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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Grandir dans la pauvreté…
… ça forge le caractère.
Ou pas.
De l'enfance à l'âge adulte, au fil des épisodes de sa vie, rencontres, trahisons, deuils… qu'est-elle devenue, Gaia ? Une femme puissante ?
Ou bien est-elle restée, tout au fond d'elle-même, une enfant fragile ?
Femme puissante, c'est la mère, "Antonia la rousse", mère intraitable et sans affection, communiste vent debout contre les injustices pendant ces années Berlusconi. Antonia cherche à chaque déménagement à améliorer sa place dans la société ; elle met tout en oeuvre pour envoyer sa fille dans un bon lycée.
Gaia s'y sent exclue : "Un lycée pour riches, c'est un acte punitif, une incision profonde, une strangulation." Toutefois, bosseuse et brillante elle va les réussir, ses études.
Mais comment réussir à se débarrasser de la violence, en famille (la description d'un abominable Noël qui tourne à la tragédie entre la mère et le frère anar) ou dans ses relations avec les amies plus riches, avec les amoureux plus à l'aise en société ?
Violence, ressentiment, vengeance emplissent ce roman. Encore une fois, Giulia Caminito nous parle avec sa splendide écriture d'injustice sociale, des traumas subis par cette enfant, jamais relevée, jamais consolée et qui ne fait plus confiance à personne.
"Aucune femme bénie n'a existé ; seules existent les femmes de sang, comme moi."
Traduction parfaite de Laura Brignon.
Challenge ABC 2023-2024
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Placer ses pieds sur le rebord, vraiment tout au bord, regarder l'eau en bas, mais pas trop, sinon on prend le risque d'hésiter, sentir un vent froid passer sur notre peau, subir le regard des autres, qui n'ont pas osé sauter mais qui attendent avec un air de défi, ne plus réfléchir du tout, fermer les yeux, et sauter.
Avec Giulia Caminito, la réception ne se fait pas dans une fraiche eau claire de rivière, ni dans une eau turquoise de Méditerranée, mais une eau sombre, amère qui laisse sur la peau une odeur de rouille et dans la bouche le goût du sang.
Nous ne nageons pas en eaux vives, délicieusement vivifiantes, mais dans une eau opaque, qui colle à la peau et reste même après avoir séché, comme la misère sociale dont ni les études, ni les quantités de connaissances ingurgitées, ne suffisent à nous extraire.
Gaia, la narratrice est féroce, aussi froide que sa mère, peut-être plus égoïste encore et plus violente. Antonia, la jeune mère de famille, est rêche et froide oui, mais elle n'a pas le choix, elle ne peut s'autoriser aucune sensiblerie, tout son être est tendu vers la nécessité absolue de sortir ses enfants de la misère, de les pousser aussi haut que possible, à bout de bras, à bout de forces, et tant pis s'ils atterrissent loin d'elle, l'important est qu'ils se sortent de la fange collante dans laquelle ils sont nés.
Gaia hérite forcément de cette inaptitude à la tendresse – comment pourrait-il en être autrement lorsque l'on n'a jamais connu la douceur d'une caresse ? Alors, en grandissant, elle décide elle aussi d'attaquer, elle va mordre, se battre, au sens propre, pour ne plus jamais jamais être victime des autres, ne plus jamais subir l'image de son origine sociale.
Ses amitiés sont calculées, ses relations amoureuses sont stratégiques, décidées sans amour, sans passion, comme de simples moyens de parvenir à son objectif, pour prouver à Antonia qu'elle ne sera ni comme son grand-frère, ni comme son père ni comme les jumeaux.
Oui, dans la famille Colombo, les moteurs ce sont les femmes, les rousses, Antonia en première ligne, puis Gaia, même si contrairement à sa mère, celle-ci ne se préoccupe pas vraiment du bien-être familial et agit pour elle, uniquement pour elle et pour prouver aux autres qu'elle peut y arriver.
Les hommes dans ce roman sont des vecteurs ou des accessoires, aucun ne possède la volonté furieuse d'Antonia et Gaia, cette force qui fait flamber leurs chevelures rousses.
Et lorsque le feu retombe parfois, alors il y a les amitiés péniblement tissées, les destins poignants de Carlotta, Agata et Iris, sublime Iris, la seule dont la beauté et la gentillesse parviendront vraiment à toucher Gaia, la seule qui trouvera la voie de la complicité, de la douceur.
Mais on ne se défait pas de l'amertume du lac, on ne peut se débarrasser comme ça, en un été, de l'eau poisseuse dans laquelle on s'est consciemment immergé, ce goût amer qui revient malgré nous pour tout gâcher, même les plus belles amitiés.
L'eau du lac submerge tous les efforts, tous les sacrifices. Ni les études brillantes, ni les centaines de livres lus, la réussite scolaire, pas plus que la plus belle des amitiés ou la solidarité sans faille de sa famille, ne parviennent à effacer le goût amer qui colle à la peau de Gaia.
Malgré son courage et sa ténacité, malgré son parcours, malgré sa mère et son frère, malgré Iris, si belle Iris, pour Gaia, l'eau du lac ne sera jamais douce.
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« On ne te laissera pas vautrée, à rien faire, ou on étudie ou on n'est personne. T'as compris ? Tu veux être personne ? »
Cette phrase résume bien le credo d'Antonia Colombo, la mère de Gaia, la jeune héroïne du roman.
*


