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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'histoire contrastée et la trace actuelle du canal Baltique – Mer Blanche, exhumée depuis le terrain, en Carélie.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2016/04/29/note-de-lecture-les-eaux-glacees-du-belomorkanal-anne-brunswic/

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    Anne Brunswic nous offre un reportage sur le Canal de la Mer Blanche. Plus exactement, au cours d'un long séjour réalisé en 2006-2007, elle rencontre de nombreux Russes peu ou prou impliqués dans la vie de ce canal de sinistre mémoire puisque construit sous Staline en vingt mois à grand renfort de prisonniers politiques et de droit commun. Cela nous offre l'occasion de mieux nous rendre compte dans quel état (conditions de vie, opinions) se trouvaient il y a moins de quinze ans les habitants d'une partie de la Carélie, région de Russie limitrophe de la Finlande. L'auteure nous dresse une série de portraits d'individus en ne cherchant ni à les expliquer ni à les juger. Elle nous fait partager son empathie pour des personnes souvent modestes qu'elle interroge sur leur vie.

    le plus frappant pour nous autres dans ce récit-reportage est l'omniprésence de la mémoire des années noires. le nombre de familles dont un ou plusieurs membres ont été éliminés en 1937-1938 est très impressionnant ; il est, toutes proportions gardées, similaire à celui des tués de la Grande Guerre chez nous mais s'accompagne là-bas des traces de la grande peur que le Goulag a durablement inoculée dans la population. Certains comportements contemporains sont encore influencés par la terreur de cette époque. Un autre aspect fort troublant est celui de la pauvreté générale des ménages et de leurs conditions de logement. En contrepartie de ce sombre tableau, l'hospitalité offerte en toute simplicité à l'écrivaine d'origine juive démontre la bonne volonté des femmes et hommes rencontrés. On note également la relative ouverture du régime qui ne s'oppose plus (du moins en 2007) à la réhabilitation des fusillés et disparus sous Staline ni à la recherche des charniers qui entourent le tracé du canal d'ineffaçables taches noires.

      En ces temps perturbés par la guerre en Ukraine, il n'est pas inutile d'essayer de mieux connaître la Russie telle qu'elle était vers 2006-2007, c'est à dire plus de quinze ans après l'effondrement de l'URSS, de huit ans après la crise financière de 1998 (PIB divisé par deux) et de cinq ans après l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Il est troublant de mesurer sur cet "échantillon" de la Russie la profondeur de la marque laissée dans les familles et les esprits par l'ère stalinienne.

    Prétendre connaître la Russie à partir de ce seul livre serait bien évidemment faux. Mais, même si l'aire géographique et la période d'observation concernées sont limitées, le simple fait d'entrer chez l'habitant et de partager pendant plusieurs jours sa vie quotidienne aide le lecteur à moins mal mesurer l'écart qui le sépare du peuple russe. Ce livre est tout à la fois une leçon d'histoire contemporaine et un petit bijou anthropologique.
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Enquête historique et récit de voyage, ce livre écrit par une journaliste, qui fut communiste dans ses jeunes années, nous invite à travers documents et témoignages, à découvrir l'histoire du Belomorkanal.
Quelques indices ont été le point de départ de sa recherche. le premier est le paquet de cigarettes qui portent le nom de Belomorkanal qui « est aux russes ce qu'est la Gauloise aux français. »
Son deuxième indice sera un livre que lui montre une amie russe, livre de propagande préfacé par Maxime Gorki qui « sans en avoir le titre, tient le rôle de Ministre de la Culture » et qui chante les louanges d'une réalisation soviétique le Belomorkanal, véritable chef-d'oeuvre initié par Staline. Ironie de l'histoire, une partie des auteurs de ce livre seront eux mêmes victimes des purges staliniennes quelques années plus tard.

Inauguré en 1933, ce canal qui comporte 19 écluses répondait à des besoins stratégiques et militaires, il relie le lac Onega à la mer Blanche et permet à la navigation d'éviter le contournement de la Scandinavie.
Maxime Gorki croyait, ou faisait semblant de croire, à la rééducation nécessaire des prisonniers, la rédemption par le travail. Cet avis est partagé par Louis Aragon qui « applaudit sans réserve la science prodigieuse de la rééducation de l'homme »
La réalité sera très noire, ce canal déjà rêvé par Pierre le Grand, a été réalisé en 18 mois, ce sont 150.000 prisonniers qui vont travailler sur ce chantier pharaonique.
La création du chantier se confond avec l'organisation du Goulag, le nombre de prisonniers variera en fonction des besoins le NKVD n'hésitant pas à arrêter des personnes sans motif aucun, mais possédant les compétences techniques nécessaires : menuisier, électricien. le Goulag devient « le premier entrepreneur du pays ».

Les prisonniers koulaks ou prisonniers politiques vont mourir d'accidents, de famine, d'épuisement, de froid. Au moins 20.000 d'entre eux trouveront la mort sur Belomorkanal en particulier au début des travaux où rien n'était prêt pour les accueillir et à la fin où le travail s'accélérait pour tenir les délais imposés par Staline «Cet été là, des cadavres remontaient à la surface, ceux des cimetières engloutis sous les lacs du barrage, ceux qu'on avait pas eu le temps d'enterrer pendant le chantier. »

Anne Brunswic a sillonné la Carélie durant l'hiver 2007 car dit-elle dans une interview « pour comprendre la vérité de la Russie il faut la visiter l'hiver, la civilisation russe s'est construite pour résister à l'hiver »

Ce qui rend son livre passionnant c'est qu'au delà de son enquête sur le canal, elle a choisi de séjourner chez l'habitant, elle a sillonné les villages qui bordent le canal, elle a recueilli un grand nombre de témoignages sur la période du chantier mais aussi sur les années terribles de 1937/1938.
Ce sont souvent des femmes, bibliothécaires, médecins, institutrices, qui témoignent de l'histoire de cette région pendant la guerre, sous le stalinisme, mais aussi aujourd'hui. de nombreuses familles ont eu un membre déporté, fusillé, ou tout simplement disparu.

Elle rend hommage à deux hommes Yvan Tchoukhine et Youri Dimitriev créateurs de l'association Mémorial en Carélie, Tchoukhine auteur d'un « j'accuse » mettant ouvertement en cause Staline, car aucunes considérations ne « peuvent justifier le principe du travail forcé, qui contredit radicalement les idéaux socialistes » affirme t-il dans son brûlot et le même Tchoukhine exigeant que « l'affaire soit portée devant le tribunal de l'histoire ». Cet appel lancé dans les années 90 est resté lettre morte et aujourd'hui Dimitriev poursuit seul un travail d'investigation sur les charniers de Carélie sans recevoir aucune aide.

Lien : http://asautsetagambades.hau..
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