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Jean-Paul Manganaro (Traducteur)
EAN : 9782020326445
288 pages
Seuil (14/10/1997)
3.53/5   15 notes
Résumé :
Qu'ils mettent en scène une ville peuplée de voleurs où le seul habitant honnête est destiné à mourir de faim, un pays dont la loi impose que les chefs soient décapités à la fin de leur mandat, l'indifférence de la foule qui se réchauffe au soleil tandis que les conjurés assassinent César, l'homme de Neandertal, Henry Ford ou Montezuma, les textes réunis ici, des premiers apologues des années 40 aux tout derniers récits, montrent comment, à travers mille et une mani... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce recueil est paru en 1995 soit dix ans après la mort d'Italo Calvino (1923-1985). Il réunit ses premiers apologues et récits (1943-1958) marqués par la guerre et les préoccupations politiques de l'après-guerre avec des récits et dialogues plus tardifs (1968-1984) traitant des transformations du monde moderne.
Les trente-quatre textes sont extrêmement variés et plus ou moins faciles à comprendre. Quelquefois j'ai passé mon chemin, surtout quand il s'agissait de récits à clé. Je ne connais pas suffisamment la vie politique italienne de l'après-guerre. Dans la deuxième partie, certains textes expérimentaux sont également assez obscurs. Mais, le plus souvent j'ai été sous le charme. Calvino est un conteur hors-pair. Il a l'art de faire jaillir en quelques mots une situation totalement absurde. Puis de vous embarquer dans un récit ludique et parfaitement construit jusqu'à la chute qui donne matière à réflexion.
Dans la première partie j'ai beaucoup aimé :
-L'homme qui appelait Thérèse : un passant se joint à l'amoureux et appelle aussi Thérèse, puis un autre, puis…Très drôle.
-Contentement passe richesse (voir citation)
-Conscience : Luigi est volontaire pour faire la guerre car il veut tuer un certain Alberto. A la guerre il tue des dizaines d'ennemis sans avoir d'ennuis et …
-Le mouton noir (voir citation)
-Le régiment égaré : un régiment entre dans une ville et à la suite d'un enchaînement d'ordres stupides s'égare dans la cour d'un immeuble.
-Des regards ennemis : ce sont ceux des Allemands qui reviendraient…et qui reviennent dans les yeux d'une mère.
-Un général dans la bibliothèque : une commission d'enquête militaire est chargée de censurer les livres d'une bibliothèque. La lecture des ouvrages leur apprend la diversité des opinions et rend le rapport de la commission impossible.
-La grande bonace des Antilles : allégorie de l'immobilisme politique.
-Une belle journée de mars : la foule indifférente se réchauffe au soleil pendant que Brutus et les conjurés assassinent César.
Dans la seconde partie (1968-1984) je retiens surtout :
-La décapitation des chefs : un peuple a choisi démocratiquement de décapiter périodiquement ses chefs. Dialogue très drôle entre autochtones patelins et touriste étonné.
-L'homme de Néandertal : interview bidonnante depuis la pittoresque vallée du Néander près de Dusseldorf de M.Néander.
-Henry Ford : interview impossible et ironique.
-Les Mémoires de Casanova (Calvino voulait en faire un roman) : catalogue très drôle de débuts de situations amoureuses.
-La dernière chaîne : apologue qui traite de l'abrutissement devant la télé.
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Sur un ordre idiot d'un général, un régiment qui défile s'égare dans la cour intérieure d'un immeuble... Une ville entière peuplée de voleurs se retrouve déstabilisée quand un seul habitant honnête ne participe pas au système et finit par mourir de faim... Un pays étrange où, à chaque fin de mandat, les chefs sont décapités le plus légalement du monde... Une foule qui se réchauffe au soleil pendant que les conjurés amis de Brutus s'apprêtent à assassiner César... Des journalistes interviewant l'homme de Neandertal, l'empereur Montezuma ou Henry Ford... Une poule qui crée bien du tracas aux services de sécurité d'une usine... Des militaires qui traquent les écrits sulfureux dans une bibliothèque...
« La grande bonace des Antilles » est un recueil de textes, articles, nouvelles ou extraits de romans inachevés pris sur l'ensemble de la carrière d'Italo Calvino, c'est à dire de 1943 à 1984. Comme toujours dans ce genre de livre, le lecteur y trouvera un peu de tout autant dans les styles (Calvino les ayant à peu près tous abordés, de la nouvelle à la fable, de l'apologue au récit et du conte au roman sans oublier les dialogues théâtralisés) que dans les registres : le social, côtoyant l'absurde, le poétique ou l'allégorique s'alliant au réaliste et le politique au moraliste. Bien évidemment, il en est de même de l'intérêt de cette compilation. Certains textes sont de véritables petits chefs d'oeuvre (comme « Le mouton noir », « Le régiment égaré », « Un général dans la bibliothèque », « La décapitation des chefs » ou « La dernière chaîne », fable cruelle contre l'abrutissement télévisuel) alors que d'autres sont d'un intérêt moindre comme « La glaciation » qui fut un texte de commande pour un compagnie japonaise de spiritueux et qui garde un petit relent... alimentaire. Ce livre intéressera néanmoins les véritables fans du grand auteur italien.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Il était un pays où il n'y avait que des voleurs. La nuit, tous les habitants sortaient avec des pinces-monseigneur et des lanternes sourdes pour aller cambrioler la maison d'un voisin. Ils rentraient chez eux à l'aube, chargés, et trouvaient leur maison dévalisée.