Il est très rare que j'aie des difficultés à commenter une aussi belle histoire, aussi dense par toutes les émotions qu'elle m'a procurées.

Ce roman m'est un énorme coup de coeur !
Giulia Caminito est décidément une auteure que j'aime énormément lire et elle est, avec Silvia Avallone, une de mes auteures italiennes préférées.

Ce que j'aime chez Giulia, c'est sa magnifique écriture, c'est son immense poésie, avec ses phrases qui ondulent comme la surface de l'eau du lac de Bracciano, lorsqu'il est bercé par vent.

Ce que j'aime chez Giulia, c'est son énorme sensibilité, c'est la délicatesse et la rugosité de ses mots, qui se déversent et qui déferlent avec fièvre, avec frissons sur toutes les pages du roman.
Des mots qui font briller les yeux, parce qu'ils choquent, interrogent, parce qu'ils s'entrechoquent, parce qu'ils hurlent parfois, parce qu'ils font frémir, parce qu'ils font perler quelques larmes.

Ce que j'aime chez Giulia, c'est sa magie pour décrire dans toute leur beauté authentique, des scènes de la vie quotidienne comme un paysage peint sur une grande toile.
Des récits de vie, des moments de ressentiments, des morceaux de dialogues doux et durs à la fois, et percutants par leur grand réalisme
*

« L'eau du lac n'est jamais douce » est un sublime portrait d'une femme, celui d'Antonia, cette mère de famille courageuse, combattante, ombrageuse, économe, impétueuse, droite, presque trop rigide. Elle est celle qui porte à bout de bras sans fatigue, son mari et tous ses quatre enfants. Elle est celle qui marche brave et fière, contre tous les vents et toutes les marées.
Une femme déterminée, rigoureuse qui ne fera aucune compromission ni aucune concession.
*

« L'eau du lac n'est jamais douce » est aussi le portrait très bouleversant de Gaia qui est la seule fille de la famille. C'est elle qui dans le roman raconte, qui se raconte.
Une jeune fille qui a ses aspirations, ses rêves, ses désirs d'adolescente, mais aussi qui a ses propres hontes, ses nombreux complexes, ses peurs, ses limites qui la rendent fragile.
Une jeune fille pour laquelle sa mère a des féroces attentes afin qu'elle étudie, afin qu'elle réussisse, afin qu'elle devienne quelqu'un.
Une jeune fille, qui sera en constant questionnement, qui aura du mal à s'affirmer parfois, qui se cherchera, essaiera de nouer des relations rassurantes et durables, avec ses amies de lycée et avec les garçons.
*

« L'eau du lac n'est jamais douce », est aussi les confrontations d'une famille pour échapper à leur condition sociale douloureuse.
C'est ce face à face d'une mère inflexible et ancrée dans la dure réalité de la vie romaine en ce début du 21e siècle avec son fils, Mariano, devenu un sympathisant anarchiste. Mariano qui avec ses engagements politiques, voudrait faire la révolution et participer à de grandes manifestations.

