-J'ai passé ma vie à fuir
-Mais à fuir quoi au juste ?
-L'amour, l'engagement, l'abandon. Avec ton arrière-grand-mère, je pense que les choses se sont passées ainsi. Elle m'aimait trop. Elle comptait trop sur moi. elle m'idéalisait. (...)
Ce n'était pas moi qu'elle aimait mais l'image de héros qu'elle s'était fabriquée. Elle m'avait mis en prison. je m'en suis échappé. (p.153)
J’ai eu trois maris. Au début, tout est merveilleux. Ils te cajolent, sont drôles et ils t’emmènent danser sans soupirer. Et puis tu te rends compte avec les années que ce que tu prenais pour de l’attention, de la délicatesse, est en fait de l’indécision, de la passivité. Ils attendent tout de toi : que tu entreprennes, que tu décides, que tu assumes, que tu sois forte à leur place. Ils disent oui à tout et attendent que cela se passe.
Mon arrière grand-mère avait été une jeune femme, avec des désirs et des tourments. Elle avait eu une vie de femme. Elle avait souffert en tant que femme. Elle avait espéré comme une femme. Jamais je n'avais envisagé ainsi cette vieille dame. (p.62)
C'est incroyable comme les tempêtes intérieures transforment l'apparence physique en quelques instants à peine. (p.111)
Que me laisse-t-elle au juste, mon arrière-grand-mère ? Une empreinte de douceur. Des souvenirs de vacances. Des jeux, un potager, un chien aveugle. La prévenance surannée d'une vieille personne pour une petite fille. L'apprentissage joyeux des choses du quotidien. (p.17)
-Peut-être pourrais-tu considérer les choses sous un autre jour. Personne n'appartient à personne. Chacun s'appartient à soi. Or, qui peut nous obliger à aimer l'autre ? Et que faire lorsque le lien a disparu ? Rester par devoir ? Par convention sociale ? (p. 173)
La mort est la chose la plus certaine de notre vie. Pourtant, elle nous surprend toujours.
Comment décider du sort de ces montagnes de livres, de bibelots accumulés en quatre-vingt-dix ans de vie ? Comment juger de ce qu'il faut trier, jeter, laisser en place, emporter ? Moi qui pensais Mamie Alice éternelle, inoxydable, indestructible, il me semble déplacé d'avoir aujourd'hui à décider du sort des traces de sa vie. (p.39)
Vivre ! C'est drôle, maman vit au quotidien avec la mort. Chercheuse au CNRS, paléontologue, elle passe sa vie à faire parler les preuves léguées par les défunts. Elle consacre son énergie à remonter le fil de l'histoire, à tourner à l'envers les pages du grand livre de la vie pour percer le secret des origines. (p.20)
Un poète est un monde enfermé dans un homme.
Victor Hugo.