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Laura Brignon (Traducteur)
EAN : 9782351788875
336 pages
Gallmeister (04/05/2023)
  Existe en édition audio
3.68/5   212 notes
Résumé :
Notre mère ressemble à une héroïne de bande dessinée, à Anna Magnani au cinéma, elle braille, ne capitule jamais, cloue le bec à tout le monde. Mariano et moi sommes dans le couloir qui conduit aux chambres, culottes courtes et mollets raides, et sans ciller nous fixons notre peur : ne pas être comme Antonia, ne jamais être à la hauteur, ne remporter aucune bataille.“
Antonia, une femme fière et têtue, s’occupe d’un mari handicapé et de quatre enfants. Pauvre... >Voir plus
Que lire après L'eau du lac n'est jamais douceVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (60) Voir plus Ajouter une critique
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Le roman s'ouvre sur un remarquable chapitre très néo-réaliste qui met spectaculairement en scène la mère de la narratrice, mère courage qui, avec la fougue d'une Anna Magnani, déchire son chemisier et sa jupe pour obtenir un logement social salubre. La dernière phrase place sa fille, pourtant absente, dans le récit, pourtant absente, dans la scène et assène : « Et c'est comme si j'étais là, debout, la regardant depuis un coin de la pièce, je la juge et ne lui pardonne pas. »

Cette phrase radicale introduit avec force Gaia, la fille, comme un personnage à la dureté minérale. Un père handicapé, une mère qui l'élève sans compromis à ne rien attendre des autres, trois frères, une pauvreté qui la marginalise au collège. Gaia a la haine de sa condition sociale, née dans le quart monde italien qu'elle abhorre. Sa rage innerve tout le roman, quasi sans répit. Et cette colère sociale se conjugue avec une adolescence douloureuse.

C'est extrêmement rare de rencontrer un personnage d'adolescente aussi peu aimable alors même que sa condition la place du côté des victimes et donc devrait susciter compassion et empathie. Ce n'est pas le cas. Giulia Caminito, par son écriture anguleuse et râpeuse, oscille entre distanciation stylistique et identification émotionnelle, mais à chaque fois qu'un élan nous pousse vers Gaia, cette dernière s'engouffre dans la violence et la vengeance la plus abrupte qu'elle consomme avec détermination lorsque les amours infidèles s'ajoutent aux amitiés superficielles ainsi qu'à la laideur du monde. L'auteure ne cherche pas un chemin de rédemption classique ou facile à son personnage, ce qui a quelque chose de subversif, de dérangeant en tout cas.

Ce roman n'est pas politique au premier degré. La place des grands événements y est complètement minime, à peine sont évoqués à cette aube des années 2000 le 11 septembre ou les émeutes anti-G8 à Gênes, comme si survivre était si impérieux et difficile pour Gaia qu'elle ne pouvait passer que par le repliement sur soi et par une lutte strictement intime.

Et c'est justement là que le roman prend une dimension politique, en filigrane. le cynisme et la dureté presque amorale de Gaia sont une réponse à la dureté de la société et des injustices qu'elles génèrent. Si sa colère est si forte, c'est qu'elle a trop de choses à revendiquer mais pas les bons outils pour renverser cette situation inique. Même son choix de faire des études longues de philosophie sonne comme une vengeance plutôt que comme un épanouissement personnel. le lac du titre, le lac de Bracciano, en proche banlieue de Rome, est la métaphore de cette vie douloureuse, attirant mais effrayant aves son fond sombre et vaseux.

Un récit très singulier qui porte un vrai regard sur notre société à travers cet étonnant personnage de jeune fille à construction. Même si le souffle romanesque éblouissant d'Un Jour viendra m'a plus portée, j'ai apprécié l'âpreté de ce roman traversé par une inquiétude radicale à peine éclairée par des instants de poésie aussi brefs qu'intenses.
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Roman d'apprentissage, Rome années 2000.
Gaia grandit dans une famille pauvre avec trois frères et soeurs, un père en chaise roulante et une mère femme de ménage, Antonia la rousse, figure étonnante de l'histoire qui gère marmaille, mari et maison d'une main de fer. Souhaitant que sa fille échappe coute que coute à sa condition sociale à travers les études, elle l'envoie dans un lycée fréquenté par des gosses de riches, où sa fille y sera cruellement exposée. Mais même dans les années 2000 en Italie changer de classe sociale est très difficile, les ambitions de la mère seront-elles d'un grand secours à la fille ?

