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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je ne lis pas beaucoup de livres d'écrivains africains, C'est un continent, surtout l'Afrique noire, que je connais très peu. Alors qui rêver de mieux pour m'accompagner dans cette lecture que notre spécialiste, Francine connue comme afriqueah, et dont la critique publiée il y a peu d'un livre précédent de l'autrice Les maquisards m'avait alléchée.

C'est un livre qui m'a emportée, envoutée. Un livre très riche où l'autrice à travers les différentes générations d'une même famille aborde beaucoup de thèmes, tous passionnants.

Le livre débute sur une plage, à l'endroit où le fleuve se jette dans la mer, un endroit privilégié, où la vie même si elle n'est pas facile semble heureuse. Les hommes sont pêcheurs, les femmes cultivent la terre, les enfants jouent. Mais ce bel équilibre est rompu un jour par l'arrivée d'une coopérative qui va gérer le marché du poisson et insidieusement en les poussant à s'endetter pour des biens dont ils s'étaient toujours passés, introduisant des chalutiers modernes, va ruiner les pêcheurs juste armés de leurs pirogues traditionnelles. Pour Zacharias, cette possibilité d'acheter cette moto, ce four, ces chaussures pour sa femme, ces bonbons et jouets pour ses filles, était une revanche sur l'échec de ces études, Il est pêcheur par défaut. Ce n'est pas ce dont il avait rêvé. Il ne voit pas le piège qui se referme sur lui. Yalana sa femme en est plus consciente que lui :
« — Tu me dis que tu achètes toutes ces choses en vendant du poisson que tu n'as pas encore pêché ? Elle exprima spontanément son incrédulité, mais ne poursuivit pas la conversation. Zacharias se raidit, son visage se ferma. »

En parallèle on suit la vie de Zach. Il est le petit fils de Zacharias, mais ne le sait pas. Sa mère ne lui a jamais parlé de sa famille. Il ne sait pas d'où il vient. Il ne connaît pas le dialecte de sa famille. Il est seul avec sa mère qui vend son corps pour vivre et boit la plus grande partie de ce qu'elle gagne. Alors un jour, après une histoire qui se termine mal, Zach s'envole pour la France et tourne le dos à son passé :
« À cette étape de ma vie, j'étais persuadé que l'on pouvait se soustraire à ses souvenirs, s'absoudre de ses fautes simplement en se dissociant de celui que l'on était au moment de les commettre. Je pensais qu'il suffisait de décider d'être heureux et d'aller de l'avant pour que le passé disparaisse comme par magie et que la vie redevienne une page vierge. Je suppose que quelque part en enfer, le diable rit encore de ma naïveté. »
Il faudra quelques évènements pour le ramener en Afrique, et se retrouver, comprendre qui il est et sauver son présent.

L'autrice entremêle les deux histoires, racontant à la fois pour chacune d'entre elles les enfances et la vie adulte des membres de la famille. Cette famille qui va connaitre bien des déchirures, où les non-dits tuent peu à peu la communication, où les mots ne sont pas là pour essayer de se comprendre :
« de même n'étaient-ils pas coutumiers de longues conversations intimes. Leur histoire n'était pas faite de paroles mais de disponibilité l'un envers l'autre, elle se traduisait dans la routine concrète d'un quotidien heureux. Pour mettre les mots sur leur malaise, il leur aurait fallu une expérience qu'ils n'avaient pas. »
Les hommes sombrent souvent, les femmes sont fortes, elles n'ont souvent pas le choix, ce sont elles qui maintiennent tant bien que mal la famille en vie, même si elles aussi commettent des erreurs.

J'ai aussi aimé la partie qui se passe en France, où l'autrice décrit avec beaucoup de justesse le comportement de Zach, qui évite de faire des vagues, qui fait tout pour se fondre dans la masse, qui préfère ignorer quelquefois le racisme, souvent au moins une certaine condescendance dont il est victime. Zach qui deviendra psychologue clinicien auprès d'enfants pour les sauver, à défaut de se sauver lui-même, jusqu'au jour où sa propre histoire viendra s'immiscer dans le cas d'un de ses patients, pour hélas lui faire prendre de mauvaises décisions.

