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Critique de JIEMDE


Quand on a été emballé par Gravesend, le roman auquel l'immense Guerif a attribué le n° 1000 de la collection Rivages Noir, puis conquis par la profondeur nostalgique et mélancolique de Tout est brisé, inutile de vous dire qu'on attend avec impatience le nouveau William Boyle !

Et si vous n'avez pas le temps ou le courage de lire cette chronique jusqu'au bout, le message est simple : le témoin solitaire – traduit par Simon Baril - est de la même lignée !

L'histoire ? Elle est relativement simple et moyennement polardeuse : Amy, jeune New-Yorkaise, voit un soir un homme se faire poignarder en plein Brooklyn avant de mourir dans ses bras. Cet homme (qu'elle suivait depuis quelques temps intriguée par ses visites surprenantes et son comportement chez une vieille dame de sa paroisse) l'intrigue et la pousse à une mauvaise décision : pas d'appel à la police, mais une tentation de remonter le fil de ce fait-divers tragique. de fil en aiguille, elle se retrouve plongée dans une intrigue où le microcosme local de Gravesend, cet atypique micro-quartier de Brooklyn, semble largement impliqué.

Pas de quoi révolutionner le genre donc, mais ce n'est pas grave, car l'essentiel du Témoin solitaire est ailleurs !

D'abord dans cette nouvelle plongée dans Gravesend, quartier d'enfance, quartier de coeur de William Boyle, un endroit où « les vies des gens sont enchevêtrées », pour le meilleur et le moins bon. Un éternel lieu de déambulations à la fois nostalgiques et fascinées, pour Boyle à travers Amy. Boyle, éternel contemplateur de Gravesend, comme s'il redécouvrait ces lieux à chaque pas, à chaque regard, et où chaque phrase, chaque mot est une émouvante déclaration d'amour à ses rues, ses églises, ses commerces… Et ça marche pour le lecteur que je suis, entraîné avec Amy dans ce dilemme d'un quartier qu'il faudrait fuir pour ne pas revenir.

Partir, revenir… il y a du Lelouch chez Boyle (pas étonnant pour quelqu'un dont la culture cinématographique est inépuisable)… C'est ce qu'expérimente Alessandra (prénom déjà vu dans Gravesend), l'ancienne compagne d'Amy dont l'omniprésente absence (j'ose le barbarisme !) plane sur le livre durant toute sa première partie.

Gravesend retient les âmes pour mieux les perdre, Alessandra l'a compris en partant pour L.A. Amy a cru y échapper en s'inventant une nouvelle vie rangée. Mais elle s'y est perdue et a désormais peur de son ombre dans la rue, cultivant un sentiment paradoxal de recherche de sécurité dans sa petite chambre de location, tout en retardant le moment de s'y retrouver seule face à elle-même. Quand Alessandra revient faire un saut de puce à Gravesend, la tentation devient alors forte pour Amy de repartir avec elle. Mais rien n'est simple : « J'ai vu quelque chose que je n'aurais pas dû voir… ».


le témoin solitaire, c'est enfin l'occasion pour Boyle de reprendre les thèmes qui lui sont chers : le départ et la difficulté du retour, on l'a vu ; la réussite ; la tentation du rebond et de la 2e vie ; la religion ; la difficulté de renouer avec ses racines familiales quand elles ont été malmenées ; l'influence et l'attirance des lieux sur nos destinées. Son écriture est douce et limpide, totalement mise au service d'une atmosphère dans laquelle Boyle nous fait immédiatement rentrer et que l'on quitte à regrets.

Un dernier mot enfin : William Boyle ne cache pas son attachement à la France et à sa culture, entraperçue lors de sa visite de l'an passé, mais aussi par des clins d'oeil posés au détour d'une page de ses livres (Flaubert et Camus cités dans Tout est brisé par exemple). Dans le témoin solitaire, ils sont plus mystiques et rassemblés dans le nom complet d'Amy : Lynn Therese Falconetti. Thérèse et Lisieux qu'il évoque ; Falconetti comme l'inoubliable interprète de Joan of Arc qu'il insère au passage dans une de ses jolies pages… Nostalgique on vous dit !
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