C'est le style spontané et plein d'humour dans l'esprit de celle des "Chats éraflés" qui illumine ce texte très fort , une énième histoire de famille et d'enfance / adolescence complexes, dans un milieu défavorisé. L'écriture très personnelle est superbe !
Les personnages sont sans exception intéressants, dont Gaia et Antonia, mère-fille rousses. La fille ne manque pas de culot et va trés vite suivre l'exemple de sa mère pour se défendre et se protéger, quitte à user la violence hors de sa famille. Alors qu'en famille où elle se sent "sous anesthésie", elle reste désarmée. Antonia L encourage aussi à la lecture, choisissant les grands classiques de la Littérature et lui offrant un dictionnaire qui sera longtemps l'unique trésor en papier qu'elle possèdera.

Sur fond d'un lac aux eaux noirs ( lac de Bracciano, qui existe vraiment et est comme décrit dans le livre) qui engloutit tout, une histoire de frustrations, d'envie, de rage et de vengeance dû à la pauvreté, mais aussi celle de soif d'amour, de tendresse et de reconnaissance, dans une Italie où l'argent semble être seul maître à bord. Et pour finir avec un sourire, la moral du livre 😆 : Les mecs , pensez-y deux fois avant de tromper votre femme, fiancée et autres dans la même lignée !
L'écrivaine est déjà présente sur Babelio avec son premier livre traduit, celui-ci le second non traduit encore, est en lice pour le Prix Strega 2021, le Goncourt italien. J'avais déjà repéré Caminito grâce à l'excellente critique de Kirzy de son premier livre que je n'ai pas encore pu lire faute de temps 😊, ce sera fait prochainement vu que j'ai bien aimé celui-ci.
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Dans ce roman, « L'eau du lac n'est jamais douce », Giulia Caminito vous happe dès les premières pages comme un courant et vous emmène au bout du récit, accroché à la narratrice, à sa jeunesse féroce et vulnérable, à sa famille, ses amitiés fragiles.... et à ce lac dont les reflets brillants occultent sa profondeur. A la fois poétique et ardent, il est impossible de le lâcher !

« L'eau du lac n'est jamais douce », raconte l'histoire d'une famille italienne des années 2000 qui vit dans un grand dénuement. Antonia Colombo, pilier du foyer familial, « La matriarche », d'une droiture exemplaire et d'une exigence sans faille , se démène pour trouver un logement décent, et maintenir à flot sa famille, et ses quatre enfants. Antonia ne s'écrase jamais devant l'injustice. Honnête, elle croit au bien commun. Mais ce principe à un prix. Celui de ne jamais la décevoir...
C'est ce qui anime et pèse sur le coeur de notre héroïne.
Son mari, paralysé suite à un accident de travail est devenu un accessoire encombrant. le fils aîné mis au ban de la famille sur injonction de « La matriarche » elle-même. Gaia, la fille aînée, jeune adolescente à part, d'une grande maturité, fait état de ce quotidien précaire, miné par les vicissitudes de la vie. Elle tâche de filer droit, en suivant les préceptes de sa mère, à savoir ne compter que sur elle-même. Elle affronte les tourments de l'adolescence, faite d'amitiés fortes et bouleversées, de déconvenues amoureuses et d'un manque d'estime de soi. Que de pression dans cette vie, que de choix à faire. Progressivement, toutes ces frustrations se muent en colère. La colère de Gaia est terrible, elle est tapie là, au plus profond d'elle-même, prête à jaillir dès que le besoin s'en fait sentir. Elle se méprise, et ce sentiment ne fait que de s'enkyster. Parviendra-t-elle à canaliser cette souffrance, voir à s'en affranchir ?

« L'eau du lac n'est jamais douce » est un roman social puissant, irriguer par la colère, une colère noire et brutale, violente, et à un certain égard nécessaire. Un roman qui émeut pas sa justesse. L'autrice dresse le portrait d'une jeunesse rugueuse et dangereuse, à l'époque des premiers chats par SMS et de l'individualisme galopant. Elle nous invite à côtoyer Gaia, ce personnage peint dans un majestueux clair-obscur, qui se débat en silence, mais non sans violence, dans le monde qui l'entoure. Un cri de colère contre les injustices, de désespoir contre les conditions de vie des pauvres, de rage contre la société et ses inégalités, et d'espoir qui resonne encore longtemps après la lecture de ce roman !