Tout dans ce livre est d'une incroyable justesse, la description de la vie en France de Zach, les cicatrices laissées par la vie qui passe, le sentiment d'échec qui peut ronger un homme et l'amener aux pires erreurs, la difficulté des relations entre mari et femme, entre mère et fille, ou mère et fils quand la vision de la vie devient différente, mais aussi la force de ces relations qui au-delà des erreurs, au-delà des errances permettront aux personnages de se réconcilier. L'autrice mêle adroitement passé et présent, croyances locales et modernité, France et Afrique. Elle dresse de beaux portraits, des personnages qui m'ont tous touchée et auxquels elle porte une tendresse que l'on sent dans chacune de ses pages.

Et le tout raconté dans une écriture splendide, poétique, aux mots qui sonnent juste, qui savent exprimer par des tournures magnifiques les sentiments et les expériences complexes que vivent les personnages. Une lecture bouleversante.
Merci à Francine dont les mots ont enrichi encore cette lecture
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Plus que la différence entre terre et mer, ce que met en lumière Hemley Boum dans «  le Rêve du pêcheur », ce sont les épousailles tumultueuses entre le fleuve femelle et l'océan mâle dans lequel il se jette.
Des présences invisibles captent les désirs de certains hommes d'appartenir à l'océan, ce fut le cas du père du Pêcheur quand il avait cinq ans. Les mythes originels de cette partie du Cameroun entre la forêt équatoriale, le fleuve et l'océan parlent de la séparation brutale entre les trois éléments, sauf à l'embouchure, où les poissons pullulent.
Le Pécheur ne peut cependant s'empêcher de se faire du souci pour sa femme Yalana, et ses deux filles : et si elles rêvaient de plus, alors que lui pense avoir tout ?
Changement de décor avec l'apparition de Petit Pa', à Paris, qui rencontre Julienne. Il est le fils de Dorothée, alcoolique et prostituée, et excellente mère « « ma mère, magicienne, omnisciente malgré ses fêlures ». Et fragile.
Nous, nous savons donc qu'elle est la fille du Pêcheur, mais lui ne le sait pas, il n'a pas de famille, pense-t-il et surtout, il n'ose pas demander à sa mère, dans ce village où tout le monde a« une famille », sauf lui.
« Mais je ne dis rien. Je laissai le silence et l'obscurité recouvrir mon angoisse avec la pensée magique que ce qu'on refuse de nommer finit par disparaître. »
Avec une écriture plongeant dans l'intimité psychologique d'un petit garçon vivant dans un taudis, de son grand père Zacharias le Pêcheur qui veut gagner plus d'argent, Hemley Boum expose l'arrivée du capitalisme dans cette région côtière de Kribi : la société d'exploitation de bois crée une coopérative de pêcheurs, tout en leur proposant de s'endetter en leur faisant convoiter des biens qui leur sont inutiles, puis elle instaure une pêche industrielle.
Les pêcheurs, après avoir connu l'opulence, puis le progrès technique (les routes, l'électricité, l'eau courante) sont ruinés, car le poisson a disparu pour eux, ils sont, de plus, endettés.
Plus grave encore, symbole de la dégringolade, Yalana résiste à ce courant inutile d'achats comme la moto, le four, et le couple se sépare dans l'intimité «  Zacharias avait déserté le lieu de leur union. le chemin qui menait à lui était obstrué par une brume épaisse ».
Pourtant, comme dans les Maquisards, Hemley Boum revient sur leur enfance heureuse, leurs jeux dans la nature, leur mariage heureux à Campo, avant de décrire, avec des mots touchants et une immense sensibilité le déclin tragique de cette famille réduite à rien à cause d'un impossible rêve.
A ces amours adolescentes, correspondent les émois entre Petit Pa' alias Zack, avec Nella.
Amours contrariés, désir d'ascension contrarié, lecture : « Deux romans cependant m'avaient touché plus que les autres : Germinal de Zola et Ville cruelle d'Eza Boto », (connu par la suite comme Mongo Beti), et petits larcins.
Comme Nizan, niant qu'avoir vingt ans était le plus âge de la vie, Zack dit « «  La vie est exactement aussi terrible qu'on le pressent à dix-huit ans »
Le Rêve du Pêcheur nous balade entre générations, analysant finement les relations entre soeurs, inimitiés qui se transmettent inexplicablement, fissures à l'intérieur du couple, entre parents et enfants, et puis les dénis des uns et des autres : « Des années d'évitements, de faux-semblants, de manques et de doutes ont soudain déferlé. Toutes les années, tous les instants, un à un, sans répit, sans pitié », le tout avec une langue si sensible concernant les côtes camerounaises, les pluies, le bonheur des enfants qui jouent dans la boue, enfin les croyances dont celle de Zack, qui sait qu'après toutes ses errances et ses pertes, quelqu'un le protège sans savoir qui, réflexion sur le chemin parfois cahoteux de la vie.
Enfin, comme dans les Maquisards, et puisque les pères officiels ne sont pas toujours les géniteurs, la parenté est plus sociale que biologique.
Rarement un livre nous présente à la fois la vie pauvre d'un peuple de pêcheurs, les dissensions dans les couples vivant des croyances différentes, la généalogie, même si les intéressés l'ignorent, puis un renversement de fin : livre complet, écriture sublime, personnages bien typés. Et puis, la forêt, la force de résistance de ces femmes irrésistibles, et la tendresse d'Hemley Boum vis-à-vis de ses personnages.
Tout il y a tout dans ce livre.
L'émotion que j'ai éprouvée s'est amplifiée grâce à la lecture commune avec Anne-so(@dannso)
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Coup de coeur tant pour l'écriture et le style, que pour l'histoire sur l'exil joyeux.

