Le roman d'une princesse

Au premier coup d’œil, il la prit pour un jeune garçon. Aucune femme n’aurait l’impudeur de revêtir des chausses en cuir aussi ajustées ! Pourtant, réalisa-t-il bientôt, c’était précisément le cas. Une femme, jeune de surcroît, avec un visage angélique et une chevelure rousse tordue à la hâte en une longue tresse qui balayait une taille particulièrement fine. Elle ne portait ni guimpe ni bliaud pour dissimuler ses formes, mais une blouse de linon légèrement transparente.

Christina était ébahie par l’impétuosité de sa sœur. Si elle abandonnait ses tenues excentriques pour revêtir une des robes de soie qu’on lui avait achetées à l’époque de son funeste mariage, et si elle prenait soin de sa magnifique chevelure auburn au lieu de la nouer en tresse, elle ferait une belle femme. De l’avis de Christina, ce n’était pas Mellana qui attirait le shérif dans la maison du meunier, mais Finnula en personne. Et pas uniquement à cause de son braconnage. Seulement, Finnula n’en avait guère conscience, et elle récuserait sans doute aucun cette hypothèse si quiconque osait l’évoquer devant elle.

Bien évidemment, c’était une chose d’être admirée pour son physique, sur lequel nul n’avait prise, c’en était une tout autre d’être complimentée sur ses talents. Finnula accordait beaucoup plus de valeur à ces derniers. Afin de son embarras, elle lui fit remarquer une entaille qu’elle avait pratiquée sur chacune de ses flèches pour améliorer leur trajectoire.

Elle n’aimait rien tant que prendre ses proies dans des pièges inoffensifs avant de les relâcher. Tout le monde ignorait qu’elle libérait souvent les animaux pris dans les pièges d’autres braconniers. Elle vouait une haine particulière aux cruels crocs de fer que les chasseurs du comte installaient pour attraper les loups et, chaque fois qu’elle en croisait sur sa route, elle les enterrait à un endroit où on ne les retrouverait pas.

Ce n’étaient pas les reliques des saints ou de la Croix qui l’intéressaient. Non, comme tout homme sensé, il convoitait les diamants, rubis, émeraudes, saphirs, perles, lapis et turquoises, l’or et l’argent qui avaient été pris à Byzance. C’était l’odeur de ce butin qui attirait l’aubergiste auprès de Hugo.