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EAN : 9782374911342
97 pages
Quidam (20/02/2020)
3.97/5   17 notes
Résumé :
C’est le dernier soir à L’Helvezia, le bistrot du village racheté par des investisseurs. Tous les habitués sont là: la Tante, hôtesse de tout son monde, la Silvia, l’Otto, le Luis, l'Alexi, et les autres aussi, encore vivants ou déjà morts. L'alcool coule à flots et ça fume à tout-va. On est en janvier et il ne neige pas. Il pleut comme vache qui pisse. C'est quoi cette bizarrerie climatique ? Le déluge ?On cause de ça, de tout, sans discontinuer. Ressurgissent alor... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Une lecture cul sec qui m'a fait l'effet d'un bon remontant !
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Rhaaa les amis, comme tous les ans, je me suis fait un Arno Camenish : ma petite douceur de l'hiver. Figurez-vous que cette fois, dans ce petit canton suisse, l'Helvezia va fermer ! Alors les habitués y passent leur dernier soir en causant de tout et de rien, nous offrant des conversations de bistrot mêlées comme d'habitude de patois local qui accentue le charme de l'exercice.
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Si vous cherchez un livre d'action avec un vrai scénario, orientez-vous vers autre chose. Mais si vous avez envie de vous glisser dans le ronronnement et l'ambiance d'un bar de village, dans des conversations improbables sans queue ni tête, dans les commérages de quartier, dans des portraits au vitriol et dans le récit de petits moments simples de la vie, les joies comme les deuils, alors vous êtes au bon endroit chez la Tante, future ex-tenancière de l'Helvezia depuis soixante ans.
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Soixante ans d'amitié, de guéguerres, de confidences et petits malheurs… Mais surtout, soixante ans de picole à fumer comme des pompiers, à répéter les petits gestes routiniers et rassurants du quotidien qui font une vie, des vies, mille vies. Ici, exit la loi Evain et le Dry January, on s'enfile des cafés goutte, des pintes et des schnaps, le tout avec le cigare, la pipe ou la cigarette aux lèves, on commente la pluie, les crues, et cette satané neige qui ne vient toujours pas, le soleil qui sans doute ne reviendra jamais non-plus, on tousse et on s'étouffe dans la fumée des autres, on vide les cendriers, on ressert les clients, on alpague le voisin de table et on ressasse les faits divers en se chicorant sur l'année exacte. On engueule Gion Baretta qui ne met son cornet de sourd que lorsqu'il parle, l'andouille, et se moque de l'Otto qui revient des toilettes par la porte d'entrée après être passé par la fenêtre car la poignée intérieure lui est restée dans les mains.
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On ramène la Grand-Mère somnambule dans son lit si elle débarque dans la grande salle - surtout ne dit pas son nom ça va la réveiller ! - on rembarre le Friseur qui, ce soir, refuse de boire et demande de l'eau - de l'eau ! pis quoi encore, ça rend malade c'est bien connu dit la Tante, qui par cette réplique me rappelle ma Grand-Mère à moi quand elle tenait son propre bistrot où j'ai passé une partie de mon enfance !
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« Qu'est-ce que tu crois si la vieille buvait de l'eau bénite, dit l'Otto, je te le dis, transparente comme le verre qu'elle serait. »
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Bref, un livre à ne pas lire vite pour connaître la fin de l'histoire - on la connaît et il n'y en a pas trop, d'histoire - mais un livre pour savourer des conversations entre amis, découvrir les anecdotes de chacun, bercés par cette langue si particulière que nous rendent l'auteur et le traducteur, qui ne rend certes pas la lecture facile, mais nous oblige à ralentir nous aussi, à prendre le rythme des vieux du village qui n'ont que ça à faire ou presque de se retrouver discuter ensemble… Avec cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, accompagné d'un foutu déluge pour nous faire comprendre que c'est la fin du monde : qu'est-ce qu'on fera demain et les jours suivants, quand l'Helvezia sera fermé ?
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C'est sûr, plus qu'une chose à faire : noyer son chagrin dans l'alcool de poire de la Tante, en attendant que le Rhin déborde comme en 1985 - 1987 te dis-je !! -, lorsqu'il avait inondé ce bar et qu'on picolait assis à ces mêmes tables avec de l'eau jusqu'au genou !
