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Critique de oiseaulire


Bon alors voilà :

J'ai commencé ce roman très intimidée, ayant lu auparavant un tas de chroniques sur sa difficulté, son esprit labyrinthique, sa tortuosité, son érudition (bien loin des capacités du pauvre bougre ordinaire).

Je l'ai lu, en trois jours, littéralement happée : non que j'aie tout compris, loin de là, il me faudrait pour cela combler mes lacunes en mythologie et reprendre le roman stylo en main pour tenter de mettre de l'ordre dans les évènements que la mémoire et la mauvaise foi du narrateur, (car il a parfois des oublis bien commodes) brouillent considérablement.

Mais en bref : nous sommes dans les années 60 ; c'est l'histoire d'un jeune français (à vue de nez 23/30 ans, grand max), qui accomplit un stage d'employé de bureau dans la big entreprise d'une grande ville imaginaire (pour ne froisser personne) de la perfide Albion, qu'on nommera Bleston.

Et là, notre héros nous fait, dès son arrivée, une crise de paranoïa aigüe : et que la ville elle est moche, et que les rues elles sont sales, et que l'autochtone il est maussade et peu accueillant, et qu'il ne fait aucun effort pour comprendre son anglais, et que la bouffe elle est dégueu, et que le ciel il est bas, et qu'il pleut toujours, et que l'air il est pollué, et que les usines elles sont sordides, sans parler de la glauque rivière (la "Slee" de son petit nom).

Peu à peu il se convainc que la ville entière lui en veut (car c'est la ville le principal personnage du livre). Non content d'être laide, elle est toxique et malveillante : elle le menace personnellement (et pas uniquement lui...)

Il se renforce dans ses convictions à la lecture d'un roman policier acheté dans la libraire locale, et dont l'assassin et la victime habitent (vous ne le croirez jamais !) ici même. Il forge alors dans sa tête un scénario de dingue, fondé sur la conviction que l'intrigue du polar est véridique, et s'improvise détective amateur : il implique dans son enquête les vitraux des deux cathédrales, une Morris noire (on ne sait pas si les vitres sont teintées), les tapisseries du musée et la plupart des connaissances faites sur place.

Cela se termine dans un redoutable délire logique. Une histoire de (presque) fou : démasquera-t-il un criminel, sera-t-il interné dans un asile, ou parviendra-t-il à reprendre le ferry vers des cieux plus cléments à la fin de son séjour ?

Ce bouquin, rédigé sous forme de journal, avec de nombreux flashbacks, est un travail conséquent sur le récit et la mémoire. Il est aussi une plongée dans les mécanismes intimes de la psyché. Il m'a fait penser à Proust, à Joyce (unité de temps, le séjour doit durer une année), à Beckett, à Sarraute.

Non que j'ai assimilé tous ces auteurs : mais ce roman me renvoie à ce que j'en ai compris. Il est (à mon goût), bien moins, mais alors bien moins ennuyeux que ceux du pape du nouveau roman, Robbe-Grillet (dont je n'ai jamais pu terminer "Les gommes".)

Ça vaut le coup.

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