Cinquième roman pour cette camerounaise habitant Paris et diplômée en anthropologie mais aussi en marketing. Même si son premier prix littéraire n'était que discret, il se pourrait bien qu'elle s'avance vers du plus lourd. Ce livre sera un tremplin, je n'en doute guère. La maturité de l'écriture et la maitrise du récit sont en place.

Les thèmes du livre sont essentiels dans une vie : la liberté, l'amour, l'émerveillement, l'identité, la perte, la transmission et finalement la vie.
Comme disait Musset « d'abord il y a la liberté, après l'amour, après la vie et en dernier la fortune.

A l'extrême sud du Cameroun, nous allons suivre la vie d'une famille sur trois générations. le début du roman nous plonge dans la première génération. Elle est incarnée par Zacharias le pécheur qui est marié à Yalana. Ils ont deux filles, Dorothée - prénom de la mère de Zack et à laquelle il voue un amour immodéré - et Myriam. « En état de veille ou de sommeil, les siens l'habitaient ».
Ayant été orphelin de père à l'âge de cinq ans, et ensuite (dé)laissé par sa mère. Il sera élevé dans la famille d'un oncle et ne n'aura connu qu'une vie très simple voire affectivement rugueuse. La rudesse, il l'a donc bien connue et s'en contenterait.
Lorsque qu'une société forestière s'installe dans sa région, il va profiter de l'occasion pour essayer d'avoir une vie plus facile, donner une meilleure vie à ses trois femmes. "J'essayais de devenir quelqu'un d'autre, mais je ne savais pas qui, ni comment faire. »
Dès le début du livre on est plongé dans une luxurieuse nature entre torrents, cascades, mangrove, forêts, palétuviers, sable et Océan Atlantique.
Cette génération est celle qui m'a le plus touchée.

Puis l'autrice laisse tout cela en plan et nous embarque aux pieds des Champs Elysées. Nous nous retrouvons aux côtés de Zach, le petit-fils qui a voulu sentir ce qu'est une authentique liberté, celle où personne ne vous connait, où vous pouvez laisser couler vos émotions dans vos veines. Là encore on a un enfant qui adule sa mère, une mère qui était pourtant alcoolique et prostituée. Cette mère c'est Dorothée la fille du pêcheur. Elle n'a pas eu une vie facile après son immigration en ville mais cela n'empêche pas Zach / Zacharias de l'aimer par-dessus tout. Elle est son monde.