Ainsi, tous vivaient dans la concorde et sans dommage, puisque l'un volait l'autre, et celui-ci un autre encore, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on arrive au dernier qui volait le premier. le commerce, dans ce pays, ne se pratiquait que sous forme d'embrouille tant de la part de celui qui vendait que de la part que celui qui achetait. le gouvernement était une association de malfaiteurs vivant au détriment de ses sujets, et les sujets, de leur côté, avaient pour seul souci de frauder le gouvernement. Ainsi, la vie suivait son cours sans obstacles, et il n'y avait ni riches ni pauvres.

Or, on ne sait comment, il arriva que dans ce pays on trouva pourtant un homme honnête. La nuit, au lieu de sortir avec un sac et une lanterne, il restait chez lui à fumer et à lire des romans.

Les voleurs arrivaient et s'ils voyaient la lumière allumée ne montaient pas.

Cela dura quelque temps, puis il fallut lui expliquer que s'il voulait vivre sans rien faire, ce n'était pas une raison pour ne pas laisser agir les autres. Chaque nuit qu'il passait chez lui, c'était une famille qui ne mangeait pas le lendemain.

L'homme honnête ne pouvait rien opposer à ces raisonnements. Il se mit, lui aussi, à sortir le soir et à revenir à l'aube, mais il n'était pas question de voler. Il était honnête, il n'y avait rien à faire. Il allait jusqu'au pont et restait à regarder l'eau couler. Il revenait chez lui et trouvait sa maison dévalisée.

En moins d'une semaine, l'homme honnête se retrouva sans un sou, sans rien à manger, la maison vide. Et jusque-là, il n'y avait rien de trop grave, car c'était de sa faute ; le malheur était que, de cette manière d'agir, naissait un grand bouleversement. Car il se faisait tout voler, mais pendant ce temps il ne volait rien à personne ; il y avait donc toujours quelqu'un qui, rentrant chez lui à l'aube, trouvait sa maison intacte : la maison qu'il aurait dû, lui, dévaliser.

Le fait est que, au bout de peu de temps, ceux qui n'étaient plus cambriolés devinrent plus riches que les autres et ne voulurent plus voler. Et d'autre part, ceux qui venaient pour voler dans la maison du l'homme honnête la trouvaient toujours vide ; ainsi devenaient-ils pauvres.

Pendant ce temps, ceux qui étaient devenus riches prirent l'habitude, eux aussi, d'aller la nuit sur le pont, pour regarder l'eau couler. Cela augmenta la confusion, car il y en eut beaucoup d'autres qui devinrent riches et beaucoup d'autres qui devinrent pauvres.

Or les riches comprirent qu'en allant la nuit sur le pont ils deviendraient pauvres en peu de temps. Et ils pensèrent : « Payons des pauvres qui iront voler à notre compte. » On rédigea les contrats, on établit les salaires, les commissions : naturellement, c'étaient toujours des voleurs, et ils cherchaient à se tromper mutuellement. Mais, comme à l'accoutumée, les riches devenaient de plus en plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.

Il y avait des riches si riches qu'ils n'avaient plus besoin de voler ni de faire voler pour continuer à être riches. Mais s'ils s'arrêtaient de voler ils devenaient pauvres parce que les pauvres les dévalisaient. Alors ils payèrent les plus pauvres parmi les pauvres pour protéger leurs biens des autres pauvres, et ils instituèrent ainsi la police, et construisirent les prisons.

