Comme si personne n'avait conscience que la gentillesse, c'est seulement de l'hypocrisie polie.
Leyli resta longtemps appuyée au balcon. A cet instant, elle pensait stupidement ce que pensent tous les hommes au bord d'un rivage. Ce que depuis toujours pensent les hommes, et que toujours ils penseront.
Aucune mer n'est impossible à franchir.
La plus sournoise des illusions !
On accueille les réfugiés politiques et on vire les migrants économiques. Et ne viens pas me demander pourquoi on a le devoir d'accueillir un gars qui crève de peur chez lui et pas un gars qui crève de faim.
Elle repensa à la pitoyable stratégie de drague de Yan Segalen.
"un second entretien d'embauche. Qui prendrait une tournure ......plus intime".
Quel monstre d'hypocrisie !
"Qu'il n'y ait pas de malentendu entre nous, ce n'est pas pour autant que vous serez embauchée".
Le pauvre petit chou éprouvait en plus le besoin de soulager sa conscience, de se prémunir de tout abus d'autorité, tout en flattant son orgueil. Elle couche avec moi parce qu'elle me désire, pas parce qu'elle veut ce boulot.
Trois ans à supporter les humiliations, les traques, les arnaques, les chantages, l'esclavage, mais je tenais bon du moment que je cumulais, mois après mois, mes semestres. J'acceptais même de travailler pour rien, rien que pour un bout de papier. J'ai fini par comprendre que c'était pour cela que l'Etat nous laissait tranquille, nous les invisibles. On cotise, on consomme, on se plie à tous les devoirs comme les autres citoyens ; sans réclamer le moindre droit.
Eh bien moi je vais pisser sur cette terre qui a su se rendre si inhospitalière, même envers ses frères francophones africains qui pourtant l'aiment tant. Cette terre qui traite en hors-la-loi les trois cent mille réfugiés qui survivent en France, pendant que l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne en régularisent plusieurs millions. Sur cette France qui vieillit et qui n'arrive plus à payer les retraites et les soins des personnes âgées, qui demandera à ses habitants de travailler jusqu'à soixante-dix ans, alors qu'à sa porte, les pays africains ne savent pas quoi faire de leurs jeunes désoeuvrés.
Tout le monde possède des rêves Bamby. Et ce qui compte, ce n'est pas de les réaliser, c'est juste de pouvoir y croire.
Il enfoncerait le clou en précisant que le nombre actuel de migrants sur la planète était stable depuis des années, environ 3% de la population mondiale, soit trois fois moins qu'au XIXème siècle. Un paradoxe dans une société mondialisée, où tout circule bien plus vite et plus loin qu'aux siècles derniers, l'argent, l'information, l’énergie, la culture. Tout. Tout sauf les hommes.
- Votre café, chef.
- Merci.
Petar Velika tendit le bras sans prendre la peine de se retourner et saisit le café que lui tendait le lieutenant Julo Flores. Quelques autres policiers s'affairaient au rez-de-chaussée du Red Corner.
- Je vous ai pris un Kati Blend, précisa Julo. Café de saison. Saveurs de citron, d’épices et de fruits rouges.
Le commandant arrêta le gobelet à quelques centimètres de ses lèvres.
- T'es sérieux ?
- Ça vient direct d'Afrique de l'Est. Un truc unique au monde !
Petar fronça les sourcils et observa avec consternation son adjoint.
- Vous préférez le mien ? proposa Julo. Café Verona. Rencontre de l'Amérique latine et de l’Indonésie avec une touche de Roast italien.
Prévenir quelqu’un d’un danger n’est souvent rien d’autre qu’une menace déguisée.