C'est aussi la terrible confrontation d'une mère intransigeante avec sa fille, qu'elle étouffe de ces exigences.
*

« L'eau du lac n'est jamais douce », est surtout la colère parfois violente de Gaia, lorsque la désillusion, le chagrin, la tristesse, la culpabilité, le mensonge, les trahisons viendront tour à tour la toucher, viendront la meurtrir, viendront la pourfendre, viendront lui brûler le coeur.
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Un coup de coeur pour ce roman qui explore de manière acérée la relation complexe entre une mère et sa fille ainsi que leur combat pour sortir de leur condition sociale.

Gaia est une adolescente qui grandit dans une famille pauvre, avec un père en chaise roulante et une mère femme de ménage. Sa mère Antonia, figure forte et déterminée, veut absolument que sa fille échappe à la condition sociale de sa famille en lui offrant une éducation de qualité. Elle l'envoie donc dans un lycée fréquenté par des enfants de riches, où Gaia sera confrontée à la cruauté et à la méchanceté des autres élèves.
Antonia mise tous ses espoirs sur sa fille, qui doit réussir dans ses études et rétablir l'honneur de la famille.

Au bord du lac de Bracciano, la jeune fille grandit dans un monde difficile, mais elle apprend également à se forger une identité forte et à résister aux défis de la vie. Sa mère lui a appris à ne compter que sur elle-même, et cela lui donne la force de se battre pour sa place dans le monde.

A travers tous ces personnages, l'auteure nous livre une histoire authentique, décrivant la vie d'une famille italienne vivant très modestement et luttant pour s'en sortir.

Ce récit met en lumière la pauvreté, la misère sociale, la discrimination sociale, le handicap et le harcèlement.

Si vous avez adoré comme moi l'univers de L'amie prodigieuse ou encore le roman D'acier, vous adorerez aussi cette lecture.
Avec ce livre, je me suis découvert une passion pour les romans italiens ! Je suis très heureuse d'avoir découvert cette auteure et je ne vais pas manquer de lire ses autres ouvrages.

En résumé, c'est un excellent livre audio. Une lecture passionnante avec une excellente intrigue et des personnages attachants, charismatiques et combattants.

Presque 9 h d'écoute addictive où la voix de l'actrice, Florine Orphelin, m'a complètement embarquée dans ce roman d'apprentissage et social sur l'une des facettes noires et impitoyables de l'Italie.

Je vous le conseille vivement.
Lien : https://leslecturesdeclaudia..
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Après le puissant « Un jour viendra » (2021), Giulia Caminito nous offre, avec « L'eau du lac n'est jamais douce », une lecture tout aussi intense.
Comment devient-on quelqu'un de mauvais ? Voilà la question qui sous-tend le dernier roman de l'autrice italienne qui s'attache à Gaia, un personnage qu'on suit de son enfance à son entrée dans l'âge adulte.
« Toutes les vies commencent avec une femme, la mienne aussi ». Cette femme que l'héroïne évoque est sa génitrice, à la chevelure aussi flamboyante que la sienne.
Maman de quatre enfants, flanqué d'un mari handicapé incapable de travailler, Antonia tient son petit monde d'une poigne de fer. « Mère Courage », elle refuse les concessions et impose ses vues.
C'est elle qui fait bouillir la marmite, gère le maigre budget domestique, tire le diable par la queue, recycle à l'infini parce qu'il n'y a pas de petites économies...
Au grand désespoir de sa fille, honteuse de la pauvreté de sa famille et de plus en plus réfractaire aux ordres de sa mère ainsi qu'à l'avenir que celle-ci envisage pour elle.
« Je la juge et ne lui pardonne pas » pense-t-elle, témoin des colères de celle qui lui a donné la vie, de celle qui est prête à tout pour avoir un logement décent, de celle qui réclame à cor et à cri de la considération, de celle que ceux qui ont un peu de pouvoir méprisent. du dédain, c'est aussi ce que va ressentir Gaia pour Antonia.
Gaia est née agacée. Agacée, elle l'est par ses camarades de classe qui ont toujours plus qu'elle. Petit à petit, elle va fourbir ses armes pour punir ceux qui la regardent de haut.
Agacée elle l'est encore plus par sa mère qui la pousse à lire et à faire de grandes études.
Bien qu'elle soit perpétuellement irritée par Antonia, Gaia lui ressemble. Comme elle, elle refuse les injustices, comme elle, elle se bat contre les privilèges, comme elle, elle est pleine de rage et de rancoeur. Ce que sa mère n'a pas pu réaliser, elle va tenter de l'atteindre.
Mais, en Italie, l'ascenseur social est en panne et Gaia, transfuge de classe, ne se sentira jamais à l'aise dans un milieu qui n'est pas le sien.
Voilà pourquoi Gaia va pencher vers le mal. Parce qu'elle prend conscience que ce qu'Antonia a voulu pour elle n'est que vanité.
Avec sa veine naturaliste, Giulia Caminito fait de nouveau mouche. Via le portrait réaliste d'une jeune fille en colère et cruelle, elle règle son compte à une Italie qui abandonne les plus faibles en leur ôtant tout espoir de sortir de leur condition, en les reléguant à la périphérie où la laideur s'étale.
La malignité de Gaia est une réponse à la dureté d'une société discriminante.
Mais, parfois, l'avenir n'est pas tracé et la rédemption peut survenir...

