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Critique de herve_14


L'excellente collection « Vérité des mythes » des éditions Les Belles Lettres accueille plusieurs titres consacrés au monde nordique, dont celui-ci de Régis Boyer. Cette fois, c'est l'auteur danois Saxo Grammaticus et ses Gesta Danorum qu'il nous invite à (re)découvrir. le but de Régis Boyer, comme il le précise dès le prologue, est « d'amener le lecteur à lire ce superbe texte », et pour y arriver, « le présent ouvrage veut être au moins autant une manière d'anthologie de Saxo que d'étude de son oeuvre ».
Le nom de Saxo Grammaticus ne dit probablement rien à bon nombre de Français. Pourtant, plusieurs éléments auraient pu concourir à asseoir chez nous sa notoriété : d'abord, la première édition des Gesta Danorum, qui vit le jour à Paris en 1514 ; l'étude d'Alexandre Büchner au XIXe siècle, ou celle de Georges Dumézil au XXe siècle ; la traduction complète des neuf premiers livres en français, dont nous disposons depuis plus de vingt ans : mais enfin, et surtout, c'est l'incroyable postérité de l'un des personnages des Gesta Danorum qui aurait dû assurer celle de Saxo. C'est lui, en effet, qui a sauvé de l'oubli Hamlet, le prince danois qui deviendra héros shakespearien, même si l'on sait que Shakespeare n'a pas eu directement connaissance de l'oeuvre de Saxo.
À la toute fin du XIIe siècle, Saxo Grammaticus entreprend, à la demande du puissant évêque Absalon, de rédiger une histoire des Danois, afin de doter son pays d'une histoire glorieuse qui pourrait soutenir la comparaison avec celle des plus grandes nations. Ce seront les Gesta Danorum, écrites en latin, et dont les seize livres demandèrent probablement une vingtaine d'années de travail à leur auteur. Les neuf premiers livres nous plongent au coeur d'un passé légendaire et mythologique. Ce sont eux qui depuis toujours ont le plus retenu l'attention des spécialistes, et qui sont l'objet de la présente étude. Les sept autres livres sont plus historiques, mais il ne faut pas pour autant les tenir pour une source fiable. Saxo, féru de valeurs martiales et volontiers misogyne, a une vision de l'histoire centrée sur les hauts faits des rois, et parfois calquée sur celle de Rome. Il se permet, à l'occasion, quelques petits arrangements avec les sources qu'il utilise ; il peut, par exemple, fusionner deux rois portant le même nom, pour en faire un prince glorieux, une sorte d'Auguste du Nord.
Régis Boyer détaille les sources utilisées par Saxo, et met en évidence de très nombreux points de correspondance entre les Gesta Danorum et les sagas légendaires islandaises. Loin d'être rébarbative, cette nomenclature des sources, qu'elles soient nordiques, latines, bibliques… ou qu'il s'agisse du témoignage direct de l'évêque Absalon, permet de se faire une idée de l'environnement intellectuel de Saxo, et de son travail de synthèse : Régis Boyer démontre comment Saxo parvient à fondre des données souvent disparates en un tout cohérent, certes, mais parfois aux dépens de la vérité historique.
Mais alors, pourquoi lire les Gesta Danorum ? Quel intérêt ce texte médiéval peut-il présenter pour le lecteur français du XXIe siècle ? Pour Régis Boyer, ce qui fait la valeur, à notre époque, des neuf premiers livres des Gesta Danorum, c'est cet art de la narration des auteurs nordiques, de la littérature médiévale à nos jours, ce « génie conteur » que Régis Boyer n'a eu de cesse de mettre en avant dans de nombreuses études.
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