Citations sur Un avion sans elle (251)
Une telle exception, dans une famille, cela arrive. C'est ce que je me disais, pour me convaincre. La fleur qui pousse au milieu des ronces. L'autodidacte de l'école républicaine. Le rêve américain version hexagonale, le jeune surdoué qui gravit seul tous les échelons, sans appuis, sans filet, du certificat d'études à Normale Sup ; qui tire sa force, sa hargne, de ses origines modestes. Cette prison domestique originelle est pour toujours sa différence parmi les "fils de...", les biens-nés des premiers arrondissements parisiens, les clones du lycée Henri-IV, sa sève qui l'a fait pousser plus haut. Son étendard. Il devient cela, le porte-étendard des siens. Des siens qui sont plus fiers encore. Le petit qui a réussi. Est-ce pour cela qu'ils font tant d'enfants, les pauvres ? Pour multiplier les chances de tomber sur le numéro gagnant ?
La solution sautait aux yeux...
Tout était là.
L’esprit du détective se mit en route, il avait au fil des ans échafaudé tant d’hypothèses, des centaines, mais maintenant il possédait le point de départ, il n’avait plu qu’à tirer le fil, tout se dénouerait avec une simplicité déconcertante.
Tout était clair, évident...
La vie ne retire le poignard que pour mieux l'enfoncer une seconde fois.
Extrait : 2 octobre 1998, 9h24.
Marc releva les yeux du carnet de Grand-Duc. Emu aux larmes.
Non, bien entendu, il n'avait conservé aucun souvenir de cette matinée de malheur. Jusqu'à ce qu'il lise ce récit...
Découvrir ainsi chaque détail du drame de son enfance avait quelque chose d'étrange, d'irréel.
L'agitation autour de lui, au Lénine, lui tournait la tête. Les cinq types de l'association étudiante étaient sortis, toujours aussi hilares, claquant la porte de verre derrière eux. La main de Marc glissa sur son visage, essuyant avec discrétion les gouttes au coin de ses yeux. Il respira lentement, tout en se raisonnant. Après tout, il connaissait déjà presque tous les éléments de cette histoire. De son histoire.
Presque tous...
9h25, à la pendule Martini.
Et il n'en était qu'au début.
« Ils pensaient qu´il ne faut pas tourner le dos à la chance lorsqu´elle sourit enfin. Ils auraient dû se méfier des sourires. » page 63.
C’est curieux, pensa-t-elle, comme les lieux peuvent se transformer selon votre humeur. Comme s’ils devinaient, d’instinct, ce que vous avez dans la tête et vous accompagnaient. Comme si les arbres avaient bien compris qu’elle allait mal, et se faisaient alors discrets, recroquevillés, perdant leurs feuilles par solidarité, par pitié pour elle. Comme si le soleil s’était caché lui aussi, par pudeur, honteux de briller sur un parc où errait une fille en larmes.
Pierre et Nicole Vitral apprirent le drame ensemble, en écoutant le flash de radio France Inter de sept heure.
Comme tous les matins.
Face à face, de chaque côté de la petite table de cuisine encombrée. Longtemps, les deux bols de grès, de café pour Pierre et de thé pour Nicole, restèrent là, glacés, à peine entamés, sans une ride, stupides, figés pas cette seconde qui empailla la vie dans cette petite maison de pêcheurs, dans le quartier du Pollet, cet ancien quartier de pêcheurs posé comme une île au milieu du port de Dieppe.
Il n’avait rien de la caricature du vieux détective alcoolique, il était plutôt du genre à puiser dans sa cave avec parcimonie, pour les grandes occasions. L’anniversaire de Lylie en était une, ce soir. Et pour le moins, ses dernières minutes de vie aussi.
Le détective vida d’un trait le verre de vin jaune.
Dans quatorze minutes, Lylie aurait dix-huit ans, officiellement du moins… Qui était-elle ? Il n’avait toujours aucune certitude. Une chance sur deux, comme au premier jour. Pile ou face.
Lyse-Rose ou Emilie ?