Camille Corot, et ensuite Théodore Rousseau, furent des novateurs modestes, inconscients à leurs débuts. C'est plus récemment qu'est née, dans quelques esprits trop aventureux, l'absurde prétention de créer un art de toutes pièces. Nos deux futurs grands peintres consultèrent d'abord les maîtres anciens dont ils pénétrèrent le sens. Pour voir plus loin, pour découvrir de nouveaux horizons, il faut se placer sur les plateaux déjà conquis. Sans cela, c'est se condamner à errer dans l'obscurité barbare pour ne jamais en sortir.
Le camp des romantiques chercha en vain à ériger en système, à établir en théorie ce qui était insaisissable, pure émanation géniale. On fit grand tapage, on se disputa pour des nuances à peine appréciables. Les plus ardents portèrent des cheveux démesurément longs, des pourpoints, des souliers à la poulaine ; rien n'évoqua l'inspiration féconde ; tout était dit par le maître ; il n'y avait plus rien à trouver dans sa voie et l'on fut réduit à des imitations nulles d'intérêt. Cependant des talents mixtes cherchaient à concilier la couleur de Delacroix avec la forme des dessinateurs.
Eux-mêmes les artistes furent trop pris dans l'action pour avoir le loisir de la peindre. Effarées au centre d'une agitation continuelle, manquant de recul, les âmes créatrices, comme celle de Prud'hon, se réfugièrent dans l'asile que leur offrait l'étude des temps anciens ou dans les allégories ayant quelque similitude avec les préoccupations présentes.