De cette manière, peu d'années après l'arrivée de l'homme honnête, on ne parlait plus de voler ou d'être volé, mais seulement de riches ou de pauvres ; et pourtant ils restaient toujours tous des voleurs.

D'honnête homme il n'y avait eu que celui-là, et il était vite mort, de faim.
(Le mouton noir)
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Il y avait un pays où tout était interdit.
Or seul le jeu du bâtonnet n’était pas interdit, et les sujets qui s’y adonnaient se réunissaient sur certains prés à la lisière du village et y passaient leurs journées, en jouant au bâtonnet.
Et comme les interdictions étaient venues progressivement, toujours avec des raisons et des justifications, il n’y avait personne qui y trouvât à redire ou ne sût s’adapter.
Les années passèrent. Un jour, les connétables s’aperçurent qu’il n’y avait plus de raison à ce que tout fût interdit et ils envoyèrent des messagers pour avertir leurs sujets qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient.
Les messagers s’en allèrent aux endroits où les sujets avaient l’habitude de se réunir.
- Sachez, annoncèrent-ils, que plus rien n’est interdit.
Les autres continuaient à jouer au bâtonnet.
- Avez-vous compris ? insistèrent les messagers. Vous êtes libres de faire ce que vous voulez.
_ Très bien répondirent les sujets. Nous, nous jouons au bâtonnet.
Les messagers s’évertuèrent à leur rappeler combien d’occupations belles et utiles ils avaient eues dans le passé et pourraient avoir de nouveau à partir de maintenant. Mais les autres ne les écoutaient pas et continuaient de jouer au bâtonnet, un coup après l’autre, sans reprendre haleine.
Ayant vu que leurs tentatives étaient vaines, les messagers revinrent le dire aux connétables.
_ Ça va être vite fait, répondirent les connétables. Interdisons le jeu du bâtonnet.
Ce fut alors que le peuple fit la révolution et les tua tous. Puis, sans perdre de temps, il recommença à jouer au bâtonnet.
(Consentement passe richesse)
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Il était un pays où il n'y avait que des voleurs.
La nuit, tous les habitants sortaient avec des pinces-monseigneur et des lanternes sourdes pour aller cambrioler la maison d'un voisin. Ils rentraient chez eux à l'aube, chargés, et trouvaient leur maison dévalisée.
Ainsi tous vivaient dans la concorde et sans dommage, puisque l'un volait l'autre, et celui-ci un autre encore, et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on en arrive au dernier qui volait le premier. Le commerce, dans ce pays, ne se pratiquait que sous forme d'embrouille tant de la part de celui qui vendait que de la part de celui qui achetait. Le gouvernement était une association de malfaiteurs vivant au détriment de ses sujets, et les sujets, de leur côté, avaient pour seul souci de frauder le gouvernement. Ainsi, la vie suivait son cours sans obstacles, et il n'y avait ni riches ni pauvres.
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Mais le travail à la chaîne de montage... Être obligé de concentrer son attention sur des mouvements répétitifs, selon un rythme incessant, imposé par les machines... Que peut-il y avoir de plus mortifiant pour l'esprit de création... pour la liberté la plus élémentaire de disposer des mouvements de son corps, de la dépense de son énergie selon son rythme, sa respiration ?... Ne faire toujours qu'une seule et même opération, un seul et même geste, toujours de la même manière... N'est-ce pas une perspective terrifiante ?
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Le mensonge n'exclut la vérité qu'en apparence ; vous savez que, dans plusieurs cas, les mensonges – par exemple, pour le psychanalyste, ceux de son patient – sont indicatifs, autant, sinon plus, que la vérité ; et il en sera ainsi pour ceux qui devront interpréter notre message. Müller, en vous disant maintenant ce que je suis en train de vous dire, je ne vous parle plus de la part de nos supérieurs, mais sur la base de mon expérience personnelle, de collègue à collègue, d'homme à homme. Ecoutez-moi : le mensonge est la véritable information que nous avons à transmettre. C'est la raison pour laquelle je ne me suis pas interdit une utilisation discrète du mensonge dans les cas où celui-ci ne compliquait pas le message, où il le simplifiait même.
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Vidéo de Italo Calvino
Toute sa vie, il a repoussé les limites du roman avec fantaisie et malice. Voici l'histoire d'Italo Calvino, l'un des plus grands écrivains italiens du XXe siècle, né il y a un siècle.
#italocalvino #litterature #cultureprime
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