Laissez-vous tout simplement hypnotiser par ce récit de colère, de combats, de pauvreté et d'amitiés, le tout servis par une plume superbe, dans laquelle j'y est trouvé de la lumière.....

Un grand merci à la Masse Critique Littérature de Babelio et Audiolib pour cette écoute et cette très belle découverte.

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C'est un très beau et âpre roman , écrit par cette jeune femme italienne promise à un bel avenir littéraire.Portrait d'une famille italienne pauvre des années 2000, et en particulier de la mère (une Anna Magnani plus vraie que nature)mais rousse comme l'est sa fille Gaïa qui est la narratrice .
Cette mère , Antonia, porte à bout de bras4 enfants et un mari cloué dans un fauteuil roulant après un accident de travail non déclaré.
Antonia est pauvre mais digne et ne supporte pas le mépris affiché par l'Administration en particulier , pour des familles dans son cas, et elle le fait savoir.
Ayant jaugé et jugé ses enfants elle exige de sa fille Gaïa qu'elle étudie encore et encore et le plus longtemps possible quitte à se saigner aux quatre veines.Elle y parviendra certes, mais Gaïa qui a hérité du caractère de sa mère pousse tout en prudence, en méfiance,elle a honte de porter les vêtements de son frère aîné dans un corps pas encore fait , et dresse ses épines dès qu'elle se sent agressée, elle pourrait tuer si elle se sentait trahie. Sa mère en miniature.
Ce sentiment de mal-être imprègne tout le livre mais mâtiné par cet instinct de survie magnifique. L'espoir de s'en sortir sans appuis est ténu dans cette Italie corsetée de ces années là.Un grand livre d'apprentissage.
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Je l'avoue,le bref portrait de la mère de Gaia qui est proposé en 4ème de couverture m'a immédiatement fait penser à La mienne et je ne pouvais pas passer à côté de cette lecture ! J'ajoute que j'avais beaucoup aimé le premier roman de G.Caminito traduit enfrançais"un jour viendra", je ne prenais donc pas beaucoup de risque!
L'autrice nous dit que " ce roman est né pour raconter trois femmes, à travers trois personnagesses qu'elles ont inspirées. "
Gaia, la narratrice,c'est elle, même si comme pour les deux autres elle s'est permise des libertés avec la réalité.
Ce roman aurait pu être l'eniéme histoire d'une fillette qui grandit dans une famille défavorisée et qui peine à s'extraire d'un milieu toujours en marge malgré ses efforts et ses brillants résultats scolaires. Mais ce serait sans compter sur la plume habitée de G.Caminito qui donne réellement vie à ses personnages et rend le lecteur également acteur tant nous nous glissons spontanément dans leurs peaux et ressentons leurs émotions.
Comme dans son premier roman le récit n'est pas linéaire car la vie n'est pas un long fleuve tranquille, et les souvenirs envahissent parfois le présent.
Gaia n'est pas facile d'accès. C'est un volcan qui ne dort pas toujours et qui peut faire très mal. Elle est aussi un peu cactus car tout en espérant qu'on se rapproche d'elle, elle affute ses aiguilles!
Dans les méandres de ses relations familiales amicales et amoureuses son manque d'estime d'elle même, son mal être permanent deviennent vite contagieux.
L'autrice n'a négligé aucun de ses personnages,hommes ou femmes ils ne sont jamais " secondaires".
Ce roman me confirme le talent de l'autrice pour dresser de très beaux portraits tant psychologiques que sociologiques.
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critiques presse (2)
Actualitte
28 septembre 2023
C’est un livre aussi dur que sa jeune héroïne. Ce n’est certainement pas une histoire nouvelle, unique, un sujet jamais abordé, non. Mais c’est une véritable immersion troublante dans une Italie bien loin des cartes postales des circuits touristiques.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LaCroix
16 mai 2022
La jeune romancière italienne livre un roman rugueux sur une gamine des quartiers périphériques de Rome à qui la vie ne sourit pas.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (79) Voir plus Ajouter une citation
La professoressa....viene a insegnare educazione fisica in gonna di tweed e stivaletti, ha sempre le unghie fucsia e un basco in testa, è più il tempo in cui fuma che quello in cui corre.
La prof vient faire le cours d'éducation physique en jupe de tweed et bottes, a toujours les ongles vernies couleur fuchsia et un béret sur la tête, et passe plus de temps à fumer qu'à courir.