Les vies sont enchevêtrées par une formidable maîtrise de la construction. On vit avec eux des impressions ambivalentes ; à la fois celle de se sentir au bord d'un abime par la perte de l'ancrage mais aussi celle de l'émerveillement de la liberté.
J'ai trouvé une force dans chacun des personnages dépeints par Hemley Boum.
On éprouve leurs émotions un peu comme un effet miroir ; effet de l'autrice a certainement recherché. Malgré l'âpreté de leur quotidien, ils ont cette intime conviction que la liberté et l'amour sont au bout du tunnel. En perdront-ils leur ancrage ? Que transmettons-nous aux générations suivantes ? L'autrice y répondra à sa manière, et quelle belle manière !

Citations :
« J'avais appris à reconnaitre la vague de nausée, le tremblement intérieur qui annonçaient les assauts de ma mémoire, quelque chose en moi se recroquevillait d'avance. »
Concernant de Dorothée sa mère « Un jour, en rentrant de l'école, je l'aperçus marchant dans la rue. le contraste entre sa silhouette évanescente, l'indolence de son pas et la foule excitée me sauta aux yeux. Elle rentrait chez nous bien sûr, elle était sur le chemin de la maison, pourtant on aurait dit quelqu'un qui va à reculons vers nulle part. Je m'approchai et la hélai doucement :
Ma'a
Elle se t'orna vers moi, une lumière s'alluma dans son regard, une onde d'énergie. Par le miracle unique de ma présence, ma mère s'éveilla au temps, à l'espace, à l'instant. 
Rien en Dorothée n'était solide, pérenne. ..Elle marchait, parlait lentement, toujours un peu ailleurs. Elle veillait sur moi, elle m'aimait, je n'avais aucun doute là-dessus, mais je pris conscience qu'elle pouvait m'égarer moi aussi : je devais veiller à ce que cela ne se produise pas. »
« Le jour qui suivit le trajet de l'école avec un Achille inquisitorial, après la crise de larmes de Dorothée la veille au soir, je me convainquis que cela ne faisait rien si ma mère était tout ce que mon ami disait et que je ne comprenais pas bien. Puisqu'elle traversait la vie telle une ombre, je serais là pour rallumer la flamme en soufflant tant qu'il fallait sur les cendres. Cela ne faisait rien si elle avait perdu tous ceux qu'elle aimait, elle m'avait gardé moi, c'était tout ce qui comptait.»
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Très touchée par le Rêve du pêcheur de Hemley Boum. J'ai été très émue par Zacharias et Yalana, c'est la partie de l'histoire qui m'a ramené loin dans mes souvenirs.

Tout comme ce couple qui vivait simplement mais heureux, lui, pêcheur comme son père et ses ancêtres, elle, elle travaillait aux champs et s'occupait des enfants. le surplus vendu au marché ou dans des petites boutiques. du jour au lendemain, leur vie change complètement avec l'arrivée d'une compagnie forestière. Une coopérative se met en place, les pousse à s'endetter de choses inutiles dans leur vie traditionnelle, tout en leur achetant leur pêche pour une somme modique, les poissons étaient revendus à des prix qu'ils n'imaginaient même pas, aux villages alentours, restaurants, hôtels. Petit à petit ils se sont faits manger par des chalutiers beaucoup plus modernes, avec leur pirogue, impossible de rivaliser. « Les chalutiers ratissaient littéralement les bancs de poissons et de crustacés. Un seul d'entre eux produisait dans des proportions auxquelles une dizaine de piroguiers aguerris ne pouvaient prétendre. » Les dettes, les disputes, les incompréhensions minèrent à jamais ce village idyllique.

De mon côté, pas de forêt, mais pas mal de petits commerces, des pêcheurs, une mer frétillante de poissons et de crustacés, le bonheur, les pieds dans l'eau. Puis sont arrivés des grosses boîtes, des commerçants avec des moyens très importants. Tous les petits négoces ont fermé et les pêcheurs ont dû se trouver un autre travail. Je referme la parenthèse.