EXTRAITS
Notre vie est une prière perpétuelle.
Quand on commet une erreur en bas de l'échelle, on paie le double, on n'a pas de filet de sécurité.
Mon ventre n'abrite que des pierres.
Je n'ai jamais été au bon endroit.


Lien : http://papivore.net/litterat..
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« L'eau du lac n'est jamais douce », la vie non plus. Direction l'Italie, autour de Rome, dans la région du lac de Bracciano qui reste le témoin principal de cette histoire. Ce récit poignant met en scène Antonia, la mère courage de la famille. Tellement courageuse qu'elle est en oublie d'aimer. Il n'y a pas de temps pour aimer puisqu'il faut toujours se battre pour sortir de sa condition, pour échapper à une vie de pauvreté. D'une main de fer, elle dirige sa famille. C'est elle qui inculque les vraies valeurs à coups de martelages incessants dans l'esprit de ses enfants. C'est encore elle qui fait rentrer l'argent qui sert à vivre, puisque le père, victime d'un accident du travail, ne peut plus travailler. Inflexible, insensible, dure, pas maternelle pour un sou, Antonia représente la lutte au quotidien. Une lutte contre les injustices, où sa hargne frôle le sublime, une lutte perpétuelle qui consiste à sauver à tout prix l'avenir de ses enfants.

« L'eau du lac n'est jamais douce » raconte réellement l'histoire de Gaia, la fille d'Antonia, mais il est difficile de parler de la fille sans évoquer la mère. Nous suivons Gaia de ces jeunes années sous le joug d'Antonia à son passage vers l'âge adulte. Elle est le réceptacle de tous les espoirs maternels, car c'est par elle que la famille peut espérer sortir de sa condition. Gaia doit être la meilleure à l'école, chaque année. Elle doit pouvoir choisir les meilleures écoles supérieures. Gaia porte le poids de sa condition sociale, et des espérances de sa mère avec laquelle elle a une relation très conflictuelle. Mais Antonia reste sa mère, elle tente donc par tous les moyens de la satisfaire. Gaia a une relation fusionnelle avec l'un de ses frères, Mariano, une relation de pitié envers son père, « l'handicapé », traité comme un moins que rien sous son propre toit puisqu'il ne sert à rien.

Alors, au plus profond de Gaia, ça gronde. Gaia est un volcan en menace constante d'éruption, un tsunami capable de tout arracher sur son passage. On pourrait donner son prénom à une tempête de force dix, tellement elle peut être dure, violente, sanguine, et explosive. Elle vomit son milieu, réprouve les actions et les ordres de sa mère, mais reste pour un temps, exactement ce qu'on attend d'elle : très bonne élève, disciplinée, dure à la tâche, capable de montrer une force de travail exceptionnelle. Sous les charges scolaires qui lui incombent, les exigences d'Antonia, les réprimandes quotidiennes, parce que ce n'est « jamais assez bien », le coeur de Gaia hurle silencieusement. Et plus elle grandit, plus la colère gronde, tant et si bien qu'elle finit par prendre totalement possession d'elle.

