AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Florida (166)

Mais s'il y a quelque chose de constant chez les humains en général et les enfants en particulier, c'est bien la jalousie. Chez les adultes elle est souvent dissimulée, chez les enfants elle est totalement transparente.
Commenter  J’apprécie          32
Le diable dans sa grande perversité nous a dotés d'organes génitaux et d'une libido, le paradis. Dieu dans sa grande générosité nous a fourni une cervelle et un coeur, l'enfer.
Commenter  J’apprécie          30
INCIPIT
Ne trouvez-vous pas cocasse que dans un pays de gagnants, ma malédiction soit d’avoir un jour gagné ? Pas n’importe quel jour, celui de mes sept ans. Ma mère me disait que j’étais très belle et que je n’étais pas trop bête. L’ordre des compliments est important, la forme aussi. J’étais très belle, une affirmation. Je n’étais pas trop bête, une négation. Elle aussi était belle et plutôt intelligente. C’est la raison pour laquelle je ne comprendrai jamais cette journée d’anniversaire ni toutes celles qui ont suivi pendant cinq ans. Enfin si, je comprends maintenant. Je comprends, mais je ne pardonne pas. Je ne pardonnerai jamais.
C’est long cinq ans. Revenons à l’origine. C’est mon anniversaire ! ai-je dû m’écrier avec candeur quand je me suis réveillée. C’est mon anniversaire ! ai-je dû répéter toute la matinée. J’en ai beaucoup parlé, plus que les années précédentes, pour la simple et bonne raison que ma mère m’annonçait une surprise merveilleuse depuis deux semaines. Je ne l’avais jamais vue aussi fière d’elle, j’aurais dû me méfier. On ne connaît pas suffisamment ses parents lorsqu’on a sept ans. Un sourire mystérieux, une voix qui sonnait faux, et surtout une trop grande impatience à l’évocation de cette journée, j’ai même eu peur qu’elle souffle elle-même sur mes bougies et qu’elle avale mon gâteau en une seule bouchée. J’aurais préféré.
Il n’y aura pas d’amies invitées. Je le comprends lorsque maman se présente avec un grand carton blanc rectangulaire. Normalement on ouvre ses cadeaux lorsque tout le monde est là. C’est plus drôle. Si je dois ouvrir mon paquet seule à midi, c’est qu’il n’y aura pas d’amies. Enfin si, ma mère est là. Elle se pense suffisante, elle s’imagine peut-être qu’elle est ma copine, et pourquoi pas la meilleure tant qu’on y est. Ruban rouge, agrafes, papier de soie, je fais tout sauter. C’est une robe, quelle surprise ! Une robe blanche de princesse : perles, dentelles, frous-frous et tralalas, c’est le comble de la joie. Mais pourquoi en faire des tonnes pour une surprise si banale ? Eh bien, parce que la surprise n’est pas là. La robe est la première étape de la surprise. La douche et la brosse à cheveux sont la seconde. Il faut se presser, nous allons être en retard. Elle en tremble au point de m’enfoncer les poils de la brosse dans le cuir chevelu. C’est une belle surprise qui m’humidifie les yeux. Elle est désolée mais il faut vraiment se presser, nous avons rendez-vous avec mon cadeau, ce n’est pas rien.