« Les pêcheurs n'avaient aucun moyen de résister, les autorités fermaient les yeux à condition de recevoir leurs enveloppes. A terme, les villageois seraient expulsés à moindre coût de cet endroit paradisiaque dont ils avaient hérité par les caprices du destin, parce qu'ils n'auraient tout simplement plus les moyens d'y vivre. »

J'ai été moins touchée par Zach, le petit-fils de Zacharias, lors du départ et dans l'avion. Personnellement, j'ai ressenti tout le contraire, mais c'est une autre histoire…Par contre j'ai été bouleversée par Sunday, ceux qui l'on lut comprendront.

« L'exploitation anarchique de la forêt, la coopérative, tout cela était une question d'argent, de beaucoup d'argent. »

Je ne suis pas contre le changement, malheureusement, tout se fait toujours au détriment des plus malheureux et non pour les aider à avoir une vie meilleure ou pour mettre leur pays ou île en valeur. Tout ce qui compte c'est de se remplir les poches et tant pis pour les autres. Ce qui me répugne le plus, c'est leur suffisance et la façon dont ils traitent ces pauvres pêcheurs. C'est eux les rois, tout leur est dû, du moment qu'ils paient.

On n'oublie jamais, même si on ne laisse pas derrière soi Dorothée, Nella, Achille….

Une très belle lecture, de beaux personnages, une écriture magnifique. Les très belles critiques de mes amies, amis, m'ont poussé vers ce livre et je les en remercie.




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Au Cameroun, Zacharias est pêcheur comme son père et tous les hommes de sa famille. Dorothée sa fille, s'est perdue, elle s'est enfuie, elle est devenue alcoolique et se prostitue, son corps est sa seule monnaie d'échange pour survivre et élever son fils.

Hemley Boum nous raconte les destinées d'une famille camerounaise sur trois générations. Récit d'un déracinement, de la perte des cultures ancestrales, de la recherche de son identité sur fond de colonialisme et de racisme latent. Ce récit décrit la fragilité des hommes face à la force des femmes. D'une génération à l'autre, d'un continent à l'autre un roman d'amitié et d'amour. Lorsque le récit quitte les rives où le fleuve épouse l'océan, il perd de son intensité et de sa poésie. Heureusement Zack revient sur la terre de ses ancêtres pour un final éblouissant, où s'expriment Mbombo Yala, Mama Do' et Nelly, les voix de toutes ces femmes et de leur amour inconditionnel pour leurs enfants. Une fois de plus, je suis tombé sous le charme de la plume d'un auteur africain.


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Il arrive qu'un livre comble toutes vos envies de lecture, « Le rêve du pêcheur « est de ceux-là.
A cinquante ans de distance , un grand-père et son petit-fils camerounais vont faire l'expérience d'un exil intérieur et d'un exil géographique.
Le texte explore avec beaucoup de finesse le mécanisme de la transmission, le vertige de la dépossession, le retour aux sources, illusion, désillusion.. 
Il y a Zack et Zacharias, deux Dorothée ; les histoires de familles sont faites de chagrin, d'amour, de pertes, de retours.
Le souffle romanesque est très fort et nous fait voyager entre les époques et les pays.
Un bien beau roman.
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L'histoire commence à Campo, petit village camerounais en bord de fleuve. Zacharias est un pêcheur, comme son père et son grand-père avant lui. Il vit simplement, aux côtés de sa femme, Yalana, et de ses filles. Quand la Compagnie vient s'installer, elle apporte une certaine modernité. Mais elle désorganise le quotidien, les gestes et les valeurs des anciens, cet avenir que tous s'étaient construit avec patience et sagesse. Zacharias n'est plus le même, Yalana ne le reconnaît plus… Jusqu'au jour où il commet l'irréparable…

Je découvre Hemley Boum avec ce magnifique roman, le rêve du pêcheur. C'est pour moi un véritable coup de coeur, tant pour l'écriture que pour l'histoire qu'elle nous raconte.

Le rêve du pêcheur est un roman qui joue avec les silences. Tout passe par les regards, les attentes, les rêves et les non-dits. C'est l'histoire d'une famille au coeur de laquelle chaque âme blessée s'isole et souffre en silence.

