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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Boum ! Mon coeur fait boum !
Il a fait boum boum même dans ma poitrine, il a palpité impatient, parfois joyeux, souvent triste ou en colère.
Il a vogué dans la pirogue du pêcheur qui regarde l'horizon, aimanté par les flots. Pieds dans l'eau à Campo, le pêcheur rêve d'ailleurs, d'une vie meilleure pour lui, sa femme Yalana et leurs deux filles.
Alors Zacharias travaille avec acharnement, lui qui n'était pas suffisamment bon à l'école pour espérer pouvoir faire des études. Quand une société forestière vient s'installer dans la région, riche de belles promesses pour les habitants, il y voit la possibilité de changer de vie. Il achète à crédit le confort, de beaux vêtements pour ses filles. Mais la poudre aux yeux va vite s'estomper et ses rêves s'effriter.
Subitement nous voici à Paris bien des années plus tard avec Zack le petit-fils du pêcheur qui n'a pas pris une pirogue mais l'avion pour partir en exil, loin du Cameroun, de sa mère et de ses amis dans une fuite éperdue.
Grace à une construction savamment orchestrée, Hemley Boum m'a tenue dans ses filets.
J'ai beaucoup aimé découvrir une partie de ce Cameroun complètement inconnu pour moi, avec son histoire, ses traditions, ses croyances. D'un côté la vie de ceux qui restent au pays, de l'autre ceux qui le quittent et construisent leur vie ailleurs, jusqu'au jour où il faut rentrer et se confronter à ceux qu'on a laissés derrière soi, avec quelques fantômes en prime.
L'autrice dépeint avec justesse les difficultés économiques du Cameroun, avec en toile de fond des sociétés étrangères qui viennent puiser sans vergogne dans les ressources du pays, ne laissant que quelques miettes de leurs bénéfices colossaux aux habitants et un pays dévasté.
Je me suis laissé porter, j'ai dérivé dans les méandres de la vie avec les deux Zack, leurs doutes et leurs secrets.
Un voyage riche, foisonnant de sujets (parfois un peu trop, surtout sur la fin) au pays des âmes solitaires, des prisons mentales, des femmes fortes et des transmissions entre les générations. Transmissions parfois fortuites, parfois cycliques comme des gouttes de pluie à la surface de l'eau qui vont jouer à se retrouver en un enchevêtrement de cercles concentriques.
Je n'ai pas envie d'en dire plus pour vous laisser le plaisir de la découverte du chant de la sirène Hemley Boum, dont je lirai avec plaisir d'autres ouvrages.
N.B : Attention, cette dernière phrase reste tout de même sous réserve que la susdite sirène révise un peu ses classiques, car ce n'est pas possible de dire (cf.p.224) que Crying in the rain est une chanson idiote ! alors que c'est une superbe chanson de mon groupe fétiche des années 80 ! non mais !
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Le rêve du pêcheur s'étire sur trois générations, au gré d'un récit qui entremêle savamment les fils de différentes destinées, avant un dénouement qui rétablit la chronologie et va vers l'apaisement. Il y a des points communs entre les différents personnages : la souffrance en premier lieu, pour le pêcheur d'un petit village côtier du Cameroun, la prostituée de Douala et l'exilé à Paris. Les parcours sont erratiques et marqués par la fuite, à un moment ou à un autre, censée amener la délivrance, qui ne vient pas, bien au contraire, et alourdit le bagage de celui ou de celle qui a tout quitté, sans un regard à l'arrière. le livre de Hemley Boum est splendide, écrit dans une langue déliée, douloureusement romanesque, avec des personnages forts, qui commettent des erreurs monumentales et cherchent maladroitement à raccommoder les morceaux épars de leurs fautes. Peut-être que la fin du roman, en revanche, est un peu trop naïf dans son optimisme mais il fallait bien ce baume pour cicatriser tous les traumatismes et la beauté du livre ne s'en trouve pas affectée. le colonialisme moderne, le racisme, l'exploitation de l'homme par l'homme, l'exil et les remords sont autant de défis à surmonter pour parvenir , sinon au bonheur, tout du moins à une forme de sérénité et de réconfort qui passe par l'amour, l'amitié, la famille et le lien parfois invisible de la transmission.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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Le rêve du pêcheur est l'histoire de plusieurs membres d'une famille camerounaise qui ont eu des destins bien différents. le grand-père était pêcheur, sa fille prostituée, le petit-fils va partir en France et devenir psychologue pour enfants. le récit se déroule en différents lieux et c'est l'occasion d'aborder plusieurs thématiques.

