Cet ouvrage collectif sur « les monuments engloutis des origines de la philosophie occidentale » rappelle les limites de nos sources et propose de brèves introductions aux principaux penseurs. Les limites des sources : le nombre des interprétations est incommensurable à celui des
fragments fiables. Les auteurs rappellent que le travail philologique d'Hermann Diels n'a guère été dépassé depuis 1902. Ils précisent que l'édition de la Pléiade (1988) reprend telle quelle la sélection de Diels et s'inspire de sa présentation, ce que la Pléiade ne dit pas clairement. Diels traitait chaque penseur de trois points de vue : témoignages,
fragments et imitations. La Pléiade n'a pas cette prudence et traite de la vie, de la philosophie des auteurs et de leurs
fragments.
Qui sont ces philosophes ? Des poètes inspirés par la mythologie, des penseurs qui se débarrassent du surnaturel, de sages conseillers, des savants, ou tous ceux qui ont le désir de savoir ? Et qui mérite l'adjectif de présocratique ? Faut-il exclure Thalès, figure légendaire ; Pythagore, qui n'a rien écrit ; les pythagoriciens (235 dans la liste de Jamblique) qui ont vécu sur des siècles, souvent après Socrate ; et aussi les sophistes, « imposteur rémunérés », « mercenaires de la
rhétorique » ? La première partie rappelle l'influence majeure d'
Aristote (détracteur des pythagoriciens) dans l'histoire des idées, et souligne avec humour les biais de nos connaissances (« Théophraste lit Anaximène avec des lunettes péripatéticienne », p 94).
De courtes monographies traitent des écoles (milésiens, sophistes, pythagoriciens) ou des penseurs individuels. L'introduction rappelle la tradition de trois lignées, ionienne, pythagoricienne et italique (p 22). Curieusement
Héraclite, cher à
Saint-John Perse et à
René Char, est absent de ces lignées mais il a sa monographie, et inversement pour Zénon d'Elée, Cher à Valéry. Sans surprise, Pythagore n'a pas sa monographie (« La doctrine de Pythagore : une absence » p 106) et les Pythagoriciens ont droit à 12 pages (212 dans la Pléiade).
Certains d'entre nous connaissent les philosophes antiques et d'autres un peu les poètes. Ils puisent chez les présocratiques des idées et une inspiration que leurs auteurs pourraient ne plus reconnaître. Ce livre rénove la curiosité et le plaisir des uns et des autres. Comme le dit
Jaccottet « La préférence que nous vouons […] aux philosophes présocratiques a quelque chose de désespéré. Hommes au regard terni, nous désirons violemment ces yeux clairs ».