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Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2013/2014, écrits par Max Brooks, dessinés et encrés par Raulo Caceres. La mise en couleurs a été réalisée par Digikore Studios.

Le récit se passe de nos jours ; il commence à Kuala Lumpur, alors que l'infestation de zombies a déjà commencé. La narratrice (elle n'a pas de prénom) est une vampire ; elle réside dans un hôtel avec Laila et Anson, 2 autres vampires. Elle explique qu'en tant qu'immortelle elle éprouve un rapport au temps un particulier, les décennies passant sans laisser beaucoup de souvenirs marquants, et le siècle passé semblant n'être qu'hier. le récit montre les massacres perpétrés par les hordes de zombies, avides de chair fraîche. Ce n'est pas la première fois que les vampires assistent à l'apparition de zombies, et ils sont confiants dans le fait que les humains ont toujours réussi à juguler ces manifestations. Ces 3 vampires se sentent d'autant moins concernés que les zombies sont incapables de les ressentir. Ils ne sont attirés que par les individus vivants, leurs sens ne détectant pas ces demi-vivants que sont les vampires. Il faudra le suicide de leur serviteur au milieu d'une horde de zombies pour que ces vampires prennent conscience que l'infestation a pris des proportions telles que l'humanité est menacée, que leur source de nourriture risque de se tarir.

Max Brooks s'est fait connaître en écrivant Guide de survie en territoire zombie, puis Attaques répertoriées et World War Z qui a été adapté en film World War Z avec Bradd Pitt. La présente histoire correspond à l'adaptation en bandes dessinées d'une de ses nouvelles qu'il a transposée lui-même. Il est possible de déceler des traces de cette origine dans le fait que l'histoire est racontée à parts égales par les dialogues, et par la voix intérieure de la vampire.

Max Brooks a dosé avec soin les passages où la vampire expose les particularités de sa condition, et ceux où le dialogue permet aux personnages de réagir aux événements. Contre toute attente, il n'y a pas de hiatus entre ces de modes de narration, l'un prenant le relais de l'autre naturellement.

Brooks ne s'attarde pas sur les règles qui régissent la condition de vampire, le lecteur comprend rapidement qu'ils sont sensibles à la lumière naturelle, qu'ils sont de nature sauvage (appréciant la chasse à l'humain, et le ressenti de la peur dans leur proie) et qu'ils prennent un plaisir certain à tuer leur proie avec une forme de cruauté. de même la vampire ne raconte pas l'histoire de sa race au fil des âges de l'humanité. Elle énonce plutôt des considérations sur la condition vampirique : l'écoulement différent du temps, la facilité de se nourrir d'humains, les règles strictes sur la discrétion et le contrôle de la population de vampires pour ne pas être inquiétés, la difficulté de passer inaperçu à l'ère moderne (avec la multiplication des bases de données et des contrôles informatiques de tout type), l'absence de soucis matériels grâce à l'asservissement de quelques serviteurs humains s'occupant de toute la logistique (de la gestion des comptes en banque, jusqu'à la fourniture de fax papiers, ou le nettoyage de vêtement souillés de sang) et une forme de détachement ou de lenteur de réaction du fait leur invulnérabilité.

Max Brooks sait évoquer la douceur de vivre des individus de cette race, vivant en tant que parasite de la race humaine (au sens biologique du terme). le lecteur ressent la volupté de cette vie dorée, débarrassée de tout souci matériel, protégée par l'esprit d'entreprise de l'humanité, capable de se débarrasser elle-même des dangers qui la menace.

L'équilibre de la narration tient beaucoup aussi à la personnalité graphique du dessinateur : Raulo Caceres. Il s'est fait connaître en mettant en images l'immonde "Psyhcopathe" (écrit par David Lapham, dans l'univers de zombies Crossed créé par Garth Ennis), l'historique "Crécy" (écrit par Warren Ellis) ou encore le steampunk Captain Swing (également écrit par Warren Ellis). Ses dessins sont hyper détaillés, avec un goût prononcé pour le gore.

Caceres se complaît dans la représentation des chairs en putréfaction, dans les viscères pendants, dans les plaies béantes, dans le sang qui coule. Il fait preuve d'une réelle inventivité pour imaginer toutes sortes de dégradations et violations de la chair, pour imaginer blessures et sévices, écartèlement et éviscérations. le lecteur ressent pleinement la faim inextinguible et aveugle des zombies pour la chair humaine, il contemple toute la sauvagerie des vampires en train de se nourrir.

Lorsque la vampire réfléchit à sa condition de vampire, à la relation parasitique qui lie les vampires à l'humanité, au manque d'esprit d'entreprise de sa race, les images montrent les horreurs perpétrées par les zombies. Lors des affrontements physiques, la chair est éventrée, les viscères volent dans des images qui réussissent à être choquantes, et à impliquer le lecteur alors même que les 2 factions n'appartiennent pas à l'humanité.

Raulo Caceres n'épargne rien au lecteur, ne laisse rien dans l'ombre, ne laisse rien à l'imagination du lecteur. Ses dessins se vautrent dans le gore, sans hypocrisie, sans concession. Il vaut mieux être prévenu, et être amateur du genre pour pouvoir les apprécier. Pourtant ce récit ne peut pas être réduit à un simple exercice de style gore, les réflexions de la vampire mettent le lecteur dans la situation d'un individu privilégié n'ayant pas à s'inquiéter des détails matériels de la vie, dans la situation d'une race consommant de l'humain sans s'inquiéter. Bien souvent les réflexions de la vampire font écho à nos propres comportements de consommateurs de ressources naturelles, de citoyens sans conscience écologique ou énergétique. Ces considérations font apparaître que ces monstres dévorant tout sur leur passage, se gorgeant de liquide vital sans crainte des conséquences sont si proche du consommateur de base, qu'il est impossible de ne pas s'y reconnaître. Avec leur narration rentre-dedans et explicite, Max Brooks et Raulo Caceres exposent des vices beaucoup trop humains pour pouvoir y être insensible.
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