Un voyage en Chine. Voilà une idée qui me tarabuste depuis un moment. D'ailleurs, je n'y suis pas retourné depuis le voyage sibérien de Corto Maltese, sinon en rêve. Ca tombe bien, parce qu'en fait de songes,
Franck Bourgeron s'y connaît.
C'est avant tout un rêve chinois, celui d'une vie meilleure, d'une nation qui oeuvre d'un même élan et surtout pour ne plus crever la faim. En somme, il s'agit de la grande utopie du 20ème siècle.
le récit débute en 1967, pendant la révolution culturelle chinoise. On découvre Li Fuzhi, ancien cadre du Parti, probablement exilé en Mandchourie à la suite de sombres manoeuvres politiques.
Flash back, retour à Shanghai, en 1927. Li Fuzhi, « crève la faim » parmi les crèves la faim, n'est qu'un chinois de plus dans la foule shanghaienne. Il s'engage dans le Parti. Mauvaise pioche, trahis par Tchang Kaï-Chek, c'est la valse des arrestations.
On pense à Pratt bien sûr, pour son génie à monter en épingle des alliances politiques, à ficeler de basses manoeuvres partisanes, à entremêler à tout ça et en vrac, les triades, le Parti, les nationalistes, la police et toute sorte de réseaux d'influence. La force de Bourgeron est de faire sien ce passé et d'en soutirer l'essence afin de faire avancer son propos, à savoir raconter le destin d'un homme, pris dans la tourmente du 20ème siècle révolutionnaire chinois.
La narration ne s'essouffle jamais, le dessin de bourgeron, la fulgurance de son trait, la façon qu'il a de rendre un univers et tout son poids sur ses personnages, tout cela rend ce premier tome fort réussi.
La formidable mise en couleur renforce le caractère dramatique des scènes. Voir notamment la renaissance du parti avec ces jaunes en arrière plan qui amènent aux rouges du procès suivant.
Au final, une bande dessinée vraiment soignée, avec une documentation solide comme base de travail, un dessin expressif magnifique, des dialogues sobres mais efficaces, quelques emprunts poétiques (encore plus visibles dans le second tome), en somme, une vraie réussite.