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Citations sur La grande Bonace des Antilles (9)

Il était un pays où il n'y avait que des voleurs. La nuit, tous les habitants sortaient avec des pinces-monseigneur et des lanternes sourdes pour aller cambrioler la maison d'un voisin. Ils rentraient chez eux à l'aube, chargés, et trouvaient leur maison dévalisée.

Ainsi, tous vivaient dans la concorde et sans dommage, puisque l'un volait l'autre, et celui-ci un autre encore, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on arrive au dernier qui volait le premier. le commerce, dans ce pays, ne se pratiquait que sous forme d'embrouille tant de la part de celui qui vendait que de la part que celui qui achetait. le gouvernement était une association de malfaiteurs vivant au détriment de ses sujets, et les sujets, de leur côté, avaient pour seul souci de frauder le gouvernement. Ainsi, la vie suivait son cours sans obstacles, et il n'y avait ni riches ni pauvres.

Or, on ne sait comment, il arriva que dans ce pays on trouva pourtant un homme honnête. La nuit, au lieu de sortir avec un sac et une lanterne, il restait chez lui à fumer et à lire des romans.

Les voleurs arrivaient et s'ils voyaient la lumière allumée ne montaient pas.

Cela dura quelque temps, puis il fallut lui expliquer que s'il voulait vivre sans rien faire, ce n'était pas une raison pour ne pas laisser agir les autres. Chaque nuit qu'il passait chez lui, c'était une famille qui ne mangeait pas le lendemain.

L'homme honnête ne pouvait rien opposer à ces raisonnements. Il se mit, lui aussi, à sortir le soir et à revenir à l'aube, mais il n'était pas question de voler. Il était honnête, il n'y avait rien à faire. Il allait jusqu'au pont et restait à regarder l'eau couler. Il revenait chez lui et trouvait sa maison dévalisée.

En moins d'une semaine, l'homme honnête se retrouva sans un sou, sans rien à manger, la maison vide. Et jusque-là, il n'y avait rien de trop grave, car c'était de sa faute ; le malheur était que, de cette manière d'agir, naissait un grand bouleversement. Car il se faisait tout voler, mais pendant ce temps il ne volait rien à personne ; il y avait donc toujours quelqu'un qui, rentrant chez lui à l'aube, trouvait sa maison intacte : la maison qu'il aurait dû, lui, dévaliser.

Le fait est que, au bout de peu de temps, ceux qui n'étaient plus cambriolés devinrent plus riches que les autres et ne voulurent plus voler. Et d'autre part, ceux qui venaient pour voler dans la maison du l'homme honnête la trouvaient toujours vide ; ainsi devenaient-ils pauvres.

Pendant ce temps, ceux qui étaient devenus riches prirent l'habitude, eux aussi, d'aller la nuit sur le pont, pour regarder l'eau couler. Cela augmenta la confusion, car il y en eut beaucoup d'autres qui devinrent riches et beaucoup d'autres qui devinrent pauvres.

Or les riches comprirent qu'en allant la nuit sur le pont ils deviendraient pauvres en peu de temps. Et ils pensèrent : « Payons des pauvres qui iront voler à notre compte. » On rédigea les contrats, on établit les salaires, les commissions : naturellement, c'étaient toujours des voleurs, et ils cherchaient à se tromper mutuellement. Mais, comme à l'accoutumée, les riches devenaient de plus en plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.

Il y avait des riches si riches qu'ils n'avaient plus besoin de voler ni de faire voler pour continuer à être riches. Mais s'ils s'arrêtaient de voler ils devenaient pauvres parce que les pauvres les dévalisaient. Alors ils payèrent les plus pauvres parmi les pauvres pour protéger leurs biens des autres pauvres, et ils instituèrent ainsi la police, et construisirent les prisons.

De cette manière, peu d'années après l'arrivée de l'homme honnête, on ne parlait plus de voler ou d'être volé, mais seulement de riches ou de pauvres ; et pourtant ils restaient toujours tous des voleurs.

