Elle n’avait que 20 ans et un sens très lointain des réalités, malgré des études d’ethnologie à travers lesquelles elle cherchait à retrouver les racines originelles mystérieuses de l’espèce humaine, ses rites, ses mythes et ses superstitions… Au pire, on pouvait lui souhaiter de ne jamais avoir à vivre plus de quarante-huit heures sous un de ces régimes pour lesquels elle militait.
Huit jours en Côte-d’Ivoire lui avaient suffi. Exploitation, répression camouflée, néocolonialisme. Ces mots-là, elle les avait assenés un bon millier de fois à son fiancé, Jean-Paul Lombard, qu’elle avait accompagné dans son voyage à Abidjan où il devait préparer le futur voyage du ministre français de la culture, dont il était un des conseillers auxquels on promettait le plus d’avenir.
Quand on est ethnologue, le contact avec les populations locales ne se refuse pas. Il y avait encore, d’après la superbe Autrichienne que dix années d’Afrique Noire n’avaient visiblement pas ravagée comme ces Européennes bilieuses aussi bronzées qu’amaigries et découragées qui formaient le « top » de la société féminine blanche d’Abidjan, des villages mal connus avec des rites magiques étranges.
Et ce couple, là-bas, le Noir et la Blanche, en train de faire l’amour sans un mot, comme accomplissant un commandement rituel venu du plus profond du code génétique, de plus loin que leur mémoire ancestrale, des temps d’aube de l’humanité où les premiers êtres s’étaient désirés, approchés, flairés, caressés…
Les Africains sont susceptibles. Quand on est dans un pays étranger, on doit s’adapter au savoir-vivre local.
On est de la génération des droits de la femme ou on ne l’est pas. De toute façon, s’ils devaient vivre ensemble, il valait mieux qu’il s’habitue tout de suite à son indépendance absolue et définitive.