La vie du pêcheur nous montre la vie au village. Une vie simple, pauvre mais heureuse, jusqu'à ce qu'une coopérative s'installe près de chez eux. L'intrusion de la société de consommation en un lieu où les habitants se contentaient du peu qu'ils avaient ne se passe pas sans problème. Zacharias le pêcheur achète un four à sa femme qui ne s'en servira jamais, un canapé, une moto. Ensuite lui et les autres se retrouvent endettés et n'ont plus qu'à travailler pour la coopérative afin de rembourser. Comme un miroir aux alouettes, le "progrès" a ébloui puis ruiné le village que beaucoup d'habitants vont déserter pour aller vivre en ville.

Cette partie est l'occasion de découvrir la vie au village et les relations entre les habitants. La solidarité, le troc, et aussi les contraintes sociales car le village est une communauté où l'honneur ou la honte d'une personne retombe sur toute la famille.
On y découvre aussi la loi du plus fort puisque Zacharias est accusé de vol et envoyé en prison sans jugement et sans qu'aucune preuve n'ait été trouvée contre lui. Là-bas sa famille doit lui envoyer à manger pour qu'il puisse survivre, elle doit aussi soudoyer les gardiens pour lui rendre visite, même avec un permis en bonne et due forme. le petit billet qui permet de graisser les rouages de l'administration pour que les choses se passent en douceur ...

Le récit parle peu de la mère. Elle fait son job de prostituée, elle couche avec le propriétaire pour payer le loyer, elle couche avec le directeur d'école pour payer la scolarité de son fils, et elle se saoule tous les soirs pour oublier.

Cet environnement n'étant pas favorable au développement harmonieux de l'enfant, au fil d'évènements rocambolesques, Zack le fils, va fuir en France et se lancer dans des études de psychologie, la seule matière où il restait des places à la fac de Nanterre. Il est d'abord émerveillé par ce qu'il voit, puis il se confronte à des réalités moins sympathiques et s'interroge sur l'attitude à adopter pour les Noirs vivant en France. Lui est du genre à ne pas faire de vagues dans le pays qui l'accueille, il désavoue son amie Maëlle qui voit des attitudes racistes partout et passe son temps en confrontations. Marié et père de deux jumelles, Zack va peu à peu sombrer dans la déprime et son couple va péricliter.

Puis il rentre au Cameroun quand il apprend que sa mère est gravement malade. Et là je vous laisse découvrir comment tout s'éclaire pour lui.
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Zack a dû fuir le Cameroun à dix-huit ans, laissant derrière lui sa mère Dorothée ainsi que la femme dont il était amoureux. A Paris, il tente de se reconstruire, devient psychologue, se marie et devient père de famille. Mais un manque incommensurable résonne en lui et il lui faudra retourner sur les traces de son passé pour le combler. Quelques décennies plus tôt, son grand-père Zacharias, pêcheur dans un petit village côtier se heurte aux changements de son métier. Lui aussi sera banni de sa communauté et son histoire aura une répercussion inévitable sur sa famille. Les deux histoires se font écho, elles fonctionnent en miroir

Les personnages errent en quête d'identité, cherchant en tâtonnant à s'adapter à un monde qui s'effrite, que ce soit à cause de la mondialisation et des changements qu'elle induit, ou à cause de choix malencontreux qui bouleversent l'équilibre fragile des êtres. Zack doit s'exiler, contraint et forcé, et ce départ n'aura de cesse de le déstabiliser : "Nous ne devrions pas avoir à avancer sans repères, sans protection, nous délester de tout ce que nous avons été, s'arracher à soi en espérant germer dans une nouvelle terre. Ceux qui ont ce privilège voyagent l'esprit léger. Ils partent de leur plein gré, sachant qu'ils peuvent revenir quand bon leur semble. Nos périples à nous ne prévoient aucun retour, nous ne sommes pas des voyageurs mais des exilés. L'exil est un bannissement et une mutilation, il y a quelque chose de profondément inhumain." p 243

Chacun cherche ses racines, pour comprendre d'où il vient, si les ancêtres ne racontent pas, l'être ignore ce qu'on lui a légué et vit sans repères, sans se comprendre lui-même.

En ce sens, la fin est grandiloquente, elle constitue une apothéose, tout prend sens parce que les êtres retrouvent leur patrie et les leurs. Même le style de l'autrice change, plus lyrique, plus en adéquation , comme si jusqu'à ces scènes tout était laborieux, difficile. Il leur fallait se relier à leurs racines pour être pleinement eux-mêmes.