« L'eau du lac n'est jamais douce », car la fureur de Gaia, déesse de la terre nourricière s'abat sans prévenir sur celui qui la provoque d'un peu trop près. Après s'être construit une carapace où ses émotions ne peuvent plus être atteintes, Gaia peut laisser la rage être son moteur. Et cette colère devient de plus en plus forte, de moins en moins contrôlable. Gaia est une enragée, une révoltée, une jeune femme qui n'avance que grâce à cette violence intérieure qui cannibalise tout son être, une furie qui prend possession de son corps tout entier. Un moteur. La satisfaction perpétuelle des ambitions de sa mère la rend dure, cynique, et, croit-on, désémotionnalisée.

Florine Orphelin, la lectrice de la version audio, incarne à merveille ce personnage a priori peu aimable et parfois même très antipathique pour laquelle j'ai eu une affection et une empathie immense. le récit à la première personne permet de se glisser sous sa peau. Florine est devenue Gaia. Je suis devenu Gaia. Je me suis tellement retrouvée en elle : remplir tous les contrats et toutes les attentes pour finalement décevoir, obtempérer à la seconde, s'effacer pour laisser apparaître quelqu'un de fondamentalement différent, et surtout être perpétuellement en colère. Une rage, qui, plus qu'un levier devient une raison de vivre, un gouvernail qui permet de naviguer même en pleine nuit. Un caractère irascible que peu de gens apprécient, mais qui pourtant a un coeur en or, cadenassé pour éviter qu'on le lui vole. le passage vers l'âge adulte, magnifiquement interprété par Florine Orphelin met en lumière les difficultés adolescentes et les drames. Il offre aussi un regard dur, et, sans concession sur l'éducation reçue, réfute les choix, car sortir de son milieu demande beaucoup d'abnégation et de sacrifices.

J'ai trouvé que la voix de Florine Orphelin tempérait un peu cette fureur, et laissait entrevoir toute la beauté et la douceur de la vraie Gaia, celle qui se cache sous son armure. Même dans les passages où elle se venge, où elle explose, où plus rien ne peut l'arrêter, Florine Orphelin dit le texte avec une certaine compassion, cachée, comme si une petite voix cherchait à nous dire, « mais tu sais bien pourquoi elle est comme ça, tu sais bien qu'on peut finir par devenir ce que l'on déteste, tu sais bien qu'au fond, Gaia a les mêmes colères et le même besoin de justice que sa mère ». Alors, la narratrice fait appel à toute notre humanité envers ce personnage exalté et exaltant. La version audio apporte un peu de lumière dans ce récit assez sombre, et révèle la face cachée de Gaia, sa capacité à ressentir les choses de façon exponentielle, alors qu'on lui a toujours appris qu'éprouver c'est être faible, qu'éprouver c'est décevoir.

« L'eau du lac n'est jamais douce » est un roman d'apprentissage et un roman social qui se déroule dans la région de Rome, dans les années 2000. L'écriture saisissante, au scalpel de Giulia Caminito, est très largement valorisée par la version audio qui lui offre un bel écrin. Si le roman met en scène de beaux portraits de femmes, qu'on les aime ou non, il met aussi en lumière la perte des illusions de la jeunesse et le passage difficile dans la vie d'adulte. Fascinant !

En lice pour le prix Audiolib 2023.
Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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J'ai été scotché par l'écriture mais aussi par la colère froide qui traverse ce roman et qui peut se transformer à tout moment en une rage incandescente. Un roman social dans lequel Gaia raconte sa jeunesse et ses combats, entre Rome et Aguillera Sabazia au bord du Lac Bracciano. Giulia Caminito signe le voyage au bout de la nuit d'une jeune femme d'aujourd'hui, comme une plongée au fond des eaux sombres du lac. Et j'y ai trouvé de la lumière.
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Roman âpre sur l'enfance et l'adolescence, L'eau du lac n'est jamais douce nous raconte l'histoire de Gaia, jeune fille italienne issue d'une famille pauvre, famille portée à bout de bras par la mère. Dans ce roman nous sommes très loin de ce qu'on appelle communément la « Dolce Vitae », ici pas de place à l'oisiveté et au plaisir, il faut se battre pour réussir, tout faire pour s'en sortir. Gaia essaye tant bien que mal de trouver sa place dans cette famille, sa vie avec ses camarades de classe riches et sa place dans la société. La pauvreté de sa famille, la vétusté de leur habitation, l'handicape de son père et les relents révolutionnaires de son frère vont la faire évoluer d'une toute autre manière, une violence enfouie en elle ressortira par n'importe quel moyen. À travers divers portraits et divers personnages, nous grandissons en même temps que Gaia, nous permettant de comprendre et de voir surgir la douleur et la violence dans sa vie.