D'honnête homme il n'y avait eu que celui-là, et il était vite mort, de faim.
(Le mouton noir)
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Il y avait un pays où tout était interdit.
Or seul le jeu du bâtonnet n’était pas interdit, et les sujets qui s’y adonnaient se réunissaient sur certains prés à la lisière du village et y passaient leurs journées, en jouant au bâtonnet.
Et comme les interdictions étaient venues progressivement, toujours avec des raisons et des justifications, il n’y avait personne qui y trouvât à redire ou ne sût s’adapter.
Les années passèrent. Un jour, les connétables s’aperçurent qu’il n’y avait plus de raison à ce que tout fût interdit et ils envoyèrent des messagers pour avertir leurs sujets qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient.
Les messagers s’en allèrent aux endroits où les sujets avaient l’habitude de se réunir.
- Sachez, annoncèrent-ils, que plus rien n’est interdit.
Les autres continuaient à jouer au bâtonnet.
- Avez-vous compris ? insistèrent les messagers. Vous êtes libres de faire ce que vous voulez.
_ Très bien répondirent les sujets. Nous, nous jouons au bâtonnet.
Les messagers s’évertuèrent à leur rappeler combien d’occupations belles et utiles ils avaient eues dans le passé et pourraient avoir de nouveau à partir de maintenant. Mais les autres ne les écoutaient pas et continuaient de jouer au bâtonnet, un coup après l’autre, sans reprendre haleine.
Ayant vu que leurs tentatives étaient vaines, les messagers revinrent le dire aux connétables.
_ Ça va être vite fait, répondirent les connétables. Interdisons le jeu du bâtonnet.
Ce fut alors que le peuple fit la révolution et les tua tous. Puis, sans perdre de temps, il recommença à jouer au bâtonnet.
(Consentement passe richesse)
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Mais le travail à la chaîne de montage... Être obligé de concentrer son attention sur des mouvements répétitifs, selon un rythme incessant, imposé par les machines... Que peut-il y avoir de plus mortifiant pour l'esprit de création... pour la liberté la plus élémentaire de disposer des mouvements de son corps, de la dépense de son énergie selon son rythme, sa respiration ?... Ne faire toujours qu'une seule et même opération, un seul et même geste, toujours de la même manière... N'est-ce pas une perspective terrifiante ?
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Il était un pays où il n'y avait que des voleurs.
La nuit, tous les habitants sortaient avec des pinces-monseigneur et des lanternes sourdes pour aller cambrioler la maison d'un voisin. Ils rentraient chez eux à l'aube, chargés, et trouvaient leur maison dévalisée.
Ainsi tous vivaient dans la concorde et sans dommage, puisque l'un volait l'autre, et celui-ci un autre encore, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on en arrive au dernier qui volait le premier. Le commerce, dans ce pays, ne se pratiquait que sous forme d'embrouille tant de la part de celui qui vendait que de la part de celui qui achetait. Le gouvernement était une association de malfaiteurs vivant au détriment de ses sujets, et les sujets, de leur côté, avaient pour seul souci de frauder le gouvernement. Ainsi, la vie suivait son cours sans obstacles, et il n'y avait ni riches ni pauvres.
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Turin est pleine de mendiants, comme une ville sainte de l'Inde. Les mendiants aussi ont leur manière de demander l'aumône: quelqu'un commence et ensuite les autres le copient. Depuis quelques temps, beaucoup de mendiants ont pris l'habitude d'écrire leur histoire sur le pavé en gros caractères, avec des bouts de craies de couleur: c'est un bon système parce que les gens sont curieux de lire et se sentent ensuite obligés de jeter quelque sous.
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Le mensonge n'exclut la vérité qu'en apparence ; vous savez que, dans plusieurs cas, les mensonges – par exemple, pour le psychanalyste, ceux de son patient – sont indicatifs, autant, sinon plus, que la vérité ; et il en sera ainsi pour ceux qui devront interpréter notre message. Müller, en vous disant maintenant ce que je suis en train de vous dire, je ne vous parle plus de la part de nos supérieurs, mais sur la base de mon expérience personnelle, de collègue à collègue, d'homme à homme. Ecoutez-moi : le mensonge est la véritable information que nous avons à transmettre. C'est la raison pour laquelle je ne me suis pas interdit une utilisation discrète du mensonge dans les cas où celui-ci ne compliquait pas le message, où il le simplifiait même.
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 - Sais-tu pour quelle raison notre doctrine ne peut pas être confondue avec celles de tous les autres mouvements ?
- Bien sûr qu'on le sait. Parce que c'est la seule doctrine qui, lorsqu'elle aura conquis le pouvoir, ne pourra être corrompue par le pouvoir ! Bougonna, penché sur ses papiers, le crâne rasé de Femja, celui qu'ils appelaient entre eux l'«Idéologue ». 
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C'est une mémoire centralisée du genre humain que nous avons l'intention de construire, en cherchant à emmagasiner dans l'espace le plus restreint possible, sur le modèle des mémoires individuelles de nos cerveaux. Mais il est inutile que je vous répète tout cela à vous qui êtes entré chez nous en gagnant le concours d'admission avec le projet « Tout le British Muséum dans une châtaigne.
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Il y avait un pays où tout était interdit.
Or seul le jeu du bâtonnet n'était pas interdit, et les sujets qui s'y adonnaient se réunissaient sur certains prés à la lisière du village et y passaient leurs journées, en jouant au bâtonnet.
Et comme les interdictions étaient venues progressivement, toujours avec des raisons et des justifications, il n'y avait personne qui y trouvât à redire ou ne sût s'adapter. 
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