...maintenant je doute que ça passerait ces arrangements, le monde a tellement changé, je ne sais pas d’où venait la peinture, sans doute un reste de stock payé deux ou trois bières, ça faisait une fois bien sec, les deux couches-pistolet, un vert étrange, vert d’eau léger, difficile à décrire, unique en tous les cas...
...tout s’est passé dans la cabine de peinture réservée aux camions, c’était aussi un temps où l’on pouvait faire ça, venir un week-end dans l’usine fermée, utiliser pour des trucs personnels, des trucs amicaux, le matériel, les espaces,...
...Et puis tu roules de l’autre côté de la pièce où, à la suite, on range les vides, rangées de dix, dans pas longtemps elles seront pleines, le gars déjà avec son tuyau pendant du plafond est en attente claire, c’est une boucle, tu imagines, la boucle du plein, celle du vide, les bidons pleins, les bidons vides, et les sulkys qui la-dedans tournent donc à plein et puis à vide et nous derrière, Et forçats, chevaux, et la sueur qui dégouline, ça dure des heures, le chaud, l’humide, rien ne s’arrête, même pas toi parce que quand tu trouves une soudaine envie de pisser, tu ne décides de rien, tu attends juste la pause suivante...
...le vestiaire avec ses casiers genre métal exactement comme on peut les imaginer quand on écrit, lit, vestiaire d’usine, gris, verticaux, fins, avec la petite étagère dedans en haut, la barre en travers pour suspendre ses fringues les plus longues, le tablier, et les autres petites étagères sur le côté où on posait les autres fringues se pliant, se boulant, c’est selon, ou bien des trucs, des photos, les gosses, les potes, une voiture, un tracteur vert que j’ai vu une fois, le chien, le chat, la femme, parfois c’était pas l’officiel, peut-être une copine, un rêve, un passé encore douloureux, les cannes à pêche, une caravane, des souvenirs en bref, des papiers pour l’administration, des bulletins de paie accumulés, je ne sais quoi et même qu’un gars dont je n’ai jamais compris à quelle équipe il appartenait y avait toujours une brique de lait qu’il s’enfilait dès le matin, dès les cinq heures qu’on commençait seulement à se réveiller sauf qu’à midi, il était sous comme un cochon...