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Critique de Charybde2


La saga alpestre de la vallée suisse du Haut-Rhin continue, folle symphonie jazz à l'accent unique dont ce quatrième épisode se passe en hiver, au pied des pistes.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/12/13/note-de-lecture-la-derniere-neige-arno-camenisch/

Habitants d'un petit village de la haute vallée du Rhin, au coeur du canton suisse des Grisons, entre Autriche et Italie, Paul et Georg sont employés, en hiver, au téléski qui dessert plusieurs pistes du domaine skiable local. Alors que la neige se fait désormais souvent plus hésitante que quelques années auparavant, assez peu bousculés par les clients toujours trop rares de leur remontée mécanique, ils refont chaque jour paisiblement le monde, ici et ailleurs, confrontant les us et coutumes de la vallée et de ses natifs au bruit du vaste monde qui leur parvient, comme tout un chacun, par les médias et par les rencontres extérieures. Quotidien à l'horaire toujours incertain, rythmé par la nature, la météorologie et la vie matérielle, le jour s'égrène parmi les souvenirs, les considérations doucement rageuses ou malicieusement tempérées, les coqs-à-l'âne savoureux, les piques discrètement assassines, les postures secrètes et les rêves de sept lieues. Personnages superbement infra-ordinaires mais prenant progressivement sous nos yeux à chacune de ces 100 pages leur stature véritable de géants secrets, presque mythologiques, Paul et Georg attendent le chaland et éclairent le monde, le leur comme le nôtre.

Depuis 2009, Arno Camenisch nous régale régulièrement des épisodes de fantasmagorie ordinaire issus de la vie, racontée et vécue, d'un petit village de la haute vallée du Rhin, dans le canton suisse des Grisons. Après « Sez Ner » (2009), qui mettait en scène l'alpage en été, ses mystères et ses divers animaux et humains dont prendre soin, « Derrière la gare » (2010), qui décryptait savoureusement le village à hauteur d'enfant, et « Ustrinkata » (2012), qui liquidait cul sec les stocks d'un café condamné à la fermeture (dont on apprendra ici, comme incidemment, bien des éléments de contexte jusqu'alors secrets), « La dernière neige » (2018) est la quatrième installation en français de cette saga extraordinaire. Publiée chez Quidam, à nouveau, en octobre 2021, elle brille toujours autant du talent de la traductrice Camille Luscher pour nous rendre la magie de cette langue rocailleuse et fluide, dont le flot suisse allemand intègre si volontiers les trouvailles locales empruntées à l'italien, au français et au romanche lui-même, dans ce canton si paradoxal, bout du monde engoncé dans les montagnes et carrefour authentique de quatre aires linguistiques bien spécifiques. Il faut se plonger encore et encore, avec délices, dans ce tourbillon d'humour malicieux, intellectuel et matériel, qui évoque bien entendu, à l'autre bout des Alpes centrales, celui du F'Murr du « Génie des alpages » (1973-2007), dans ce je-ne-sais-quoi et ce presque-rien qui, pourtant, déplacent en beauté notre rapport au monde, et inscrivent désormais ce minuscule coin de Suisse alpine, multinationale et faussement recroquevillée sur elle-même, cassant les codes des clochers identitaires pour mieux y dérouler un local universel (on se souviendra ainsi des mots cruels et malicieux de Lyonel Trouillot, en Haïti, à propos de sa « Parabole du failli« , à écouter ici), parmi les hauts lieux de la littérature mondiale.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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