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EAN : 9782351782484
288 pages
Gallmeister (04/03/2021)
3.98/5   275 notes
Résumé :
À Serra de’ Conti, sur les collines des Marches italiennes, Lupo et Nicola vivent dans une famille pauvre et sans amour. Fils du boulanger Luigi Ceresa, le jeune Lupo, fier et rebelle, s’est donné pour mission de protéger son petit frère Nicola, trop fragile, trop délicat avec son visage de prince. Flanqués de leur loup apprivoisé, les deux frères survivent grâce à l’affection indestructible qui les unit. Leur destin est intimement lié à celui de Zari, dite Soeur Cl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (82) Voir plus Ajouter une critique
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Dès les premières lignes d'un incipit fulminant, j'ai senti la puissance de ce roman, fresque sociale, familiale et historique dont le souffle romanesque m'a irrésistiblement emportée vers la région italienne des Marches et plus précisément le village de Serra de' Conti, sans jamais retomber.

Comme dans un conte, on suit la famille des Ceresa, misérable et surtout marquée par des secrets et une malédiction. « On racontait que les corbeaux mangeaient à leur table » tant les enfants meurent les uns après les autres, progéniture malheureuse d'un père boulanger violent et d'une mère perdant la vue, à moitié folle de dévoterie. le pivot central du roman est le duo formé par deux enfants survivants, Lupo et Nicola, deux frères polaires aussi opposés et complémentaires que le yin et le yang ou que le nadir et le zénith, liés de façon viscérale bien au-delà des liens du sang.

Un des grands bonheurs de ce roman, c'est son écriture. La prose de Giulia Caminito oscille entre poésie, lyrisme et néoréalisme, dans un style presque ancien sans pour autant paraître apprêté et artificiel. Au contraire, les dialogues étincellent d'une vivacité à la spontanéité presque contemporaine. L'auteure excellent aussi bien à inscrire son roman dans le fleuve des événements ( luttes paysannes contre les grands propriétaires terriens, montée de l'anarchisme, semaine rouge d'Ancône, Grande guerre, grippe espagnole ) qu'à l'habiter de personnages inoubliables tout en rendant hommage à la beauté austère de la nature des Marches.

Tous les personnages, même les plus secondaires existent, tous ont leur voix, même ceux qui ne traversent que quelques pages. Denses et magnifiquement caractérisés, ils nous prennent par la main pour ne plus nous quitter. Lupo, le frère rebelle animé par la flamme de la révolte ; Clara, la charismatique soeur noire du monastère de Serra de' Conti ( personnage inspiré de la Moretta, moniale clarisse d'origine soudanaise au parcours atypique, enlevée enfant, vendue comme esclave pour se finir abbesse mélomane ) ; et Nicola, sans doute le plus beau personnage car celui qui se métamorphose, lui qui était ainsi présentait : « On l'appelait l'enfant mie de pain parce qu'il était le fils du boulanger et qu'il était faible, il n'avait pas de croûte, laissé à l'air libre il moisirait, bon ni pour la soupe ou le pancotto, ni pour nourrir les poules ».

Le roman est traversé par la thématique de la foi et des actes de foi, qu'il s'agisse de la piété religieuse, de l'engagement anarchique ou du dévouement à la famille. Il faut croire en quelque chose pour survivre aux assauts de l'extérieur et de l'Histoire. Les personnages principaux sont tous des résistants dont l'unique but tend à trouver sa manière d'être au monde, jusqu'à se dépasser en cassant la fatalité de ce qui semblait cristalliser leur identité initiale. Pour les y guider, Giulia Caminito a construit un roman spiralaire, maniant allégrement ellipses, prémonitions et analepses, laissant son roman suivre une voie libre, jetant des indices, éclairant des détails qui prennent tout leur sens au fil des chapitres, offrant des surprises au lecteur ou l'irruption de personnages importants en cours d'histoire.

Ce roman éblouissant m'est allé droit au coeur ! J'ai tout aimé, sans aucune réserve. Cette première échappée des éditions Gallmeister hors d'Amérique du Nord révèle une nouvelle fois la qualité de la ligne éditoriale de cette maison .
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Nés à la toute fin du 19e siècle dans une famille pauvre de Serra de' Conti, dans les Marches italiennes, Lupo et Nicola n'ont que leur indéfectible affection pour survivre à la rudesse de l'environnement où ils grandissent. Mais la Grande Guerre qui ravage bientôt l'Italie a tôt fait de séparer les deux frères à peine entrés dans l'âge adulte. Encore ne sont-ils pas au bout de leurs épreuves, puisqu'il leur faudra aussi affronter un secret familial celé derrière les murs du couvent qui domine leur village.