On comprend très vite les liens qui existent entre les deux époques. On s'attache à la vie au village, cette sérénité, cette solidarité.
Puis on passe à la vie en France, celle de Zack, exilé au pays des Blancs, seul, perdu…

Zachary Mecobé s'enfuit de New-Bell, quitte sans se retourner sa mère et cette enfance à l'équilibre fragile. Il devient Zack quand il arrive à Nanterre, en fac de psychologie. Il a la naïveté de croire qu'en décidant d'aller de l'avant, son passé s'effacerait. Quand il rencontre Julienne, et son amour, il pense pouvoir enterrer ses fantômes et vivre sur les décombres de sa vie passée.

Mais cette vie n'a rien de solide, la base est bien trop fragile pour qu'il puisse s'y reposer. Ses souvenirs le rattrapent. Il comprend alors qu'en voulant les effacer, il s'est oublié lui-même. Et que rien de vrai ne pourra sortir de tout ça.
Il retourne à Douala, pensant régler ses comptes avec le passé.

Le rêve du pêcheur est un roman lumineux et sensible. Il parle de liens du sang, d'amitié et de racines. Celles qui, même tues, même silencieuses, font de nous ce que nous sommes…
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J'ai connu Hemley Boum, il y a des années à Lille lors d'un salon, elle publiait à La Cheminante. Je la retrouve avec plaisir avec ce livre qui me parle car l'appauvrissement des pêcheurs est le même et pour les mêmes raisons qu'au Sénégal que je connais mieux. Au début, on salue le progrès puis on déchante.
La pêche n'est plus artisanale qui se faisait en fonction des besoins: avec les gros bateaux et la congélation, il n'y a plus de limite.
Au niveau des personnages et de leur filiation, je me suis un peu perdue: il y a deux Dorothée et deux Zacharias?
J'ai aimé le livre comme j'aime la plupart de ceux qui parlent bien de l'Afrique.
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- ELEGANT ET POETIQUE -

"Que deviennent les vies que nous n'avons pas vécues? Où vont les aurores qui nous trouvent endormis? Tu le sais, toi?".

Quelle poésie! Quelle beauté! Quel puissance de récit! Quelle élégance dans le tissage des mots! Je manque d'adjectifs pour dire combien ce livre m'a transportée et émue.
Longtemps que je n'avais pas été aussi touchée par une écriture, mais quelle délicatesse! Digne d'un Mohamed Mbougat Sarr ou d'un Eric Chacour, ce roman est délicieux, je l'ai savouré page après page, suivant le destin tragique de cette famille camerounaise à travers les générations.

Si vous aimez les récits authentiques et émouvants mais surtout pas "neuneus" ou clichés, les personnages à la psychologie aussi fine que de la dentelle de calais et la sagesse de pensées philosophiques venues du fond des âges de l'Afrique noire, alors foncez, mais foncez!: vous ne serez pas déçus!
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Un roman magistral sur l'exil et l'identité.
L'histoire d'une déstructuration, celle d'un petit village du Cameroun et de ses habitants dont la vie va être profondément bouleversée à la suite de l'installation de compagnies d'exploitation étrangères. Là où les habitants ne manquaient de rien et se contentaient de peu, vont venir peu à peu s'installer l'avidité, la création de nouveaux besoins, l'endettement, la pauvreté, l'expropriation des populations, jusqu'à l'exil forcé de Zack.
C'est l'histoire de cette dislocation qui est racontée dans ce magnifique roman, au travers de celle de la famille de Zack, de sa mère et de ses grands parents.
Rarement un roman ne m'a autant ému. Hemley Boum a un tel talent pour faire vivre ses personnages et raconter leurs destins que j'ai très vite été retourné par les émotions. Quelle écriture magnifique ! Il y a des passages vraiment sublimes, de très belles envolées littéraires.
La connexion avec les personnages est tellement forte que je n'ai pas pu m'empêcher d'éprouver un petit sentiment de tristesse en tournant la dernière page de ce livre.
Sans aucun doute, ce roman figurera dans le top de mes lectures.
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