Une salle polyvalente, une lumière jaune, du carrelage blanc, des fanions multicolores frétillants, nous sommes loin du palais de conte de fées. En parlant de fées, il y en a tout autour de moi. C’est un château moche avec des princesses partout. Les parents sont là, posant des diadèmes, ajustant les ourlets, prenant des photos ; ils sont fiers, souriants, angoissés, je les comprends, c’est quelque chose d’être les parents d’une princesse. Cela ne fait-il pas de vous un roi ou une reine ?
La mienne, de reine, me tend mon numéro. Elle me conseille. Tu dois seulement marcher délicatement vers le trône, enfin l’estrade. Tu dois sourire mais pas trop, recommande-t-elle, c’est tout, c’est simple. Elle semble rassurée depuis qu’elle est arrivée. Elle croit en mes chances. Pour elle je suis plus belle que les autres. Je vais donc les écraser. Voilà ma surprise, mon cadeau, humilier d’autres petites filles. Sur le moment, je ne vois pas les choses comme ça, évidemment. Et ça marche. Je fais quelques pas, quelques sourires, quelques demi-tours et me voilà reine de beauté. C’est assez simple d’être Cendrillon. Pour une surprise, quelle réussite. Mon titre me donne droit à un cadeau, encore un, un coffret de maquillage. J’ai une coupe, une robe et du rouge à lèvres. Un sacré anniversaire. Quelle petite fille ne rêve pas d’être la plus belle des princesses ? Quasiment aucune. Je suis très heureuse, j’ajuste ma couronne, je suis fière de moi, ma mère ne touche plus terre et, pourtant, cette victoire est le début de l’enfer.
J’ai souvent changé d’aspect dans ma vie, mais je n’ai jamais changé de prénom ni de nom. Voilà deux choses stables chez moi, mon prénom et mon nom. Ce sont les seules. Elizabeth Vernn, deux mots qui permettent de faire le lien entre ce que je suis aujourd’hui et ce que j’étais à la naissance. Depuis le jour de mes sept ans, mon corps et moi faisons chambre à part. L’éloignement s’est fait progressivement. Nous nous sommes séparés car pour rester bien dans ma tête, il fallait que le jugement des autres sur ma peau ne me concerne plus.