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« On aurait pu chercher de l'or sous cette table, dit l'Otto, y serait sûrement resté quelques mâchoires avec des dents en or coincées dans la passoire, après que Dieu il avait lavé pareil les pentes et que l'eau avait déferlé sur le cimetière, quand le mur a fichu le camp, ça t'a droit soulevé la moitié des tombes, elles ont été emportées dans le bas du village. Ca la fortune que la Filomena avait dans la bouche, dit le Luis, j'en aurais bien eu besoin à l'époque, la moitié de mes veaux noyés dans la crue, que j'ai presque dû arrêter de faire paysan après. »
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Voilà, les 100 pages sont comme ça donc si vous aimez, lisez au coin du feu et vous m'en direz des nouvelles ! Un très bon moment en ce qui me concerne, un peu meilleur qu'avec « derrière la gare » puisqu'on retrouve ici l'ambiance et les anecdotes d'adultes, presque aussi bien qu'avec « la dernière neige ». Mon seul regret : il ne m'en reste plus qu'un à lire pour finir la série. Dites, Monsieur Camenisch, un autre d'ici l'année prochaine ?! Siouplaiiiiiiiit !!!
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Hors du temps ; Truculent.
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Puissant, émouvant, « Ustrinkata » de Arno Camenisch est un grand livre. Les dés sont lancés. Annonciateurs d'une finitude. Grave, intense, le temps passé dans l'Helvezia est un feu de cheminée. Néanmoins, les cendres encore chaudes résistent à ce qui fût. Il faut lire cette sombre et sublime histoire doucement en invité des grandes heures dans ce café mythique « l'Helvezia ». Ecouter, puis s'imprégner des paroles de chacun. Garder pour soi ces leçons de vie et de courage, de loyauté pour en faire son propre levier. Ce récit est donc une double chance. « Ustrinka » se déguste doucement avec respect. La nuit est tombée en Helvezie. C'est la dernière heure du jour. Dans cet entre monde où les habitants sont des résistants qui veulent défier les aléas de cette contemporanéité qui joue des coudes et qui se fraie un passage dans leur vie et bouscule tout frénétiquement. L'incipit ouvre ses bras en grandeur. « Comment ça de l'eau, dit la tante à la grande table des habitués dans l'Helvezia, elle fixe l'Alexi, mais t'es marteau. » le ton est donné. Il ne faut pas que le geste s'apaise. Les lèvres doivent rester messagères d'une parole régénérante. Chacun des verres proposés est la somme de guerre. Dans cet espace où les habitués de ce lieu apportent la pierre du dire en oraison. L'écriture est si noble qu'on a la gorge nouée. Chacun conte. Les anecdotes, les coups bas, les souvenirs, les habitants qui ont marqué de leur sceau la citadelle de l'Helvezia. Les portraits des uns et des autres encensent le filigrane. On pressent l'urgence du dire. Les confidences sont des échappées, saveurs salvatrices et consolantes. La gravité est une fleur qui perce sur le goudron de l'inaltérable. Il pleut, il fait sombre. La lumière dans l'Helvezia est un antidote. Une bataille entre l'adversité et la fraternité dans cet antre emblématique. Avant que les volets ne se referment à jamais. Boire à n'en plus finir. Affronter les démons d'un climat qui signe son heure de fin. Parler, graver les sons et les alphabets d'honneur dans chaque verre. La tendresse est un garde à vous. L'exutoire d'un langage qui résiste aux tempêtes intérieures. Tout est beau ici, intègre et authentique. La sincérité est un breuvage et bien plus qu'un récit « Ustrinkata » est un cri d'alarme. Que va-t-il se passer ? Ne rien dire de ce bateau de Géricault. Rester dans cette matrice de l'Helvezia battue par le froid. S'imprégner de ces délivrances verbales. La teneur est vive. Les minutes urgentes. L'hédonisme grandiose car il ne se sait pas. « Ouais de temps en temps tu rapportes un cerf à la maison et tu le déposes sur la table de la cuisine, y a pas besoin de mots, dit le Luis, c'est bien assez d'amour. » L'ampleur de « Ustrinkata » est dans la simplicité et dans le juste. Dans cette nuit qui emporte avec elle toutes ces vies qui se noient, gorgées après gorgées. Métaphores fabuleuses d'un refus de fermeture de ce lieu vivifiant et qui ne sera plus. Et d'une littérature de renom qui a tout compris. Beau à pleurer. Traduit de l'allemand (Suisse) par Camille Luscher. Publié par les majeures éditions Quidam éditeur.
