J'ai commencé ce livre sans trop savoir à quoi m'attendre. La première partie du récit était une bouffée d'oxygène : une écriture légère, une description des personnages assez drôle avec Julien, incapable de résister bien longtemps à la gente féminine, le regard des hommes sur les femmes . On plonge dans cet univers et on se laisse entraîner vers quelque chose de beaucoup moins léger qui nous fait réfléchir sur les engagements que l'on prend dans la vie et nos relations aux autres. Bien écrit, bien construit, très plaisant à lire. Je recommande !
Bon, je n'ai pas réussi à trouver le lien entre l'histoire et le titre, mais ce n'est pas tellement important. J'ai beaucoup aimé l'écriture de Stéphane Bourguignon : juste assez vrai pour qu'on croie que des gens normaux puissent prononcer ces paroles, mais sans tomber dans l'oralité. On s'attache aux personnes, on croit à leur histoire, on veut le meilleur pour eux. J'ai trouvé le début un peu laborieux, mais après une vingtaine de pages, j'ai complètement été happée par l'histoire, et la non-histoire, de Julien. Comme quoi, le récit banal, d'une vie sans vagues (ou presque), peut toucher. J'ai hâte de lire la suite pour retrouver Julien et son entourage.
Le ton de ce roman fait beaucoup penser aux épisodes de la série "La vie la vie" du même auteur, c'est pourquoi j'ai reconnu avec bonheur le style de Stéphane Bourguignon.
« Plus le temps passe, plus on est bien tous les trois. Surtout Sonia et Pierrot, je dirais. Ça se voit dans plein de petites choses comme un sourire, un toucher ou un regard. Rien de bien sérieux si on considère chaque élément séparément, mais une fois alignés ces détails prennent toute une signification. Comme des lettres finalement : toutes seules, ce ne sont que de ridicules pictogrammes, sans personnalité, mais bien agencées avec leurs con-soeurs elles peuvent prendre tout un sens. Alors Pierrot et Sonia sont comme des lettres ; ils ne demandent qu'à composer un mot. C'est une affaire d'ondes. Vous savez, ces petites bebelles irréelles qui courent dans tous les sens et qui régissent nos vies sans qu'on y puisse quoi que ce soit? Ce coup-ci, les ondes de Pierrot ont rencontré les ondelles de Sonia et je vous garantis que ça copule joliment dans ce petit monde invisible. »
Je ferme les robinets. L'eau est plutôt tiède, j'ai dû mal doser l'ouverture. Je titube jusqu'à la cuisine et reviens vider deux bacs à glace dans la baignoire. Tant qu'à y être, je découpe un citron en rondelles; il paraît qu'il n'y a rien de plus rafraîchissant qu'une limonade. De toute manière, je n'ai pas vraiment le choix, il faut que je trouve une façon d'écouler tout ce que je rapporte du marché.
Je m'enfonce dans le liquide avec l'intention de m'y éterniser. J'ai apporté quelques bières avec moi, elles tanguent tranquillement au fond de la baignoire.
« Et tranquillement j'ai l'impression que commence à s'estomper la distance qu'elle a toujours tenue entre nous. Elle se laisse approcher et je peux voir dans ses yeux des choses qui craquent, qui cassent, qui se démantibulent. Elle fait un pas vers moi, c'était le seul qui nous séparait et même si c'est bien au-dessus de mes forces, même si je sais que je suis en train de mettre le pied sur la plus formidables des galères, je la serre contre moi et on s'accroche désespérément l'un à l'autre, comme les deux seuls survivants d'un hiver nucléaire. Pas pour se réchauffer, juste pour arrêter de mourir un peu. »
Ce qu'on attend d'un individu,
c'est de pouvoir s'asseoir en silence avec
lui, de lever le bras une fois de temps en
temps pour porter une bouteille à nos lèvres
et de regarder tranquillement passer
les filles. Si on ne peut pas faire ça, on n'a
pas compris le sens de la vie.
Nous, les hommes, c'est le
genre de besoin qu'on n'arrive pas à comprendre.
[...] À les entendre, si on vient au
monde avec un utérus, c'est qu'il faut absolument
s'en servir. Remarquez qu'on naît
tous avec des amygdales et que ça ne nous
empêche pas de se les faire enlever. De toute
manière, on pourrait en parler pendant des
siècles, ça ne changerait rien : une détentrice
d'utérus qui veut la rentabiliser, c'est
comme une narcomane en manque. Tu
peux lui expliquer cent fois qu'elle se détruit
l'existence, elle finit toujours par se procurer
ce qu'elle désire. Même au gros prix .
Quel est le titre du premier roman canadien-français?