Brodant autour du souvenir de son grand-père anarchiste, l'auteur sertit l'histoire romanesque de la famille Ceresa dans une fresque historique et sociale passionnante. Son profond réalisme doit beaucoup à l'habileté suggestive de son mode narratif, qui, de petites touches en détails bien choisis, construit peu à peu une galerie de personnages, réels et fictifs mêlés, d'une grande force et d'un parfait naturel. C'est au plus près de leur ressenti, alors que, submergés par les événements extérieurs et les soubresauts de l'Histoire, ils entreprennent chacun à leur manière de se révolter et de résister à la fatalité, que l'on découvre cette période de l'Italie : l'organisation quasi féodale de son agriculture, la misère et les brigandages qui en découlent, la montée de l'anarchisme et du fascisme, et, dans un crescendo apocalyptique, l'enfer de la Grande Guerre et l'hécatombe de la grippe espagnole.


Usés jusqu'à l'âme par leurs tragédies personnelles sur fond de tourmente générale, les personnages de Giulia Caminito ont en commun l'ultime instinct de préservation de ceux qui n'ont plus rien à perdre et qui jettent toutes leurs forces dans la défense de ce qu'ils ont de plus cher, le prix à en payer n'ayant plus d'importance. Liberté pour l'indomptable Lupo, attachement fraternel pour le fragile Nicola, principes religieux et charité chrétienne pour l'inoxydable Moretta : tous ne survivent que par, et pour, la sauvegarde de leur intégrité-même, avec cette force du désespoir propre à soulever les révolutions. En cela, Un jour viendra est avant tout un splendide hommage à toutes les résistances. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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À Serra de' Conti, bien que sa boulangerie trône au milieu du village, les clients se font rares. Il faut dire que Luigi Ceresa est un homme peu aimable, peu souriant, coriace et dur. Même à la maison, il ne sait pas donner d'amour, ni à sa femme, Violante, aujourd'hui atteinte de cécité, épuisée par les nombreux accouchements mais aussi par la perte de certains de ses enfants, ni à Antonio qui l'aide pourtant à la boulangerie, ni à Lupo, enfant rebelle et forte tête, et encore moins à Nicola, le petit dernier, trop fragile et trop peureux. Aussi Lupo s'est-il mis en tête de protéger son petit frère, envers et contre tout, et ce malgré les secrets et les non-dits qui hantent cette famille et la grande Histoire qui se chargera de les séparer...

Par petites touches, Giulia Caminito dessine, avec beaucoup de subtilité, le destin de ces deux frères que tout semble opposer et pourtant très fusionnels. Au sein d'une famille dysfonctionnelle, peu aimante, parfois violente, tandis que l'un se révolte, l'autre se terre. En parallèle, l'on suit soeur Clara qui dirige d'une main de fer le couvent et qui vient d'accueillir en ces lieux la jeune Nella Ceresa, qui se dit prête à abandonner toute sa famille. Que cherche-t-elle à fuir ? Sa famille ou un plus sombre secret ? La force de ce roman réside dans toute cette galerie de personnages, assez sombres, mystérieux parfois, très attachants pour certains. Une galerie que l'auteure dépeint avec force, subtilité et émotions, d'autant qu'elle est traversée par L Histoire, que ce soit la Première Guerre mondiale, l'anarchisme, la Semaine rouge ou encore la grippe espagnole. Un récit où s'entremêlent les tragédies personnelles et historiques, l'amour et la haine, l'espoir et l'amertume et sublime cet amour fraternel, à la fois fragile et immuable...

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A N A R C H I E

Si vous passez les doigts sur les lettres de ce mot, écoutez, prêtez l'oreille, il vous murmure les espoirs qu'il recèle, les rêves d'égalité qu'il fait germer, la fin des injustices qu'il promet, le pain pour nourrir chacun qu'il fait dorer, le travail partagé qu'il défend, seul rempart contre la misère qui ravage ces paysages d'Italie à l'aube des années 1900.

A Serra De' Conti, ce mot emporte dans son souffle la destinée de Giuseppe le grand-père, comme il va bousculer celle de Nella sa petite-fille, comme il va écrire celle de Lupo ce garçon qui est l'incarnation du fils qu'il n'a pas eu.

