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Critique de berni_29


Pourquoi donc ai-je aimé Jane Eyre ? Je me le demande encore. Et pourquoi l'ai-je aimé autant ?
Je me suis laissé aller à le relire, longtemps après la première fois. Il me semble que cette première fois devait remonter à l'adolescence ou peut-être un peu après, je crois.
J'aime la littérature anglaise classique, je m'aperçois qu'il s'agit souvent de plumes féminines : George Eliot, Jane Austen, les soeurs Brontë, plus tard Virginia Woolf. Et lorsqu'il s'agit d'une plume masculine comme celle de Thomas Hardy, pour autant l'oeuvre offre de très beaux personnages féminins.
L'histoire pourrait paraître, non pas banale, mais digne d'un roman à l'eau de rose. Or il n'en est rien.
J'ai été emporté par le récit que nous raconte la narratrice, Jane Eyre, orpheline qui dès les premières pages se définit comme une fille non jolie. À force de l'entendre le dire, j'ai traversé le miroir des pages pour m'assurer moi-même que c'était bien, non pas un mensonge, mais la trace d'un sentiment humble, une manière de détachement, une sensibilité aussi.
Car Jane Eyre est une personne à la fois sensible mais déterminée dans ses engagements. Elle est la souffre-douleur de sa famille d'adoption. Elle s'enfuira. J'ai aimé sa beauté.
Jetée parmi les vents, sur les sentiers de la vie emplis de ronces, pauvre elle l'est aussi, son coeur ardent semble cependant triompher de tout, de chaque obstacle qui jalonne son chemin. Humble, emplie de compassion, résiliente, elle n'en demeure pas moins fière et respectueuse de sa condition de femme, le faisant savoir à chaque étape qui marque le récit. Posant des actes.
Oui Jane Eyre est une femme. C'est un personnage qui affirme sa condition de femme en exigeant des personnages masculins qu'elle côtoie et qui cherchent parfois à lui dicter le cours des choses, le respect due à sa personne. Edward Fairfax Rochester, St. John Eyre Rivers le découvrent à leur dépend et en seront parfois pour leur frais. Pourtant, le coeur de Jane Eyre est aimant, capable d'émotions, capable de trembler, de chavirer, de souffrir, de se perdre aussi, mais c'est elle qui décide. Décider, c'est bien la possibilité d'un choix, le choix d'une femme, posé dans un récit publié par une femme écrivaine en 1847. Respect.
Pourquoi ai-je aimé Jane Eyre ? Sans doute déjà pour cela...
Elle aime parfois ramener les événements de sa vie à la religion, son destin lui semble lié à des choses qui parfois invitent l'invisible, à ce qui ne peut être ni expliqué ni compris.
Pourquoi ai-je aimé Jane Eyre ? Sans doute pas pour cela.
Le personnage de Jane Eyre évolue dans une abnégation totale de sa personne.
Pourquoi ai-je aimé Jane Eyre ? Sans doute pour cela aussi.
Et puis vient l'écriture, une écriture très belle et très juste qui vient s'enrouler dans le récit, prendre la main des personnages, les déployer, entrer dans leurs failles, les bousculer jusqu'aux confins de la passion, jusqu'au bord de la folie. J'ai trouvé magnifique la manière dont l'autrice, au travers de la narratrice, évoque les méandres des sentiments amoureux.
La force de l'histoire est sans doute là et puis ailleurs aussi, dans une forme de magie qui crée une brèche dans ce réel sombre, gothique, à quelques encablures d'un ciel chargé de nuages qu'on sent si proche du paysage qu'on pourrait presque le toucher. Cette manière de l'autrice de savoir bousculer notre monde désenchanté a éveillé en moi des volées d'oiseaux.
Jane Eyre, est-ce Charlotte Brontë ? Je voudrais le croire. J'ai senti la parole, la voix de l'autrice venir à moi, traversant les landes, les mers, le ciel, les ronces, les mots tout simplement.
Pourquoi ai-je tant aimé Jane Eyre ? Sans doute enfin pour cela, pour cette rencontre intime avec l'autrice. En tournant les pages du livre, je sentais à certains instants, une présence qui effleurait mes doigts et je ne saurais vraiment dire à quoi cette sensation parfois cérébrale, mais parfois aussi un peu sensuelle, était due.
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