Citations sur Les terres occidentales (8)
Evidemment, les savants occidentaux n'ont vu dans le panthéon égyptien qu'une ménagerie, reflétant les fantasmes de primitifs arriérés n'ayant point bénéficié des merveilleux acquis de la révolution industrielle; révolution limitée, pour les êtres humains produits en série, à se laisser supplanter par de simples machines (tellement plus efficaces).
Pourtant, tout fantasme se fonde sur une réalité. Je me risquerais à suggérer qu'en des temps et des lieux lointains, les dieux à tête de bête existèrent réellement et que c'est leur existence même qui inspira ces croyances. C'est alors que la notion monolithique de Dieu Unique vint écraser la révolution biologique qui aurait pu pulvériser les frontières établies entre les espèces, déclenchant ainsi un invraisemblable chaos ... horreur, jouissance et terreur, angoisses et extases inouïes, délirants vertiges d'expériences limites, gain et pertes incommensurables, monstrueuses impasses ...
Ceux-là qui en naissant n'ont point flairé de telle braise, qu'ont-ils à faire parmi nous ?
p. 170
Les écrivains n'écrivent pas, ils déchiffrent et transcrivent ce qui se trouve d'ores et déjà écrit.
p. 115
La route des Terres Occidentales est par définition la plus dangereuse des routes du monde, puisqu'elle mène par-delà la Mort, par-delà le Danger et la Peur qui sont le lot commun. C'est la route la mieux défendue du monde, car la seule permettant d'accéder au bien suprême : l'Immortalité.
Chacun doit en passer par cette épreuve. Mais sur un million de partants, un seul s'en sortira. Encore que, biologiquement parlant, cette estimation soit assez large. Les Egyptiens et les Tibétains ont entrepris ce périple post mortem, et leurs Livres des Morts renferment à cet égard des instructions précises - aussi précises qu'arbitraires.
p. 188
Einstein, surnommé Al-la-Science dans la famille, transmua la matière en énergie et certains d'entre nous estiment qu'on aurait dû l'étouffer au berceau. Il évalua également la vitesse de la lumière à quatre-cent quatre-vingt mille kilomètres par seconde. Telle est la vitesse à laquelle la terre perd sa lumière. Tout facteur peut se mesurer en termes quantitatifs, et tout facteur quantitatif est voué à l'épuisement, dans un univers régi par le temps. Ce processus a connu une accélération considérable depuis l'invention de la photographie. Une photo n'émet pas de lumière en tant que telle, mais elle en capture. Chaque fois que quelqu'un prend une photo, un peu de lumière disparaît. Progressivement, l'obscurité a grignoté les pourtours du champ de vision ... et des voix murmurent, juste en dessous du seuil audible.
p. 346
La carabine sous le bras, il traverse le jardin et emprunte l'allée au ciment fissuré pour gagner la rue. Nul n'a foulé ces pavés depuis vingt ou trente ans. C'est à peine si le trottoir est encore visible, sous l'enchevêtrement des herbes folles et des arbustes qui l'ont envahi.
Que s'est-il passé ici ? Il ne s'est rien passé. Cause du décès : sans aucun intérêt. Incapables de rien créer, ils moururent, faute d'avoir la moindre raison de rester en vie ... respectables athées.
Avis aux athées : rêver représente à la fois un besoin biologique, et le seul moyen d'accéder à l'espace, autrement dit, à l'état divin, à la communauté des Corps Célestes. Il s'ensuit de cela que les dieux constituent une nécessité biologique. Ils sont part intégrante de l'humanité.
p. 271
De son côté, le Dieu Unique a tout son temps. Il se confond même avec le Temps. Or avec le Temps, tout ce qui peut être spontané et vivant deviendra aussi plat et aussi éculé qu'une plaisanterie rebattue. Et comment une plaisanterie devient-elle rebattue et éculée ? A force d'être rabâchée.
Qui a donc créé toutes ces merveilleuses créatures, les chats, les lémuriens, les visons, les fines antilopes aux membres déliés, la mortelle karait bleue, les arbres et les lacs, les mers et les monts ? Seuls ceux qui sont capables de créer. Pas un savant n'en aurait eu l'idée. Car les savants se sont désintéressés de la création.
p. 170
Mais Joe sait que le fait de rêver est une nécessité biologique, comme le fait de dormir, sans quoi l'on meurt. Et Margaras est certain que cette guerre est une guerre d'extermination. Mais oui, oubliez votre destinée biologique et spirituelle dans l'espace. Mais oui, oubliez les Terres Occidentales. Et assurez-vous des services d'un bon croque-mort.
Cependant, une résistance farouche pourrait renverser la situation. Joe traque les agents vénusiens au service d'une conspiration affectée de missions et d'objectifs bien précis.
De tendance violemment dogmatique et autoritaire, l'Inquisition vénusienne, ennemie mortelle de tous ceux qui croient en un univers magique, spontané, imprévisible et vivant, entend imposer un univers quadrillé, prévisible, mort.
p. 93
Joe gardait des souvenirs fragmentaires de l'Empire des Morts : rues dallées pleines de flaques huileuses ... brouillard verdâtre lourd de menaces et de maux presque palpables ... couleur de tornade. Mais de tornade statique, de vide pesant, aspirant tout. Les visages entrevus dans les rues glissent dans cette visqueuse substance verdâtre, déformés par la haine, le désespoir et mille maux jusqu'à en perdre apparence humaine ... traits tordus par des besoins et aspirations inconnus, atroces. Des vents de souffrances déchirantes balaient les rues noires parcourues d'ondes sonores - hurlements, gémissements, plaintes, rires fous. Yeux brûlants, crachant des flammes bleues ... au fil des rues en pente, des gens dérapent sur les flaques huileuses pour disparaître hurlants dans les noires ténèbres verdâtres.
POSTE DE CONTROLE ... la terrible milice de la mort procède à un contrôle, laissant passer les uns et pas les autres. Etre arrêté à ce poste, c'est devoir affronter la seconde et dernière mort. Les miliciens emmènent un gamin, sans prêter la moindre attention à ses faibles cris de désespoir.
p. 276