Chez les Ceresa, méprisant son père, Luigi, fils de Giuseppe, est celui qui a repris la boulangerie et fait régner la peur. le pain qu'il dépose dans son antre, et qu'il vend, a une mie aussi dure que le coeur de celui qui le pétrit. Sa cruauté a fait germer la malédiction sous son toit. Il n'a d'affection ni pour ses filles qu'il juge inutiles quand elles n'osent pas lui désobéir, ni pour ceux de ses fils qui survivent et qui poussent comme des herbes folles, Lupo le rebelle, l'indomptable, celui qui esquive les coups, les ordres, et Nicola l'évanescent, le fragile, celui qui ne rétorque jamais, celui qui subit, celui qui incarne la vérité, l'innocence.
Lupo s'est fait protection pour Nicola, essayant de le soustraire à la colère rémanente d'un père, quand les yeux de la mère, celle qui devrait veiller, se sont éteints depuis longtemps et ne contemplent plus la réalité des choses du quotidien.

Au dessus du village, se dressent les murs du couvent dans lequel déambule l'Abbesse, Zari, femme respectée et vénérée, femme inflexible.
L'Anarchie et la religion ne sont pas soeurs et pourtant bien des chemins vont se croiser, bien des idées vont se coudre....

A la violence utilisée par ceux qui répriment les demandes de ces anarchistes, qui ne réclament qu'équité, les accusant injustement de n'utiliser que cette violence pour s'exprimer alors qu'il n'en est rien, répond le silence qui habite les murs du couvent, comme un baume aux colères qui ne trouvent aucun apaisement...


Quand la Grande Guerre commence à réclamer les fils, les frères, les pères, les amis de longue date, commence à les engloutir, quand Chien le loup domestiqué de Lupo disparaît comme un présage, comme une prédiction, quand Nicola voit le vent de l'histoire le balayer, à l'emporter comme une plume,

Que reste-t-il à ceux qui foulent encore le sol de ces collines italiennes ?

Que sont devenus les espoirs d'une vie meilleure, plus juste, comment continuer à faire vivre les idées, l'Anarchie comme seul guide de l'existence ?

Où s'est envolée l'affection de Lupo pour Nicola, sa promesse de protection ?

Comment le couvent parvient-il à rester dressé, à résister, coûte que coûte, fier et altier comme l'image en miroir de cette Anarchie et des espoirs promis à ceux qui la défendent ?

Les uns vénèrent un Dieu qui leur promet une félicité dans la prière, les autres ne croient qu'en une façon d'être qui serait l'égalité de tous et l'anéantissement des misère...



Quel roman !
Outre ses thèmes qui se tissent , qui se croisent , qui s'entremêlent, l'écriture est un joyau. Lire les pages qui se tournent serait comme poser les yeux ici et là, tourner la tête, avancer dans le temps, revenir sur le passé. La chronologie danse pour mieux raconter L Histoire et les histoires, la nature chante pour mieux montrer la vérité, sa permanence, les chants d'oiseaux chuchotent la douceur de Nicola, son absence à l'injustice et au mépris.
Cette chronologie du récit, bousculée et virevoltante pour nous faire apprécier davantage le moment présent, le cheminement auprès de ces personnages dans ce qu'ils disent de notre humanité.
Lupo laisse jaillir sa colère pour mieux laisser transparaître la résignation de Nicola, l'Agneau, celui qu'on sacrifie parce qu'il fait silence…
Une plume qui glisse et tourbillonne comme les pas de Chien ce loup qui gambade et arpente les bois pour retrouver l'ombre de sa liberté.


