Nous arrivâmes à Paris juste avant l’aube, à l’heure inquiète où les pensées du jour à venir commencent à troubler le sommeil des citadins endormis.
Il était midi, j’essayais en vain depuis une demi-heure de régler ma facture d’électricité par Internet quand j’entendis une clef dans la serrure de la porte de mon appartement. Je m’immobilisai, pétrifié, le cœur serré par la terreur. Le tueur allait faire deux mètres, jeter un coup d’œil dans le séjour puis sur sa droite, et enfin s’avancer jusqu’à mon bureau. Nous allions nous trouver face à face, il ne dirait pas un mot, sortirait une arme équipée d’un silencieux et me mettrait deux balles dans la tête. Ou alors il se précipiterait sur moi pour m’étrangler, comme il avait étranglé la pauvre Clara. J’allais avoir à me battre pour survivre.
- On un catholique très pratiquant. La religion n'a jamais empêché les gens d'assassiner, bien au contraire.
Hélène fit le tour de la pièce et s'arrêta devant ma bibiothèque.
- Vous vous intéressez à la Première Guerre mondiale ?
- J'ai écrit des bouquins qui se passent en 14-18. Des polars, justement. Vous les trouverez dans toutes les bonnes librairies.
Les effluves de ce printemps chaud ranimaient en moi la nostalgie d’un amour qui m’aurait transporté d’un jour à l’autre dans la recherche éperdue de surprises à faire à mon aimée, de plaisirs inattendus, de charmes et de sortilèges, toutes sortes de scénarios bien plus intéressants à inventer que ceux que je bricolais pour la télévision française.
Une indication en toutes petites lettres précisait que le gagnant participait à une émission de télévision au cours de laquelle lui serait décerné son lot, dont le montant pouvait aller de vingt-mille euros jusqu’à un million. Une somme importante qui en faisait rêver plus d’un et expliquait sans doute l’engouement du public pour tous ces jeux de hasard. Les gens grattaient là où ça les démangeait : leur misère. Quelle illusion aussi de penser que la fortune allait tout changer : quelques voyages et quelques bagnoles plus tard, ils retrouvaient les ornières de leur vie, rendues plus boueuses encore par la jalousie des voisins et la rancœur des frères et sœurs.
Au cinéma français, souvent décevant, nous préférions tous deux les solides films irlandais de Joe Comerford, les fresques violentes de Kitano ou les beaux délires poétiques d’Alex Van Warmerdam. Il prit un café, moi un thé, et je m’attardai sur la silhouette ravissante d’une jeune créature qui venait d’entrer. Par bonheur, nous n’avions pas les mêmes goûts en la matière, Antoine préférait les femmes aux formes affirmées, tandis que je restais scotché aux beautés longilignes des années 70. Il ne me parlait des femmes qu’avec une excessive pudeur, qui s’était encore accentuée depuis son mariage. À l’inverse, je n’hésitais pas à lui raconter mes improbables râteaux auprès d’adorables dont je ne pouvais me résoudre à admettre qu’elles fussent trop jeunes pour moi
Je suppose que le travail de police exalte la testostérone et stimule la libido, les jeunes manifestants en font l’amère expérience.
Les gens qui vivent de leur écriture paraissent souvent extraordinaires. Ou suspects.
Nous avions tous vu beaucoup de feuilletons américains avec des gyrophares rougeoyants éclairant dramatiquement des scènes de crime balisées par des bandes plastifiées noires et jaunes et des inspecteurs très énervés notant des témoignages à la volée sur leurs calepins et dotés d’un étonnant sens de la repartie. On savait beaucoup moins comment ça se passait en France.