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Critique de Wazlib


*Le Pays d'Octobre* (*October Country*) est un recueil de nouvelles initialement publiées chez Denoël en 1955. Les différentes histoires le composant couvre une bonne partie du début de carrière de Bradbury, la plus ancienne datant de 1943 (voire plus si l'on considère que "Le Lac" est un des premiers écrits de Bradbury) et la plus récente de 1954.
Je réalise à la lecture de ce bouquin que je connais bien peu Bradbury. J'ai un exemplaire vieillissant des *Chroniques Martiennes*, jamais lu encore, et n'ai exploré l'oeuvre que par *L'arbre d'Halloween* qui était un récit plein de nostalgie et de poésie, agréable à lire mais avec du recul périssable (en-dehors de quelques traits d'esprit poétique, je n'en ai guère de souvenir). Quand je dis que je suis loin de l'affaire, c'est que ne présumais absolument pas de de fantastique très malsain déployé ici. Je n'avais d'ailleurs aucune connaissance d'une "veine fantastique" chez Bradbury. Eh bien, je me trompais, et lourdement.

S'il y a une constatation qui me vient spontanément, c'est que Bradbury livre ici une prestation magistrale et classique. Si je devais comparer avec une seule oeuvre, qui lui est bien postérieure et ne nous trompons pas probablement inspirée par ce recueil, c'est *Danse Macabre* de Stephen King. On est face à des nouvelles, des récits de facture extrêmement classique tant dans la construction que dans l'abord du fantastique. On revient aux bases du genre, et cela fait extrêmement de bien: LE DOUTE. Les malheureux personnages de Bradbury, bien avant de connaître le mystique et le monstrueux, s'éprouvent dans une atmosphère glauque où s'effacent les limites du réel. On est bien loin de ce fantastique lovecraftien ou stokerien haut en couleur souvent porte-fanion du genre. Et je trouve, à titre personnel, qu'il est sincèrement plus difficile d'instiller ce doute et de le travailler délicatement afin de préserver l'illusion au lecteur et ne pas l'ennuyer que finalement, décrire des monstruosités (enfin, la comparaison s'arrête aux récits les plus fréquents, puisqu'une description de Lovecraft vaut beaucoup). Et la structure est donc tout autant classique: on est face à la nouvelle "de base", c'est-à-dire des récits toujours courts (le plus long doit faire dans les cinquante pages) et à chute. Et cet effort porté aux chutes et fins de récits est incroyable: on les sent parfois venir, mais ça fonctionne à chaque fois. Et encore une fois, personnellement, j'adore les récits à chute. Un bon twist, franchement, c'est précieux...

Ce à quoi je ne m'attendais pas, c'est ce glauque incroyablement puissant qui règne dans chacun de ces récits. Si la plume de Bradbury est toujours magnifique et vaut à elle seule le détour, elle est cette fois-ci au service d'un macabre émétisant et bizarre. Honnêtement, il n'y en a pas une pour rattraper l'autre (façon de parler, c'est exquis). Bien souvent, on pose le livre de côté pour souffler un peu et regarder le soleil alentour, car dans ces histoires, les chemins sont tortueux pour parvenir à l'arrivée, et celle-ci est toujours funeste...

Au palmarès des récits, je retiens;
- "Au suivant!": probablement le meilleur récit du recueil. Un couple dysfonctionnel est en vacances au Brésil et, sous l'insistance du mari, va visiter les catacombes d'un petit village mexicain et ses célèbres "momies". On parle ici des cadavres de pauvres n'ayant pas assez d'argent pour enterrer (ou maintenir enterrés) leurs proches. Mais la femme n'est décidément pas à l'aise dans cette petite ville, et sa rencontre avec les morts, figés dans leurs derniers instants, va finir de l'ébranler... C'est tout simplement excellent: le travail de l'atmosphère est incroyable, le final exécuté avec perfection et cela glace tout simplement le sang.
***et***
- "Squelette" vaut également le détour par son postulat de base incroyable: un homme ressent soudainement toute l'animosité que porte envers lui son propre squelette. Cette structure étrange dont il ne peut se détacher lui vaut du mal, il en est sûr, et cela va le mener aux portes de la folie.

Tout le reste est par ailleurs très bon, avec quelques récits de fantastique parfaitement orchestrés: "La Foule", "Le Vent" ou encore "La Faux"...
Ainsi, n'hésitez pas à lire ce recueil, tout bonnement excellent et donnant une grande leçon magistrale au genre.
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