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Ce court roman dépeint une scène de bistrot dans un petit village suisse, la nuit juste avant que celui-ci, l'Helvezia, ferme ses portes pour de bon, après de nombreuses décennies d'activité. On y retrouve les habitué•e•s, et leurs voix se mélangent en une cacophonie singulière. On y boit, énormément, bière, piccolo ou café-goutte. On se remémore les anciens, les catastrophes, les vivants et les morts, les présents et les absents, on parle religion, école, élevage, terroir, mais aussi amour, violences, et maladies, et bien sûr : météo.

Arno Camenisch retranscrit de façon formidable l'ambiance des conversations de comptoir : tout se mélange, tout le monde parle en même temps, et puis on boit, et puis on fume, et puis on va aux toilettes, parfois on s'endort, on repart et on revient, on cancane, on silence, on pense au bon vieux temps et aussi aux temps qu'on aurait voulu oublier, et puis on se contredit, on vrille un peu avec l'ivresse.

Ce qui ressort, surtout, dans cette grande chronologie qui court sur une centaine d'années, c'est un village qui a l'air figé dans le temps - le roman pourrait avoir lieu autant dans les années 20 (celles d'avant) que tout juste maintenant. le temps passe sans trop rien changer, en tout cas le temps des heures. Parce que le temps, l'autre, celui qui fait le froid et le chaud, lui détruit un peu tout sur le passage. Tout se détraque, le village est plusieurs fois détruit, enfoui, brûlé, avalanché, mais toujours debout encore. Pour combien de temps ? Il n'y a plus rien qui pousse et il ne neige même plus.

Ustrinkata, dont le nom vient de "austrinken" (boire cul sec) se vide d'une traite, comme son titre l'indique. Bien que ce ne soit pas le genre d'ambiance qui m'accroche, je reconnais fort volontiers le talent de l'auteur pour construire un livre dans un langage oral très bien retranscrit, d'un seul souffle comme si la communauté formait une entité unique, dans un mélange des différents patois. Il nous téléporte directement en plein coeur de son décor, et c'est limite si on ne s'attend pas à retrouver posé devant nous : une bouteille de bière, un cendrier, une poignée de porte des toilettes. Nostalgique, bourru, voire un peu rustre, simple, à la fois grave et drôle, ce très court récit sent la pierre, la terre et la pluie. Plus que ça, d'ailleurs, ce roman nous semble si familier puisqu'il est basé sur la propre expérience de l'auteur : c'est sa tante, dont il est question dans le livre, qui tenait le bar, où lui-même allait se poser régulièrement. Je rajoute une mention très honorable à la traductrice pour avoir pu retranscrire ce langage si singulier.
Lien : https://lecombatoculaire.blo..
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[courte analyse rédigée pour les Notes bibliographiques]

Ultimes libations avant la fermeture définitive de l'Helvézia, le bistrot centenaire d'un vieux village du canton des Grisons. Les derniers habitués sont là ; on se plaint du réchauffement climatique, de la pluie incessante et des risques d'éboulement ; on asticote le coiffeur triste qui ne boit rien que de l'eau ; on rigole encore de l'enterrement du fossoyeur ; la patronne doit parfois tirer le cordon derrière le comptoir, pour actionner la chasse d'eau des toilettes ; on se souvient de ceux qui sont partis aux Amériques, de la fanfare qui descendait le Rhin sur une barque...

C'est le troisième volet du "cycle grison" de l'écrivain suisse Arno Camenisch . Une fois apprivoisés les idiomes, la ponctuation réduite, et les dialogues intégrés à la narration, on est agrippé par le pittoresque truculent et souvent attendrissant des personnages haut en couleur assis à la table d'hôtes de l'Helvezia. Toute une communauté rurale sur le point de disparaître se remémore les grands et les petits moments de vies rudes que le temps qui passe fait apparaître héroïques à celui qui les raconte et à ceux qui l'écoutent. La traductrice Camille Luscher adapte avec virtuosité ce tableau rustique où se mêlent humour et tragédie quotidienne.
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L'Helvezia, le bistrot du village s'apprête à fermer ses portes, c'est la dernière soirée. La Tante, derrière le bar, sert les fidèles clients. L'Otto, la Silvia, le Luis et l'Alexi, descendent verre sur verre, en discutant, en retraçant la vie des villageois, les catastrophes et drames de la région, les morts et les vivants, l'avenir des montagnes face au monde moderne…

L'écriture est surprenante : les dialogues sont intégrés directement dans le récit, il n'y pas de chapitre ! Au départ ça perturbe, on a du mal à reprendre son souffle puis la plume de l'auteur fait son oeuvre et on finit par prendre le rythme et avoir l'impression d'être assis parmi eux, dans cette ambiance enfumée. Les histoires des gens de ce village de montagne, les événements de la commune s'enchainent, tout comme les verres et les cigarettes. A se demander comment ils arrivent encore à parler à la fin du livre tant ils doivent frôler le coma éthylique !

