomènes dans le long dessein de Dieu. Boulgakov rejoint là les plus belles méditations shakespeariennes. A cet égard révélateur est l'insertion de la narration entre deux courts paragraphes : l'un qui commence le roman, l'autre qui le clôt.

"Grande -grande et terrible - fut cette année là , mil neuf cent dix-huitième depuis la naissance du Christ, et seconde depuis le début de la Révolution. L'été regorgea de soleil, l'hiver fut enseveli sous la neige, et dans le ciel, à une hauteur insolite, étaient suspendues deux étoiles : l'étoile du Berger -la Vénus vespérale - , et la lueur rouge et vacillante de Mars. "

Puis, maintenant, les dernières lignes du roman.

"Tout passera. Les souffrances, les tourments, le sang, la faim, la peste. le glaive disparaîtra, et seules les étoiles demeureront, quand il n'y aura plus trace sur la terre de nos corps et de nos efforts. Il n'est personne au monde qui ne sache cela. Alors pourquoi ne voulons-nous pas tourner nos regards vers elles ? "

Il est bien certain que ce ne sont pas ces belles hauteurs de vue qui ont réjoui Staline dans la pièce de théâtre, "Jours des Tourbine" que Boulgakov a tirée de son roman (pour contourner la censure bien sûr) , mais le fait que ce sont les Bolcheviks qui ramassent la mise. Preuve s'il en était de la justesse d'analyse de Karl Marx, et accessoirement de Vladimir Ilitch....Boulgakov devait bien rire ! et goûter l'ironie de la situation. Il en aurait ri davantage s'il avait pu voir la déconfiture à venir de l'empire soviètique et le renouveau des vieux démons nationalistes...



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