Roman suintant le mal-être, L'eau du lac n'est jamais douce est un superbe roman d'apprentissage mêlant drame et critique sociale. J'ai été hypnotisée par le style de l'auteure dès les premières lignes, j'ai de suite été embarquée dans la vie de cette famille aux préceptes particuliers, et instantanément, je me suis prise d'affection et de compréhension pour Gaia, cette jeune fille qui serait prête à tuer pour une trahison.
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Coup de coeur !
Une fois n'est pas coutume, je vais d'abord parler des dernières pages, qui contiennent la « note de l'autrice ». Elle explique la genèse de ce roman et de quelles femmes elle s'est inspirée pour écrire. C'est non seulement intéressant mais édifiant pour cerner tout ce qu'elle a voulu exprimer.
Maintenant, parlons des premiers mots « Toutes les vies commencent avec une femme » …. le ton est donné, il sera question de femmes, mère, épouse, fille, collégienne, lycéenne, étudiante, volontaire, rebelle, têtue, fougueuse, belle et ensorcelante. La première scène racontée par la narratrice est presque violente, bienvenue dans « son monde ». Sa Maman, Antonia, s'est introduit par ruse auprès des responsables de logements car elle en attend un pour sa famille (un mari, un fils d'une première union, deux jumeaux plus jeunes et Gaïa) et elle a fait un scandale. Gaïa « sait » ce qui s'est passé, elle connaît sa génitrice, aussi entêtée qu'imprévisible. Elle a sans doute le sentiment qu'elle s'est « donnée en spectacle », que ça va se savoir et elle a honte….
Et puis, elle nous entraîne à sa suite et on reste scotchée. Actions, émotions, tout est décrit avec une force et une finesse inégalées, on est au coeur du quotidien de cette famille où la mamma porte tout à bouts de bras. Elle veut le meilleur pour tous, mais ce n'est pas forcément possible. Alors Gaïa, seule fille de la fratrie, est en colère, ça la ronge et parfois, c'est le tsunami, ça explose. Elle se sent exclus car elle n'a pas les mêmes moyens que ses camarades, elle lutte, elle ne veut pas être jalouse. Elle s'isole, refuse de se confier, décide de ce qu'elle veut faire, même si elle sait qu'elle a tort.
Parfois, il y a un « répit », on se dit que tout va être plus calme, plus « normal », plus rangé, plus « normé » mais Gaïa a souffert, souffre encore et son insurrection ressort, comme une marque de fabrique, une obligation. Elle ne sait pas, ne peut pas, subir et se taire. Pour elle c'est impossible. Sa carapace la protège comme une armure mais elle se fendille aussi et une vague l'emporte vers d'autres souhaits…. Elle se protège en permanence car elle ne veut pas faire confiance, la trahison, elle a connu, elle n'en veut plus.
Ce récit parle de pauvreté, une pauvreté de notre époque, quand l'absence de télévision ou/ et de téléphones portables vous fait passer pour un zombi. Les autres thèmes évoqués et magnifiquement présentés sont l'amitié, l'amour, les relations familiales…. Et puis, il y a ce lac, intimement lié à la vie de cet enfant que l'on voit grandir au fil des pages…. Il tient de la place lui aussi, enivrant, dangereux Gaïa est avide de liberté, elle veut être maîtresse de son destin, mais toujours quelque chose se met en travers de son chemin….
Les personnages sont bien étudiés, ils ne sont pas « lisses » et les relations ne sont pas évidentes. le regard et l'opinion des autres sont lourds et difficiles à accepter….
L'écriture est fluide, presque « parlée », pas de tirets ni de guillemets pour les dialogues, seulement le flux des mots ininterrompu, qui se bousculent parfois lorsqu'il y a trop à exprimer. Une atmosphère se détache des pages, on est présent dans le récit, on assiste impuissant à certains dérapages, on voudrait tant qu'une esquisse de calme et de bonheur arrive dans cette « maison »….
Je ne connaissais pas Giulia Caminito et je suis ravie de ma découverte ! Je vais me pencher sur son oeuvre.

