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Citations sur Un peu de fatigue (6)

J’ai ouvert la porte-fenêtre et je suis tombé sur deux de mes valises. Je les ai soulevées pour voir si mes soupçons étaient fondés. Ils l’étaient. Je n’ai pas compris tout de suite que le sol venait de se dérober sous mes pieds. En fait, je n’ai rien éprouvé, rien ressenti, rien pressenti.
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À 20 ans, je rêvais d’une alcôve secrète où j’irais rejoindre une femme mature avec des seins, des fesses et un ventre généreux. Un paradis où on laisse sa tête au vestiaire et son coeur au réparateur. Aujourd’hui, j’irais voir cette femme, je ferais l’amour avec elle - en admettant que je réussisse à avoir une érection - et aussitôt fini je recommencerais à tourner en rond comme un chien inquiet. J’ai quarante et un ans et je suis en pleine dégringolade. Je roule vers la rivière comme un cadavre gênant enroulé dans un tapis persan (qu’on va tout de même regretter un peu).
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La lueur de chaque réverbère venait lui polir le visage. J’aurais roulé des jours, comme ça, à proximité de son corps tranquille, de la tristesse qu’elle portait sur son cœur comme un legs familial, comme une chaîne précieuse qu’on se passe de mère en fille. Quand j’ai immobilisé la voiture, elle a glissé ses yeux jusqu’aux miens. Voilà, me suis-je dit, elle va s’activer, elle va contracter ceci, soulever cela pour venir poser ses lèvres chaudes sur ma joue et m’abandonner.
Elle s’est dirigée lentement vers la maison. J’aurais accepté un café, un verre d’eau, j’aurais gardé la porte, couché en boule sur le paillasson. Elle a esquissé un petit signe de la main puis elle est disparue.
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Simone est sortie des toilettes et elle est venue se rasseoir à ma gauche. Elle m’a tapoté la cuisse. Je l’ai regardée long uement, ses yeux rassurants, son corps chaud et lourd… et j’ai recommencé à respirer.
Rire. Boire du vin. Regarder Simone.
— Ben alors, a repris Michel, de quoi tu parles ?
— Je te parle de l’être humain. Tu te souviens, l’être humain ? Le grand singe prétentieux ? L’orang-outan rasé de près ? Quand je le regarde en face, avec sa mesquinerie et sa lâcheté, j’ai envie de m’envoyer une balle entre les yeux. Ou de me déguiser en chien, tiens.
Il a regardé Simone puis Claire, sa femme, en levant ses grands bras au ciel.
— Quelqu’un peut me traduire tout ça en français ?
Claire, qui avait depuis toujours adopté la voie de la neutralité, a simplement haussé les épaules. Michel s’est penché vers moi, la bouche un rien tordue.
— Tu nous refais le numéro du misanthrope, Eddy ?
Toutes ces années, chaque fois que j’avais essayé de lui faire voir le vrai visage de l’Homme, je m’étais senti comme un guide touristique chargé d’un groupe d’aveugles. Je pouvais bien décrire telle ou telle faillite de l’humanité, telle ou telle preuve de notre insignifiance, il n’arrivait jamais à s’en faire une idée plus qu’approximative. Autrement dit, Michel avait la faculté de tomber en pâmoison devant un paysage peint en trompe-l’œil sur une toile de dix mètres carrés et d’ignorer tout simplement qu’à l’arrière, en direct, des cadavres basculaient dans des charniers.
— Toi, t’es pas opticien pour rien, lui ai-je dit, tu vois vraiment clair en tout. Le malheur, c’est que tu lèves jamais les yeux de ton nombril.
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Michel a laissé s’installer son sourire de zinc. Une sorte de blindage lustré, presque lumineux, derrière lequel il allait se réfugier quand les balles se mettaient à siffler.
— T’en fais pas, m’a-t-il répondu, on est tous comme toi, on a tous nos moments. Tu sais ce qu’on devrait faire ? Descendre dans la rue et traverser la ville le majeur dressé bien haut dans les airs !
J’ai ri. J’ai ri puis j’ai pris une grande gorgée de vin. Les deux choses qui m’allumaient encore un tant soit peu. Quoique rire, je commençais à trouver ça de plus en plus chiant.
— « Descendre dans la rue », t’es un petit comique, toi. Je suis pas en train de te parler de la précarité de l’emploi ou des coupures dans le système de santé !
Chaque fois que je discutais avec lui, peu importe le sujet, nous nous retrouvions les mains à plat sur la table et les yeux exorbités. Si on avait pris la peine de réduire ces scènes à leur plus simple expression, on aurait recueilli le concentré d’un sempiternel affrontement entre un colosse qui refuse de regarder la vie en face et son plus vieil ami, un observateur du désastre.
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« Les êtres humains se tuent ; il faut aussi qu’ils s’unissent. Cela presse. »
J. Lusseyran
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