De l’hiver lorrain on émerge avec un regard neuf. On n’a jamais vu de printemps aussi beau. Devant les cerisiers, pommiers, mirabelliers en fleurs, tous on attendra je ne sais quoi. On se dira que tout peut encore arriver.
En Lorraine, on entre en hiver comme dans une grotte, une caverne, en pèlerinage : en baissant la tête et courbant le dos. Suffit juste de trouver la bonne position, se pelotonner. Et de bien se mettre en boule, parce qu’ici, l’hiver dure, dure.
- Tu en as mis du temps, Lucille.
Qui m'a parlé ? Qui est-ce ? Je ferme les yeux. Je souffre tellement que je ne sens plus rien. Que je peux même jouer : cela s'appelle le cynisme.
Parler, se livrer ? Ils en ont de belles ceux qui n'ont jamais souffert. Comme si c'était facile d'exhiber ces parties sombres. D'ailleurs, ça tombe bien: ma mémoire refuse de livrer ces instants Elle ne veut pas. Elle ne veut plus qu'on touche à ses plaies.
Ma vie fut lamentable, ma mort sera magnifique.
Il ne se rend pas compte que je saigne, moi aussi ? Que ça suinte, dégouline partout depuis que l'on m'a arraché mon fils, ma chair ?
Et toi, tu ne saignerais pas, aussi ?
Passent des couples agglutinés, échangeant des baisers feuillus et je me suis soudain sentie si seule. Terriblement seule. Et dingue, dingue à se couper la tête, à se trancher les chevilles pour faire cesser la douleur. La rosée mouille mes mains nouées tandis que les larmes roulent sur mes joues.
C'est en puisant dans la raison que fleurissent les fleurs blanches et révulsées de l'art.
L'art n'est que le plus beau profil du réel.