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Critique de Isidoreinthedark


« La nuit la plus longue » est le seizième opus de la longue série consacrée aux aventures de Dave Robicheaux, dit « Belle mèche », ancien du Vietnam, inspecteur à New Iberia et de son incontrôlable acolyte Clete Purcel, privé à la Nouvelle Orléans.

Si un mélange détonnant de noirceur et de lyrisme constitue la marque des romans de James Lee Burke, son oeuvre est avant tout un hommage à la Louisiane. Elle célèbre la beauté sauvage de ses paysages, les exhalaisons salées du lac Pontchartrain, le vent qui souffle dans les bougainvilliers en fleurs ainsi que le jazz qui ne cesse jamais de swinguer dans le « Vieux carré » de la Nouvelle Orléans. Les heures sombres du passé de la région, tels les fantômes de soldats confédérés en guenilles ou ceux d'esclaves noirs encore rivés à leurs chaînes rouillées hantent l'oeuvre de Burke. Ce dernier fouille tel un archéologue dans l'histoire tourmentée de la Louisiane, lieu à la beauté languide des fleurs du mal qui semble avoir été maudit par un dieu malveillant.

« La nuit la plus longue » tient une place à part dans l'oeuvre du romancier dans la mesure où il se déroule pendant la destruction de la Nouvelle Orléans par l'ouragan Katrina à l'été 2005. Au coeur de la tempête qui s'abat sur la ville, Robicheaux enquête sur le meurtre de jeunes noirs abattus en pleine nuit alors qu'ils venaient de piller la maison d'un gangster notoire et d'y trouver tout à la fois de l'argent liquide à profusion, de la cocaïne et « les diamants du sang », des pierres précieuses au passé maudit. Avant de trouver la mort sur un bateau de fortune, ils avaient été mêlés au viol d'une adolescente ainsi qu'à la disparition de Jude Leblanc, ancien ami de Dave et prêtre au bout du rouleau qui tentait de sauver de la noyade ses ouailles enfermées dans son église.

Comme dans la plupart des romans de James Lee Burke, les ramifications et les protagonistes de l'intrigue sont multiples. On y croise Ronald Bledsoe, un tueur en série aussi psychotique que sadique qui suit la trace des « diamants du sang » et a le malheur de s'en prendre à Alafair, la fille adoptive de Belle mèche. On y suit également les pérégrinations aux airs de chemin de croix de Bertrand Melancon, un jeune homme complice des deux noirs abattus, en quête d'une improbable rédemption.

En s'emparant de l'anéantissement de l'âme de la Louisiane, le roman prend une dimension biblique et plonge son lecteur dans ce moment d'apocalypse qu'a constitué la submersion de la ville par une tempête d'une violence inouïe. Au delà des milliers de familles déportées, des pillages, des violences en tous genres, des meurtres, c'est un monde qui disparaît à tout jamais sous les yeux ébahis de Dave Robicheaux et de Clete Purcel, et ce monde c'est le seul qu'ils aient jamais vraiment connu, le monde de leur enfance transformé en quelques heures en une cité engloutie par les eaux, telle une nouvelle Babylone balayée par le déluge.

« La nuit la plus longue » est un grand livre qui transcende le genre du roman noir en nous transportant au sein de l'ouragan qui se déchaine, en creusant au coeur des ténèbres de l'holocauste qui emporte la Nouvelle Orléans et en mettant à nu la laideur du monde qui survit à l'effondrement d'une civilisation.
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