Vous l'aurez compris, un livre éblouissant dans son fond et dans sa forme, et même si les thèmes de l'Anarchie, d'ailleurs fabuleusement traités invitant quelques grandes figures à arpenter ces pages et quelques grands faits à s'y inscrire, m'avaient à eux seuls insufflé l'envie de le découvrir, il m'en reste, une fois la dernière page tournée, le souvenir ému de la rencontre avec un être de lumière, une flamme qui vacille, qui luit, un guide dans nos vies ternes, Nicola celui qui est l'incarnation d'un idéal quel que soit le nom par lequel on le désigne et qui ne demanderait qu'à être contemplé....
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«  Car comme on le sait, les hommes partent mais la terre reste » .
Quel roman ! Un coup de coeur!
Sous le soleil ardent de l'Italie, dans les Marches à Serra de Conti , début du vingtième siècle , au sein de la famille Ceresa, famille maudite, misérable , marquée par une malédiction et des secrets : les enfants meurent les uns après les autres , Luigi , le père était dur et cassant «  comme la croûte de pain, coriace comme un pain de seigle » , donnant très peu d'amour à Violante , son épouse «  qui avait appris à vivre d'accouchements » .
Elle n'y voyait presque plus , s'entaillant les doigts, faisant tomber la vaisselle , attisant parfois des feux éteints .
Mais elle répugnait à demander de l'aide à ses enfants.
Épuisée, recluse, rentrée en elle même par la perte d'un enfant .
Ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman , outre la construction un peu lâche ,mutante , embrouillée mais d'une incroyable intensité c'est l'écriture , une langue poétique, lyrique , mais réaliste, chaleureuse , ample , à la limite désuète mais magnifique .
Une épopée traversée par de petites histoires sombres , noires , mêlées à la grande Histoire,: idées socialistes, semaine Rouge, guerre de 14 - 18, naissance de l'anarchisme , grippe espagnole .
Traversée aussi pr la foi, le couvent dirigé d'une main de fer et la poigne de Soeur Clara , un personnage superbe inspiré de la Moretta.
Les personnages principaux sont les fils : Lupo, né en 1897, et Nicola , que tout oppose : Lupo , fort , imposant et brun qui a recueilli un loup qu'il nomme Chien, Nicola , le blondinet craintif, fragile , à la peau pâle qui supporte très mal le soleil , il aime lire ce qui dérange et trouble son père .
Ces deux là : le jour et la nuit …
Des portraits subtils , bien sentis , pétris de psychologie et de finesse .
Les thématiques de la foi de la rédemption, de l'idéalisme, de l'amour fraternel s'y coulent dans le vent de L'Histoire, entre tendresse et dureté , : des personnages intenses décidés à lutter face au chaos du monde .

Un récit d'une grande qualité imprégné de secrets , travaillé tout au long par la sueur et la Terre !

Une auteure magnifique à suivre .
Vive l'Italie !
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Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Il disait qu'on ne doit pas voter même si maintenant on a le droit, que placer ses espoirs dans le gouvernement c'est comme attendre que la lune tombe dans la mer, il disait que les différences et les injustices ne devraient pas exister, qu'on ne devrait pas travailler pour d'autres mais seulement pour nous, qu'il ne devrait y avoir ni patrons ni propriétaires, ni prêtres ni églises, ni lois ni obligations ni interdits, à part ceux pour notre bien, pour vivre ensemble, collaborer, être tous égaux, et que c'est à nous de nous battre pour cela.
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L'anarchie est un amour difficile, nombreux sont ceux qui la quittent ou l'utilisent à leurs propres fins, qui se défoulent en son nom. Le pouvoir séduit beaucoup de monde et même ceux les plus insoupçonnables renoncent à leurs idéaux quand on leur propose de l'argent., un palais et une belle femme....
La politique est faite de trahisons.
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«  Ils vivaient dans un monde où les gens travaillaient , et les gens qui travaillent savent qu’ils finiront par se blesser,,avec une faux, avec du fer rouillé, en tombant d’une grange, écrasés par une charrette, assommés par un coup de sabot , entraînés trop au large par un bateau de pêche , brûlés par une pelle à pain , coincés entre le marteau et l’enclume , leur corps était condamné aux blessures .
Il fallait se faire une raison , rester attentifs , vigilants avec les outils et les gens , avec les bêtes et les tempêtes mais se considérer suffisamment forts pour rester debout » ……
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Le corps meurtri, l'esprit paralysé par la panique, la bouche sèche, Nicola se mit à courir mû par la seule force de la peur.
Seulement, sa chair était née faible, ses pensées timorées et chacun de ses pas était semblable à une chute. Personne ne savait pourquoi, mais il n'était pas dans la nature de Nicola d'être au monde comme les autres.
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Les histoires des gens avaient un fond de vérité, il en était sûr, son grand-père Guiesseppe le lui répétait toujours : une vérité peut-être pas plus grosse qu'une noix, une vérité minuscule, inutile. Mais il fallait la trouver, si l'on voulait comprendre les histoires.
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Videos de Giulia Caminito (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Giulia Caminito
Extrait du livre audio "L'eau du lac n'est jamais douce" de Giulia Caminito lu par Florine Orphelin. Parution CD et numérique le 10 août 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/leau-du-lac-nest-jamais-douce-9791035411510/
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