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Critique de Alfaric


Comme celle de Thésée, l'Histoire de Persée dans cette collection est un stand alone… Je vais aller à l'essentiel ce tome-ci est plus réussi, à commencer par les graphismes du triumvirat constitué par Didier Poli, Giovanni Lorusso et Stambecco ( le premier assurant une unité d'ensemble à la collection, en puissant dans l'inépuisable vivier des dessinateurs italiens de talent), qui nous offre de chouettes Grées, Nymphes, Gorgones, monstre marin géant et sandales ailées ressemblant aux bottes antigravité du film "Jupiter Ascending" (OMG, je viens d'imaginer ce que ferait les Wachowskis si on leur confiait un peplum… Waouh le film de ouf !!!)
Je ne sais pas si c'est conscient, inconscient ou si le récit d'origine était à ce point proche des archétypes universels mais on est vraiment dans le schéma narratif du conte : situation initiale, élément déclencheur, quête impossible, épreuves à affronter pour grandir et devenir un homme (avec un côté Fantasy voire Portal Fantasy très plaisant, puisque c'est en affrontant des problèmes « inhumains » qu'il trouve des solutions à ses problèmes « humains »)… On est à 100% dans la Quête du héros aux mille et un visages de Joseph Campbell, ce mythe fondateur de l'humanité commun à toutes les mythologies du monde entier car toutes les peuples appartiennent à la même humanité : pas de chance, visiblement Luc Ferry ne le connaît pas (c'est la malédiction de la Tour d'Ivoire ^^)

Dans le cahier pédagogique (enfin je dis pédagogique, il faut des masters en littérature ancienne, en littérature moderne, en philosophie et en psychologie pour le suivre, du coup les auteurs sont obligés d'expliquer en encart pour le grand public tout ce qu'il n'explique pas), l'ancien ministre oublie totalement le récit et son héros pour se concentre sur la Gorgone symbole de l'inéluctabilité face à la mort et donc de la finitude de tout être. Alors il pioche dans le christianisme, l'hindouisme et le bouddhisme avant de convoquer Sénèque, Montaigne, La Rochefoucauld, Freud et Le Dalaï Lama pour nous expliquer qu'il faut philosopher pour arriver à une vérité que chaque être vivant connaît déjà intimement. Désolé, mais j'ai déjà vu tout ça dans tous les genres et dans tous les médias, et j'ai déjà vu tout ça mieux fait ! N'importe quel bouquin de David Gemmell nous aurait développé tout un dramatis personane montrant que le monde se divise en deux catégories : les homines crevarices qui sont persuadés d'être si singuliers qu'ils ne supportent pas d'être mis au même rang que les communs des mortels, et ceux qui savent qu'il font partie d'un tout qui se renouvelle générations après générations, ceux qui sont persuadés que le monde leur appartient, et ceux qui savent qu'ils appartiennent au monde…

Ici la scénariste Clotilde Bruneau essaye de rattraper en ajoutant au mythe une touche de fable voltairienne… Derrière l'inéluctabilité de la mort et l'implacable destin, on a Acrisios l'homme qui attend avec impatience la venue de son petit-fils avant de céder la place à Acrisios qui être à sacrifier sa descendance pour conserver le pouvoir qu'il ne pourra pas emporter dans la tombe : au lieu d'aider la nouvelle génération à préparer l'avenir, il s'accroche au trône en s'enfermant dans le passé (vous reconnaîtrez sans doute ici la mentalité de votre politicien le plus proche). A l'opposé de sa vision de la vie, on a son petit-fils qui vit modestement et tranquillement et n'a jamais rien réclamé (y compris la vengeance car il sait que la rancune est un cancer de l'âme), et qui utilise le pouvoir qui lui a été échu au bout de sa quête pour le plus grand nombre, avant de l'abandonner définitivement… Se servir du pouvoir, mais être prêt à le laisser : voilà le seul moyen d'être libre, et de libérer les autres… Voilà il aurait suffit d'étoffer la caractérisation et les dialogues pour obtenir un bel hommage aux mythes fondateurs de l'humanité ET une bonne bande dessinée, oui mais non Luc Ferry n'en démord pas : pour lui il faut adapter fidèlement des récits qui fonctionnent avec un mode de narration appartenant à des civilisations depuis longtemps disparues au lieu de les moderniser pour porter au plus haut leurs messages humanistes… Et ici, le fait que la conclusion de Luc Ferry ressemble plus aux propos du roi Acrisios qu'à toute sa démonstration est assez dérangeant…
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