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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« C'est grâce à moi que vous mangez, sans moi vous êtes rien ». Cette phrase, ils l'entendent souvent

Antonia est seule à faire avancer la barque. Son mari, victime d'un accident alors qu'il travaillait au noir, est cloué dans un fauteuil roulant. Elle doit donc nourrir quatre enfants en trimant dans les maisons des autres, sans jamais se plaindre. Alors, ce qu'elle veut, c'est que ses enfants ne connaissent pas le même sort. Ils doivent faire des études.

Antonia fait tout pour qu'il ne perde pas leur logement ou qu'ils aient toujours un toit au-dessus de la tête. Sa vie n'est faite que de débrouillardises légales (elle est très, très honnête, c'est sa seule fierté) , d'ingéniosité. Elle n'a pas son pareil pour faire d'une caisse à orange,un meuble sympathique. le premier appartement, dans un quartier de drogués, Antonia en nettoie la petite cour cimentée, la débarrasse de toutes les seringues qui y ont été jetées. Là, petite, Gaïa et son grand frère étaient heureux« Dans notre appartement, cinq mètres de large sur quatre de long, j'aime la cour en béton et les plates-bandes où il n'y a que de l'herbe, personne n'a jamais pensé à y planter des fleurs et ma mère a refusé, planter signifie rester. » Antonia veut changer de quartier pour ses enfants. Antonia se saigne les veines pour que ses enfants aient une meilleure vie qu'elle et leur serine qu'ils ne doivent compter que sur eux-mêmes, la dignité des gens pauvres

Grâce à sa ténacité, elle y arrive.

Il n'y a pas de place pour des démonstrations de tendresse, pas de câlins, mais des injonctions de réussite pour Gaïa qui est douée à l'école, alors, Antonia la pousse et Gaïa ne peut rien faire d'autre qu'obéir. Elle se noie dans les études, acharnée à réussir, à plaire à sa mère.

Pourtant tout en elle n'est que colère. Colère contre les camarades de classe qui se moquent d'elle. Alessandro, le meneur en fera les frais lorsqu'il a coupé les cordes de la raquette de tennis qu'elle avait obtenue au prix d'une grosse dispute familiale. « Je m'empare du manche de ma raquette à deux mais, je la brandis et l'abats sur son genou, une fois, deux fois, trois fois, cinq fois, à la septième il tombe par terre en hurlant. » et la conclusion lucide et dure de cette journée « c'est ainsi, en réalité que l'on devient une femme méchante ». Constat terrible, amer et véridique.

Gaïa est enfermée dans son mode de pensées, son mode de vie et ne voit que le négatif chez elle. Lorsqu'une de ses amies vient lui rendre visite et qu'elle trouve l'appartement charmant, gai avec les meubles repeints, elle ne voit que le rafistolage. Elle aurait tant voulu une vie dans la norme avec de vrais meubles, des parents qui ne se haïssent pas, une chambre qu'elle ne partagerait pas avec son frère, avec juste un drap tendu entre les deux lits comme séparation.

Le grand frère et les jumeaux pâtissent de cet état d‘esprit, favoriser les études de Gaïa. L'été, elle pourrait travailler, aider sa mère en ramenant une paie supplémentaire, non, elle va retrouver sa bande de copains au bord du lac de Bracciano.

D'ailleurs, le lac est témoin plus que paysage. Côté sombre, côté lumière comme Gaïa

Le comportement de Gaïa, bien que je comprenne son cheminement (elle ne peut pas avoir d'empathie car elle est vraiment mal dans sa peau de petite fille pauvre), m'interpelle, sa violence peut aller très loin, voire aurait pu aller encore plus loin. Gaïa prend mais ne donne pas, elle ne le peut pas

L'écriture est sans fioriture, nette, dure, précise, âpre. Une colère froide, déterminée sourd de toutes les pages de ce roman social

Superbe lecture et merci Wilfrid de me l'avoir prêté
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