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Critique de tamara29


Quand on apprécie la lumière des poèmes de Bobin, la force parfois douloureuse de ceux d'Hugo ; quand on fond pour la chaleur amoureuse d'Aragon, parfois désespérée et flamboyante de ceux d'Apollinaire ; quand on s'émeut pour la poésie d'Eluard ou de Char, on risque d'être fort décontenancé par les poèmes en prose de Charles Bukowski.
Possible que certains ne les considèrent même pas comme de la poésie et qu'ils veuillent passer leur chemin. Parce qu'il faut bien le dire, Charles ne fait pas dans la dentelle. On aura prévenu…
Ses mots à lui crissent comme un grain de sable entre les dents. Ses pensées sont rugueuses et âpres comme une bouteille de rouge bon marché, un mal de crâne et une nausée persistants après une soirée de soulerie.
Bukowski, c'est l'amer, le cash, le trash. C'est l'argot des rues, les mots crus qui choquent et s'entrechoquent. Il est comme ça. Il s'en fout de ce que tu peux penser. C'est pas trop l'genre à proposer à une mignonne d'aller contempler la fragilité d'une rose, ni d'avoir la larme à l'oeil pour la douceur d'un soir ou le sourire d'une passante. D'ailleurs, chez la passante, faut pas s'leurrer, c'est tout autre chose qui le fait frétiller. Au sourire, sauf s'il est prometteur, il préfèrera le galbe d'une jambe, une poitrine affriolante. Et le voilà qui s'anime !
Mais pour sûr, ça ne lui viendrait pas à l'idée de lui conter fleurette et encore moins de lui proposer un scrabble un soir de printemps. L'amour courtois, Charly, il connait pas. C'est pas du politiquement correct chez lui. Avec lui, c'est tout un ‘'autre'' programme… Faut dire qu'il a d'autres jeux en tête que les mots d'esprit. Et il ne va pas aller par quatre chemins pour le lui dire et arriver (ou non) à ses fins. Et gare à elle, s'il n'arrive pas à ses fins... On vous avait prévenu qu'il ne faisait pas dans la finesse…
Il ne va pas nous raconter que la vie est belle. Non, elle est même cruelle et dégueulasse. le nez dans le ruisseau, il connait, Buko. La dèche, il sait ce que c'est. La violence, les bagarres et les esbroufes aussi avec les autres galériens du comptoir.
Alors, tu voudrais quoi ? Qu'il te fasse des sourires, qu'il te raconte de belles histoires ? Mais, il peut au moins t'offrir une autre tournée s'il est en veine, agrémentée d'une bonne dose d'ironie le plus souvent. Ça colle mieux avec le temps. Parce que ce sont l'alcool, le jeu et le sexe ses chères compagnes, pas toujours délicates, il est vrai, mais au moins fidèles, elles. Et la plus belle de ses maîtresses, c'est l'écriture, celle qui sauve peut-être d'une descente aux enfers irrémédiable (comme la lecture de grands auteurs, son admirations pour certains peintres ou musiciens). Et tant pis pour toi si elle te plait pas, sa p'tite bafouille.
Charley, il est seul, il est saoul, il est soul. Et dans tous ses mots d'une vie et d'un quotidien ordinaire ou pas, on sent la rage et le désespoir, le coeur à vif, l'humeur sombre vagabonde et l'humour noir. Au point où, faut bien se l'avouer, on a besoin d'un peu d'autres choses entre deux poèmes, cinq verres de bière et le postier qui passe pour nous déposer le journal. Il nous faut faire une pause, reprendre son souffle, aller prendre l'air, chercher un rayon de soleil, ou déboucher une autre bouteille... Parce qu'il faut s'accrocher quand même à cette noirceur, à ces idées folles et bizarres, à ces mots qui irritent la peau, parfois plus que désagréablement, de peur de ne pas sombrer nous aussi.
Dans les mots de Buko, y a de l'amour brisé, une désillusion blasée, une entaille profonde. Une solitude et un besoin d'amour criant, hurlant aussi. Les bras d'une femme dans lesquels il aurait pu se reposer. On traverse l'averse glacée des journées tristes et sans fin, et parfois une éclaircie s'annonce. Et les mots tranchants se font plus tendres. Mais quel que soit le temps, Bukowski a la poésie dans les veines. Charles Bukowski a les mots sauvages, énergiques, qui ébouriffent sans peine, arrachent un sourire parfois, fait tressaillir un coeur, et tant pis s'il manque des rimes, il est aussi libre que les chevaux sauvages dans les collines.
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