Sociétal, nécessaire, «
Des étés Camembert » est d'utilité publique. Indispensable pour les DRH, les cols blancs et tutti quanti. Il est un symbole, l'exacte heure d'un labeur à flanc d'une fabrique de camembert.
Daniel Bourrion est ici. Très jeune, premier travail dans un été d'ombre et de pénibilité. Il conte ses véritables expériences, l'implacable. La plume est belle, insistante, loyale. Actant l'authenticité. « J'ai passé deux ou trois étés suant dans une yaourtière géante mais résumé cela ne veut rien dire et ne nous fera pas d'histoire alors je vais reprendre cela plus tranquillement manière d'expliquer ça, de ne pas en rester là.
Daniel Bourrion est projeté dans les diktats, broyé et soumis. « On était lundi, ce que je ne savais pas c'est que cette première journée durerait douze heures de suite et que j'en garderais souvenir le reste de ma vie. » L'engrenage minuté, tous à l'affût de la perfection. Réussir et s'échapper au plus vite de cet enfer. L'ambiance oppressante, tournant le dos à la fraternité. Pas une minute à perdre, veiller aux accords mentaux, aux psychologies tourmentées, ne pas courber l'échine sous le poids opératif. Grignoter chaque seconde, chacun son rôle, chacun son cumul de fatigue. La solidarité : un regard furtif vers un collègue, l'entente : la synchronisation des étapes. La résistance aux épreuves, sans récompense d'une renaissance. « Et j'étais pris dans cette ronde, des heures durant, pièce de la chaîne, juste un rouage dedans l'hallucinant décompte des bidons gris, des bidons lourds, des bidons vides, des jours durant, une punition tombée du ciel. » Ce microcosme, fourmilière d'ouvriers (ères), quelques couples noués au fronton de la fabrique. L'amour en dentelles dans les coins sombres, pas d'espoir pour le soir, la nuit, les courbatures sont des muselières.
Daniel Bourrion ne cède rien. Il somme le lecteur jusqu'à la dernière heure : « Les vestiaires » dans cette fabrique de camembert, plus d'ignorance, de mutisme, d'indifférence.
Daniel Bourrion délivre l'exutoire de ses alliés, collègues, frères et soeurs des batailles rangées. « C'était comme se pencher sur la bouche d'un enfer pavé de fromages puants. Maintenant tu sais ce que tu manges. » Les images de
Roxane Lecomte sont une double lecture, tatouages explicites, indélébiles.
Daniel Bourrion lance un pavé dans la mare des non-dits, les invisibles en lumière, corne de brume. « Surtout ne pas moisir ici. » Une autobiographie choc, une urgence de lecture, une référence. Publié par les majeures Éditions Publie.net.