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Citations sur Le génie du lieu. [1] (4)

[Une citation pour la Saint-Sylvestre, longue et belle, comme la fete que je souhaite a tous.]

C'ÉTAIT en Crète, le 31 décembre; j'avais pris le car tôt le matin à Héraklion pour me rendre à ce village de la côte nord [Mallia], tout en blancs cubes, entre la montagne couverte d'oliviers jusqu'à mi-pente, et les vergers se terminant à la mer.
J'avais photographié longuement les ruines de l'ancien palais minoen, ces bases rondes de colonnes autour de la cour, ces quelques marches, cette boule de pierre au milieu, tout cela mêlé de petites fleurs blanches et violettes; j'avais déjeuné dans un café au bord de la route, et j'étais retourné à l'arrêt du car pour l'attendre, bien avant l'heure à laquelle il devait passer.
Tout d'un coup je le vois qui vrombit dans la poussière sans ralentir, son toit tout chargé de sacs et de paniers. Avec les quelques mots de grec moderne que je savais et que j'ai oubliés depuis, les entremêlant de diverses bribes en d'autres langues que mes interlocuteurs pouvaient avoir entendu parler, je demande ce qui arrive, s'il y en aura encore un autre dans l'après-midi pour me ramener à la capitale de l'île. On me répond que cette voiture étant sans doute déjà trop pleine, elle ne pouvait prendre de nouveaux passagers, que sans doute la seconde allait suivre. Je me rassieds; ainsi passe une heure.
On m'explique qu'il n'y a plus d'espoir pour ce jour-là, que c'est la Saint-Sylvestre veille de fête, que le service est désorganisé jusqu'au lendemain.
Il n'est pas question de rentrer à pied: la ville est à trente-cinq kilomètres. Le jour baisse; le blanc des maisons devient bleu.
Des jeunes gens vont chercher dans sa maison, l'une des principales, un homme assez gras, déjà assez vieux, qui est allé en Europe, comme on dit en Grèce, et qui paraît-il parle anglais. Nous avons beaucoup de mal à nous comprendre; il s'agit de savoir où l'on va me coucher.
C'est alors que les choses devinrent merveilleuses.
L'homme chez qui j'avais mangé, vers une heure, mon pain, mon mouton, mes olives, avait un fils à l'esprit aventureux qui avait imaginé d'installer dans le premier étage de sa maison des chambres à louer en vue du printemps et l'été prochain; la première était prête et propre.
Je suis parti avec lui sur le chemin, et il m'a fait les honneurs de son verger dans le crépuscule, me faisant goûter à toutes les races d'oranges qu'il y cultivait, tandis que la roue de l'éolienne au-dessus de nos têtes ronflait doucement pompant l'eau claire.
A la tombée de la nuit, nous sommes descendus dans sa salle à manger souterraine où il m'a fait dîner avec sa femme et ses deux filles qui avaient à peu près six et sept ans (j'étais en face de l'entrée, je voyais les marches frappées par la lune, et je me souviens très confusément qu'il y avait une grande cruche, ou une figure dans les pierres, je ne sais plus, qui me regardait comme une énorme chouette immobile), puis, comme c'était veille de fête, la dernière nuit de l'année, nous avons joué pendant plusieurs heures, presque sans une parole naturellement, à part les quelques très simples, très vite apprises, nécessaires à ce jeu-là, avec un toton à six faces, misant des fèves, et ce n'est que lorsque les paupières des enfants ont commencé à ne plus tenir ouvertes malgré leur excitation devant l'étranger, devant cette soirée à l'ordonnance inhabituelle, qu'il a pris une lampe à pétrole et qu'il m'a fait monter par l'escalier extérieur craquant jusqu'à la chambre neuve et très froide dont je n'ai pas réussi à fermer les fenêtres.
J'ai ouvert les volets à l'aube; au-dessous de moi les feuilles des orangers tremblaient dans le vent; la mer grise bruissait au loin.
Il y avait dans l'église un bel iconostase en bois doré; je n'avais plus de pellicule pour photographier le village; à la fin de la matinée j'ai repris le car pour Héraklion qui est passé à l'heure prévue, conservant dans ma mémoire comme un talisman l'hospitalité de Mallia.
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citations extraites d'un entretien avec Butor:

Il y a évidemment un auteur qui a été essentiel pour moi c’est Jules Verne. J’ai été passionné par la lecture de Jules Verne, et il m’a beaucoup promené. C’est ça qu’il voulait faire, c’est un auteur pédagogique. Il voulait apprendre aux écoliers à aimer ce qu’on leur enseignait. Et il y avait un gros manque à cette époque-là et évidemment il a énormément fait découvrir la terre aux élèves des internats. Alors moi je fais partie de ces élèves et je dois beaucoup à Jules Verne. Il a été mon grand professeur de géographie. Mais après ça, j’en ai eu beaucoup d’autres.

Il y a un certain nombre de voyages qui ont été décisifs dont le voyage en Egypte
il y a eu mon premier long voyage, mon premier long séjour seul à l’étranger. C’était le voyage en Egypte. Ca a été pour moi décisif. J’ai appris à vivre un peu seul, toujours avec beaucoup de difficultés je dois dire. Le pays m’a passionné. 

Evidemment, ce qui m’intéressait le plus, c’était la géographie humaine, le cadre de la sociologie, ça, ça me passionnait. Et je suis toujours passionné par ça aujourd’hui, ça n’a pas arrêté.
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Comme nous venions de quitter la nécropole de Deir el- Medineh, sur le sentier, un paysan égyptien, grand avec une longue robe bleue presque noire, nous a arrêtés, nous a salués, moi spécialement, avec un air de grande joie. Je ne comprenais absolument pas ce qu’il me disait, ce qu’il me voulait, la raison de son attitude, lorsque soudain j’ai reconnu parmi ses paroles ces quatre syllabes : André-Lebon. C’était le nom du bateau pris à Marseille, sept mois auparavant.
Parlant deux langues différentes, les deux voyageurs purent échanger par un autre moyen : les images ont détruit le barrage de la langue, et ils ont partagé le souvenir de l’obélisque de la place de la Concorde – « dont nous avions bien entendu dire qu’il était un obélisque de Louqsor, formule dont nous ne commencions qu’à présent à percevoir le sens et les implications.
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Il faut entendre le singulier pouvoir qu’exerce une ville ou un site sur l’esprit de ses habitants ou de ses visiteurs.
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