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Critique de Feuillesdejoie


Les livres qui traitent des pays baltes ne font pas florès sur les rayons de nos librairies. Qu'importe si La Lituanie, la Lettonie et l'Estonie ont désormais rejoint la grande Europe en construction, hier comme aujourd'hui, ces pays ne semblent pas exercer sur le public français une trop grosse fascination culturelle. C'est bien dommage.
C'est ce que le journaliste et voyageur néerlandais Jan BROKKEN nous démontre magistralement dans son opus « Baltishe Zielen », « les âmes Baltes ». C'est en évoquant une petite dizaine de destins singuliers qu'il parvient à circonscrire l'esprit si particulier des gens de la Baltique. Certains personnages nous sont familiers comme Hannah Arendt, Emmanuel Kant (originaire de Koenigsbergs, aujourd'hui Kaliningrad) ou Roman Kacew, mieux connu sous son pseudonyme principal de Romain Gary (né à Vilnius en Lituanie). D'autres ne vous diront rien ou si peu, du musicien Arvo Pärt, en passant par le violoniste Gidons Kremer, le sculpteur Jacob Lipchitz, le peintre mark Rothko, la libraire Janis Rose, déportée en Sibérie ou la petite victime de la « révolution chantante » lituanienne Loretta Asanaviciuté « bousculée à mort » en direct par un char russe.
Au fil des chapitres se dessinera en arrière-plan une histoire commune, celle de trois petits peuples parlant des langues singulières (d'origine finno-ougrienne, et donc apparentées au finlandais) et qui trouvèrent très longtemps dans leur relation à la nature et à ses éléments l'essentiel de leur inspiration culturelle. Seulement voilà, en parlant de culture, l'histoire ancienne les a sédentarisés sur une véritable ligne de faille. Une étroite bande de terres côtières qui borde la mer Baltique, coincée entre de très encombrants voisins, l'Allemagne, la Pologne, la Russie ou la Suède. Autant de nations qui, depuis les temps les plus reculés, sous diverses bannières ou oripeaux, et pour une foultitude de raisons désormais oubliées, se sont livrées à des guerres sans merci pendant lesquelles presque systématiquement, les peuples baltes ont été pris en otage et décimés.
Ici les volcans sont invisibles mais leur activité est permanente. Ici on parle des années 1944-1949 comme du « second génocide ». En un mot des pays où les communautés linguistiques et culturelles, juives, germano-baltes, scandinaves, polonaises, russes et baltes, se sont superposées les unes aux autres pour le meilleur (de temps à autres) et pour le pire (presque tout le temps). Des communautés qui se sont souvent haïes pour des raisons tout à fait légitimes et qui n'ont jamais manqué, au fil des humeurs historiques de se le faire savoir. On lira dans ce cadre, l'édifiante histoire de la famille von Wrangel et les malheurs de leurs enfants, Lotti, Claus ou Olaf. Elle résume à merveille la complexité du champ historique de la Baltique.
Mais Brokken n'en démord pas, derrière tout cela et en dépit de tous les cataclysmes, l'âme Balte a survécu. Avec une érudition époustouflante l'écrivain nous entraîne dans un tourbillon d'excursions hasardeuses et de rencontres miraculeuses. Les Baltes sont là, il suffit de savoir où les chercher, ce qui finalement est déjà un bel exploit. Jan Brokken ne se résout à aucune simplification et n'écarte aucune source d'information. L'honnêteté transparente de sa démarche en devient parfois quasiment palpable. L'âme des Baltes et tourmentée et ne se livre pas au premier venu. Sa découverte est de nature à bousculer profondément nos consciences mais le jeu en vaut la chandelle. Il y a beaucoup à apprendre de nos compagnons Baltes. du reste, nous le savions déjà à travers la lecture d'un Romain Gary, mais nous ignorions simplement qu'il fut Balte ! (Lui-même ne s'en vantait guère comme on pourra le découvrir)
Ce livre est une des plus belle découverte de ces derniers mois. Jan BROKKEN, inconnu en France, rejoint pourtant par son talent une très petite élite d'écrivains érudits à l'instar d'un Claudio Magris ou d'un Mariusz Wilk. A lire absolument

Lien : http://feuilles.de.joie@gmai..
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