Ce petit roman (106 pages) a reçu le prix Suisse de littérature en 2012. Un bon moment de lecture, une jolie tranche de vie des montagnes grisonnes, un arrêt sur image sur le bistrot, le lieu emblématique de ces petits villages, comme il doit en exister de moins en moins au vu de l'exode et la mort lente du monde rural…

Mention spéciale à la traductrice Camille Luscher pour son travail depuis l'allemand, entre le style d'écriture et la retranscription avec les spécificités du français de Suisse romand et ceci malgré le fait que la maison d'édition soit française
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
On est peut-être un peu plus catholiques quand même nous autres les montagnards, ça je pense bien, dit la Sylvia, elle sourit, c'est aussi qu'on vit là où le ciel il est plus bas. Elle vide son café-goutte, tu m'en remets un siouplait.
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Vous avez vu un peu le Rhin, demande l’Otto, c’est quelque chose quand même, la grosse pierre elle est dans l’eau jusqu’à mi-hauteur, et s’il continue à pleuvoir comme ça, alors adieu. Il boit. En 1985, dit le Luis, la grosse pierre était presque entièrement sous l’eau nomdebleu et ici dedans on était assis avec de l’eau jusqu’au genou, c’était en 1987, dit la Tante, on aurait pu chercher de l’or sous cette table, dit l’Otto, y serait sûrement resté quelques mâchoires avec des dents en or coincées dans la passoire, après que Dieu il avait délavé pareil les pentes et que l’eau avait déferlé sur le cimetière, quand le mur a fichu le camp, ça t’a droit soulevé la moitié des tombes, elles ont été emportées en bas du village. Ça, la fortune que la Filomena elle avait dans la bouche, dit le Luis, j’en aurais bien eu besoin à l’époque, la moitié de mes veaux noyés dans la crue, que j’ai presque dû arrêter de faire paysan après. Contre les trompettes de Dieu y a rien à faire, dit l’Otto, le Luis prend du tabac à priser dans la poche de son pantalon, et les gens qu’étaient sur le pont à regarder comme des Japonais, il renifle le schnouff, bouah, tu veux aussi, l’Otto tend le dos de sa main, regarder ça veut pas forcément dire qu’on voit, dit l’Otto, le Luis remet la boîte dans sa poche, ma grand-mère elle a été emportée avec, il dit, quand on l’a remarqué c’était trop tard. Oha, dit l’Otto et il sort son torche-morve de sa poche de pantalon.
La Tante replace dans l’armoire l’article sur la chute de pierres. La porte de la cuisine s’ouvre et la Grand-mère apparaît sur le seuil. Dans sa main, elle a sa fiole d’eau bénite et dans la bouche une cigarette. Laisse voir ça, dit la Tante, elle lui enlève la cigarette de la bouche. La Grand-mère boitille jusqu’à la table, la Tante la soutient, qui donc qu’est mort aujourd’hui demande la Grand-mère en faisant un signe de croix. Personne, dit la Tante, assieds-toi maintenant. La Tante va derrière le comptoir lui servir un schnaps. Tu vois, dit l’Otto, bientôt cent ans et pourquoi crois-tu, il toque sur la table et désigne l’Alexi, un kirsch aux vêpres et tu restes frais comme une pantoufle. Tu peux toujours verser une gouttelette d’eau bénite dedans si c’est pour ton orapronobis, mais rien que de l’eau ça veut pas suffire, qu’est-ce que tu crois si la vieille buvait que de l’eau bénite, dit l’Otto, je te le dis, transparente comme le verre qu’elle serait. La Grand-mère remet la fiole dans la poche de son tricot et goûte le schnaps. Mon arrière-grand-mère elle a vécu jusqu’à 103 ans et elle a honoré le schnaps jusqu’au bout, dit la Silvia, elle recrache la fumée, à peine si elle pouvait se tenir debout, marcher plus du tout ni parler ni voir, rien, et à la fin elle entendait plus tant bien non plus, mais elle est toujours restée fidèle à son schnaps jusqu’au jour crucial, et probablement qu’au ciel elle le négocie pas plus que tant, son schnaps. Ça, sûr qu’elle serait pas devenue vieille comme le pain et le lait sans ça, dit le Luis. Le jour où elle a fêté ses cent ans le Pfaff, c’était encore le vieux Josefi, il a fait dire une messe pour elle, à la Sainte-Marie mère de Dieu et tout son ontourasch, pour qu’elle puisse mourir en paix. Mais qu’est-ce que tu crois, elle a quand même rempilé pour trois ans, la sainte-trinité, exprès pour emmerder. 103 ans, mi-morte, mi-pierre. Qué, demande la Grand-mère.