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Puis je le vois, droit et robuste, mon dictionnaire, il est là, placide, il ne craint ni jugements ni méchancetés, alors je l’agresse, parce qu’il a été le premier à me mentir, à me faire croire qu’avec les mots je changerais ma vie, la réécrirais, la narrerais, la narrerais à la première personne, mais non, ce sont toujours les autres qui nous racontent, ce sont eux qui trouvent nos définitions, nos crochets, nos racines.
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Les derniers, les moins aimés, ce sont les étrangers qui viennent chercher un travail rudimentaire, ou qui vendent sur les trottoirs les objets fabriqués de leurs mains, eux, on leur réserve des coups d'œil soupçonneux et des phrases affûtées. Depuis des années, des familles étrangères - polonaises, roumaines et albanaises - se sont installées en ville et dans les villages, des familles comme la mienne, composées de gens qui travaillent dur du matin au soir et qui ont réussi à louer des appartements ici, ils ont trouvé des emplois de maçons, jardiniers, domestiques, serveurs, cuisiniers, on raconte des histoires sur leur compte, on répand des calomnies.
Pendant longtemps, Agata m'a tenue informée de tous les méfaits accomplis par "ces gens-là", si le toit d'une grange tombait, si les rues étaient sales, si le travail venait à manquer à la campagne, si un chien de berger disparaissait, si c'était dangereux de traîner la nuit, si des bouteilles de bière flottaient à la surface du lac : tout était leur faute. Un des meilleurs racontars, qui revenait chaque année, voulait qu'un Roumain soit mort après s'être éloigné, ivre, sur un matelas pneumatique, il s'était noyé, le lac avait accompli
sa vengeance.
À partir du moment où elle a entendu dire que des hommes, albanais selon la rumeur, faisaient le guet à la sortie des collèges et des lycées pour enlever les jeunes filles, les forcer à monter dans des bus pour les emmener se prostituer Dieu sait où, Agata est devenue parano pendant presque un an. Quand nous sortions de cours, elle tendait le cou et jetait des regards furtifs dans toutes les directions, elle repérait chaque fourgon garé et chaque visage inconnu, elle me demandait: c'est qui, celui-là ?
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Une seule chose peut te sauver quand tu n'as pas d'argent, c'est Ia beauté, je me répète en me brossant les cheveux plus souvent, en tirant sur le coin de mon œil pour me mettre du crayon et rendre mon regard plus profond,
en faire un objet d'intérêt. Je n'ai pas grand-chose, mais cela me suffira à ne pas ressembler à ma mère négligée, l'ouvrière, la femme de ménage qui enfile un tailleur en lin acheté au marché afin de se faire passer pour ce qu'elle n'est pas. Moi je dois arrêter dès que possible d'être une fillette défectueuse pour me transformer en femme à même d'être aimée.. Ce changement me démange, je me jette la tête la première dans la compétition, morbide des corps et des regards.
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Plus ils tapaient fort plus je me rapprochais, et je suis restée au premier rang jusqu'à ce qu'ils s'écroulent par terre, éreintés par la rixe et par l'alcool, leurs visages étaient méconnaissables, leurs yeux fermés, leurs cheveux trempés de sueur et de sang.
Leurs amis les ont secourus à la fin du combat, les soulevant par les bras et par les jambes, et alors seulement je me suis aperçue que j'étais la seule fille restée là. Mes amies s'étaient éloignées, elles avaient récupéré leurs serviettes et leurs sacs, et avec Ours et le Grec elles étaient allées se réfugier au-delà du saule, mettant de la distance entre elles et la bagarre.
J'ai jeté un regard alentour à leur recherche et senti des yeux inconnus et curieux posés sur moi, peut-être que certains m'avaient reconnue: celle qui sait tirer, la fille d'Antonia la Rousse, la fille qui aime le carnage, les effusions de sang et les blessures.
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Vidéo de Giulia Caminito
Extrait du livre audio "L'eau du lac n'est jamais douce" de Giulia Caminito lu par Florine Orphelin. Parution CD et numérique le 10 août 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/leau-du-lac-nest-jamais-douce-9791035411510/
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