Un très beau roman qui fait sens...
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L'héritage psychologique familial est au coeur de ce roman. La mémoire qui se transmet de génération en génération et qui est portée sans que l'on réalise que les vies de nos ancêtres jouent un rôle dans la descendance. Cette lecture n'est en rien psychologique mais elle montre le rôle des atavismes familiaux et du lien de la transmission.

On est sur une double temporalité. Celle contemporaine avec Zach qui vit en France après avoir vécu à Douala au Cameroun jusqu'à l'obtention de son bac. On comprend peu à peu ce qui fait qu'il occulte son passé mais aussi comment il est ancré en lui. A la fois dans sa profession de psychologue qu'il dit ne pas avoir choisi mais qui au final lui correspond assez bien. En parallèle, on a la vie de son grand-père Zacharias qui vit avec sa fille à Combo, petit village de pêcheurs au Cameroun. Il y vit une existence relativement simple et bien entourée. L'arrivée d'une compagnie forestière va bouleverser cet écosystème et convertir ce lieu et ces habitants en sujets capitalistes où l'argent et les biens priment sur tout le reste.

Zacharias et sa femme vont se retrouver pris au piège lorsqu'un événement va leur arriver. de là, tout va être chamboulé et les liens vont se distendre. Cette chute familiale au temps du grand-père va avoir des conséquences sur ses filles et sur la destinée de Zach en fin de course. le choix d'un homme dans le passé va marquer la famille sur des décennies et plonger leur vie dans les ténèbres, les non-dits et surtout la volonté de fuir le présent pour ne pas l'affronter.

Ce parallèle entre les générations est très explicite car il montre que l'ancrage familial ou à une terre est intrinsèquement présent et marquant. Tant que les causes profondes n'ont pas été soignées ou comprises, il est difficile d'avancer.

Ce roman d'affiliation familiale remet en exergue les sujets importants de la vie. Il montre aussi que le poids d'une identité peut conditionner un individu et sa destinée. le seul reproche est un trop plein d'informations sur le dernier tiers de la lecture qui font qu'on se perd un peu dans les faits mais l'ensemble de la lecture est très bien amené.
Lien : https://delivresendecouverte..
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J'ai passé un bon moment avec le Rêve du Pêcheur, qui est un roman subtile, riche et à multiples facettes. Je ne connaissais auparavant pas Hemley Boum mais suis content d'avoir fait sa découverte et pense qu'on en entendra parler de nouveau, tant elle réussit à écrire des choses souvent intelligentes et sensibles à la fois.
Le roman évoque des tranches de vie de plusieurs membres de la famille Mecobé, notamment du pêcheur Zacharias qui vit dans un village côtier du Cameroun, et plusieurs années plus tard de son petit fils Zachary qui vit dans un quartier pauvre de Douala, puis en France, puis de retour au pays (avec un coup de théâtre dans la dernière partie du livre que j'ai trouvé réussi).
Le livre permet bien de visualiser ces lieux et d'en sentir l'atmosphère ; il décrit également de manière intéressante certains effets néfastes d'un développement économique parfois trop rapide, cupide, cynique...
Au delà de ces descriptions, le roman évoque de manière subtile les thèmes de la famille, l'amitié, l'importance des racines, la responsabilité, le poids du remord, l'exil…
Il me semble y avoir perçu un parti-pris, ou un constat, sur la supériorité de la femme sur l'homme, pourquoi pas ! Les deux Zacharies, personnages centraux, ont certes des circonstances atténuantes, mais sont essentiellement des anti-héros ; dans les passages difficiles qu'ils traversent, ils manifestent peu de discernement, sont souvent veules, fuyants, passifs, dans le déni... A contrario, les personnages féminins qui les entourent sont lucides, énergiques, courageuses, soucieuses de pérennité, plutôt qu'à la poursuite de glorioles ou chimères. Une citation du livre pour résumer cela «Nous sommes femmes et la survie du monde est notre responsabilité ».
Même s'il est peu sympathique et attachant dans son âge adulte, Zachary redevient néanmoins un personnage touchant quand le récit permet de réaliser la somme des souffrances, absences, regrets, remords... qu'il a dû porter en lui et dissimuler. Quelques dernières citations sur cet aspect qui apparaît le mieux à la fin du roman : « ...lui était le champion olympique des déserteurs de lieux, de vies... », « ...il manquait des centaines de pages au récit de sa vie... », « Aujourd'hui, le soleil s'est à nouveau levé dans ma vie ».
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