Après ma victoire, en rentrant à la maison, je m’appartenais encore. C’était l’euphorie. Nous avons dansé dans le salon avec ma mère, sauté partout. Elle m’a couverte de baisers, de compliments, de regards doux. J’étais vraiment la plus belle, pas de doute. Lorsque mon père est rentré, il semblait soulagé de voir que j’avais gagné. Il m’a félicitée, il s’est félicité de la joie qui régnait dans son foyer. Il ne voyait pas souvent son épouse de bonne humeur. Mes parents ne s’entendaient plus vraiment, depuis longtemps. Alors si ce concours de mini-miss couronnait sa fillette et rendait sa femme guillerette, pourquoi s’en priver ?
Commenter  J’apprécie          30
Vous connaissez la théorie du mort-kilomètre ? Un mort à un kilomètre vous touche plus que mille morts à mille kilomètres. Eh bien à douze ans et demi, trois mille morts à mille kilomètres vous touchent moins qu'un déjeuner avec vos parents qui s'engueulent tout le temps. L'impact de deux avions sur une tour fait moins mal qu'une grosse gifle.
Commenter  J’apprécie          30
Comme pour les enterrements, les jours d'anniversaire gomment les défauts des gens et gonflent leurs qualités, c'est la règle.
Commenter  J’apprécie          30
Pour comprendre je préfère le dictionnaire à mon psy c'est moins long, moins cher, et surtout moins chiant.
Commenter  J’apprécie          20
C'est quoi ça? m'a demandé ma mère. Un ivre lui ai-je répondu, ça se voyait quand même. Ce n'est pas un objet rare. Tu ne vas pas lire en voiture, ça donne mal à la tête. Si si, je vais lire en voiture, et non non, la lecture ne me donne pas mal à la tête. Le premier livre, c'etait Tom Sauyer de Mark Twain. Je l'ai dévoré. Dans la voiture je courais libre le long du Mississippi avec Huckleberry Finn et, arrivée dans le château moche, j'etais enfermée dans un vestiaire de Miss toutes lisses et pas toujours très fines.
Commenter  J’apprécie          20
Un soir, nous avions regardé un documentaire dans lequel des gens tatoués de la tête aux pieds parlaient de leur envie irrépressible de recommencer. À peine sortis de chez le tatoueur, la peau charcutée, brûlée, ils pensaient déjà à leur prochaine séance, aux futurs motifs, à la prochaine parcelle de peau à décorer. Surtout, ils évoquaient tous l’endorphine et l’adrénaline que sécrétait la douleur, ce sentiment de bien-être en sortant de la boutique après quatre heures de torture. Que sont les bodybuilders à part des tatoués sans encre ? On n’inscrit pas nos motifs sur la peau mais sous celle-ci. On dessine les reliefs qu’on veut voir apparaître sur notre corps. On sélectionne la partie qu’on veut voir gonfler, on la martyrise et on attend qu’elle devienne saillante, visible, pour nous d’abord, pour les autres ensuite. Comme il est difficile d’avoir une maîtrise totale de sa vie et j’en sais quelque chose, il est réconfortant de sentir qu’on a un contrôle total sur son corps. On décide, on choisit les machines, on agit, on obtient le résultat souhaité puis on l’observe, on l’admire. Et comme pour le tatouage, c’est là que le problème apparaît. Les parties du corps tatouées ou stimulées révèlent crûment celles qui ne le sont pas. Alors on s’attaque à un autre muscle, à une autre parcelle de peau et ainsi de suite. L’avantage, ou le défaut, du tatouage par rapport à la musculation, c’est qu’il y a une limite : quand le tatoué n’a plus d’espace libre sur la peau, quand son crâne rasé est tatoué, quand ses doigts de pied sont noircis de chiffres romains, qu’il a un dragon dans le dos, ses paupières colorées, c’est terminé. Le bodybuildé, lui, peut continuer, il peut développer ses muscles, et par la même occasion étirer sa peau, l’étendre. Quand le tatoué sort de chez le tatoueur, il pense à son prochain tatouage, quand le musclé sort de la salle de sport, il pense à sa future séance. Dans le documentaire, un intervenant disait que les tatoués à l’extrême étaient des sortes d’handicapés volontaires. Je n’avais pas très bien saisi ce que cela voulait dire. Je comprends mieux maintenant. La plupart des gens regardent les handicapés avec gêne, comme si un accident les avait mis à la marge de l’humanité.
(…)
Tout est là, dans le regard. Deux yeux qui se fixent sur quelqu’un, et qui ne regardent pas de la même manière un valide et une personne en fauteuil roulant. Les séances de tatouage et de musculation changent radicalement le regard que posent les gens sur vous. Vous faites partie de l’humanité, mais vous êtes un peu à côté quand même, pas tout à fait, il y a de la curiosité et de la gêne. Quand j’étais mini-miss, on me regardait avec curiosité aussi, mais surtout avec envie. Plus maintenant. Je me suis déformée volontairement, je suis sortie du moule car je m’y sentais à l’étroit, il est devenu bien trop petit pour moi, même si je le voulais, je ne pourrais plus y rentrer, il n’est plus adapté. Ou peut-être est-ce moi.
Commenter  J’apprécie          20
Chaque fois le même délire, la même angoisse quand elle remplit ses poumons pour cracher sur le gâteau. Car c’est de ça dont il s’agit lors des anniversaires, manger les postillons et les miasmes de celui qui fait un pas de plus vers la mort. C’est une fête et, pour la célébrer, il faut des bougies comme pour une veillée funèbre. L’anniversaire, c’est la répétition annuelle de la fête finale et tout le monde y participe en mangeant de la meringue contaminée.
Commenter  J’apprécie          20
La musculation est un sport particulier où la performance ne se mesure pas avec un chronomètre, un mètre, un nombre de buts ou de paniers, de revers ou de smashs, la performance se mesure dans ses yeux et ceux des autres, dans un miroir et sur une balance.
Commenter  J’apprécie          20







    Lecteurs (1717) Voir plus



    Quiz Voir plus

    En attendant Bojangles

    Qui a écrit la chanson Mr Bojangles ?

    Whitney Houston
    Nina Simone
    Amy Winehouse
    Edith Piaf

    12 questions
    586 lecteurs ont répondu
    Thème : En attendant Bojangles de Olivier BourdeautCréer un quiz sur ce livre

    {* *}