L'âge adulte est pareil à un glacier qui mord peu à peu sur le terrain de la jeunesse , quand il arrive, l'empreinte de l'enfance se fige sur un dernier acte, un dernier haut fait, qui immortalise la pose dans laquelle l'âge de glace nous surprend.
Pour être heureux reprit-elle, il suffit d'aimer ce qui doit l'être. Pas l'argent. Pas les livres. Mais les gens, Tom.
L'espérance, qui n'est sortie de la boîte de Pandore qu'après que tous les maux s'en furent échappés, est la dernière et la meilleure de toutes les choses. Sans elle, il ne reste que le temps. Et le temps exerce une force centrifuge qui nous repousse toujours plus loin, jusqu'à ce que nous basculions dans l'oubli.
Paul m'avait dit un jour : et si le présent n'était que le reflet de l'avenir ? Et si nous passions notre vie à contempler le miroir avec cet avenir dans le dos, et si nous ne le devinions que dans son reflet du présent ? On pourrait vouloir se retourner, pour mieux voir de quoi est fait demain. Mais on perdrait alors la clef de la perspective : on ne pourrait plus se voir soi-même. En tournant le dos au miroir, nous serions le seul élément de l'avenir que nos yeux n'arriveraient plus à discerner.
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Il y a un placard à balais, plus loin. Et à l'intérieur, un accès aux tunnels.
le monde ne devient théatre, se lamentaient ils, que par accident. Et c'est franchement regrettable.
la mort de mon père était hélas irréversible et elle tournait en dérision les lois qui régissaient la vie de ces gens, selon lesquelles on peut interpréter un fait à l'infini et retravailler une fin jusqu'à ce qu'elle convienne.
les chercheurs et intellectuels qui s'invitaient chez nous semblaient avoir une dent contre l'humanité entière. ils ne se résignaient pas à ce que l'existence ici-bas ne suive pas la courbe dramatique qu'un grand auteur accorde à un héros de papier.
Même avant la mort de mon père, ma foi en l'écrit avait été ébranlée. j'avais en effet constaté que les gens pétris de livres partagent un préjugé inavouable, une espèce de conviction secrète selon laquelle la vie telle qu'elle se présente correspond à une vision imparfaite de la réalité, que seule la littérature, faisant office de lunettes saurait corriger.
pendant qu'il lisait, ses lunettes cerclées de fer glissaient sur son nez et lui grossissaient les yeux au point d'en faire le miroir de sa curiosité.