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L'Otto est sur le seuil de la porte d'entrée de l'Helvezia, il tient une poignée de porte dans la main. Comment ça se fait que tu te pointes par ici et pas par le couloir, demande la Tante, et c'est quoi que t'as là. (...) La poignée de la porte des toilettes, dit la Tante, oui dit l'Otto. Et pourquoi que tu l'as avec toi, elle demande, il hausse les épaules, juste comme ça, quoi juste comme ça elle dit, juste comme ça, il dit (...) elle m'est restée dans les mains. Non mais ça alors, dit le Luis en tapant du poing sur la table, et comment qu'on fait pour aller aux toilettes nous autres maintenant, espèce de sale brute qui casse tout. C'est la poignée de dedans crénom, vous pouvez entrer te bile pas, faut juste se gaffer de laisser la porte ouverte ou alors vous faites comme moi, vous escaladez pour sortir par la fenêtre et vous revenez par la porte d'entrée. Il s'avance vers la grande table, bouah qu'est-ce qu'il flotte. Ben quoi, qu'est-ce que vous avez à me regarder comme ça, j'ai tué quelqu'un ou quoi.
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Comment ça de l’eau, dit la Tante à la grande table des habitués dans l’Helvezia, elle fixe l’Alexi, mais t’es marteau. Elle secoue la tête et glisse une Mary Long entre ses lèvres, ça j’irai pas te chercher de l’eau, vas-y toi-même si vraiment t’y tiens, tu sais où sont les verres hein, elle prend une allumette dans la boîte sur la table et elle allume sa Mary Long. L’Alexi veut se lever, le Luis lui saisit le bras, toi tu restes assis, ici personne boit de l’eau, on est pas tombé si bas, t’en veux une sur la tronche ou quoi, peut-être bien que ça veut te remettre les idées en place. Ideas da Coifförs, dit l’Otto, il caresse sa barbe. Il a une barbe comme une pelle. Ç’a pas encore neigé par-là hein, va donc aller plonger ta tête dans un seau que ça la refroidisse un coup, tu verras comme les fantômes se font la malle, nomdedieu. La Tante coince sa Mary Long dans le cendrier Calanda, elle se lève et va derrière le comptoir. Elle pose une chope devant l’Alexi, viva elle dit, et elle reprend sa Mary Long dans le cendrier, toute sa vie il a bu de la bière et voilà qu’il veut de l’eau, tu veux te tuer ou bien, elle s’assied. Idées de plouc oui, aussi longtemps que je vivrai, personne boira de l’eau ici, dit le Luis, ici c’est de l’or qu’on boit basta, allez, bois. Il a une paire de jumelles autour du cou et un bouquetin sur la manche gauche de sa veste de ski bleue. La radio à l’antenne pliée grésille sur le comptoir.
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La Tante apporte un autre piccolo au Luis, ti eis blaichs, t’es tout pâle, elle dit. Comme s’il venait de toucher les couilles du curé, dit l’Otto en caressant sa barbe. Avant-hier, je suis allé à l’enterrement du fossoyeur d’Ilanz, dit le Luis, il avait fini par se calmer, mais jusqu’à tard il a bu comme un bœuf tant qu’il pouvait, quantitads diabolicas, et rien que du schnaps maison, sa vie durant, on veut au moins savoir ce qu’on boit, qu’il disait. Va t’étonner qu’il ait une si bonne descente, dit la Silvia, sûrement qu’on aurait fait pareil, imagine un peu comme ça schlingue, avec ça les spirites qui te tourneboulent la tête, nuit et jour, qui te torturent. T’as pas tort, dit le Luis, il s’essuie la bouche du dos de la main, moi aussi je picolerais si je devais faire le tour des morts, tu picoles déjà à l’idée d’aller au lit chez toi, dit l’Otto. Quand le Luis parle, les jumelles bougent à son cou. Ce fossoyeur d’Ilanz, c’est ce que je voulais raconter, dit le Luis, une fois il a creusé une tombe en buvant avec un tel zèle qu’il s’est droit endormi. Et l’après-midi, quand toute la bande est arrivée avec le mort, le curé a vu le fossoyeur au fond de la tombe et il a dit : on sort les vivants avant d’y mettre les morts.
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