Une fois de plus, mon oeil a été attiré par un titre et une couverture : un titre qui m'évoque l'Italie et ses habitants, une couverture avec un adolescent pensif, un vieillard avachi sur son siège près d'une bouteille d'oxygène et une femme avec un bébé qui passe sous forme d'un nuage de fumée. le cadre est posé, je ne connais pas les auteurs mais ce livre étant un coup de coeur de la bibliothécaire de la médiathèque que je fréquente assidûment, toutes les conditions sont réunies pour que je me lance dans la lecture.
Un père emmène son fils, Roméo, en vacances pendant une semaine chez son grand père, Ottavio, d'origine italienne. Cela ne semble pas plaire au jeune garçon qui ne comprend pas pourquoi son père le largue chez ce grand-père qu'il connait un peu et surnomme le vieux chiant. L'action se passe dans une région minière
De Belgique. Toutes les maisons de briques sont alignées, identiques. L'accueil du grand-père est plus que frais. le décor de la maison est très daté et en plus, Roméo découvre que son grand-père n'a toujours pas la télé.
Les journées d'Ottavio sont rythmées par le travail au jardin et les soins au cochon. C' est un homme bourru qui s'exprime durement.
Il a des problèmes respiratoires et a recours a une bouteille d'oxygène. Ottavio a été mineur et souffre des poumons pour avoir travailler sous terre dans la poussière de charbon. le soir Ottavio a le regard vide, comme tourné vers l'intérieur. Quels sont ces fantômes ou ces images du passé qui semblent le hanter ? Comme dans un nuage de poussière, on peut voir les mineurs près à décembre au fond de la mine, ces mêmes mineurs maniant le marteau piqueur ou des jeunes hommes poussant des wagonnets de charbon ? Mais que représentent cette locomotive et ses wagons ? Quelle est cette lettre sa table de nuit ?
Roméo va rencontrer sa jeune voisine Lucille. En discutant avec elle, il va se rendre compte qu'il ne connait pas grand chose de la vie de son grand-père. Moins que Lucille en tout cas. Il ne savait pas que son grand-père avait fait la guerre avec les allemands au temps de Mussolini.
Alors Roméo va chercher à savoir et va poser des questions à son taciturne de grand-père. Et le vieil homme va accepter de se livrer peu à peu. Roméo va aussi découvrir que son père en sait un peu plus sur l'histoire de son grand-père, son nonno. Roméo et son père découvriront le grand secret d'Ottavio.
Les deux auteurs nous entraînent dans l'univers des immigrés italiens en Belgique. Après la seconde guerre mondiale, les immigrés sont venus pour travailler à la mine. Ils n'étaient pas forcément bien vus des habitants belges, ils durent avec leurs enfants subir les moqueries, les vexations, les quolibets, les surnoms comme les macaronis ou les ritals.
Thomas Campi et
Vincent Zabus nous plongent dans l'univers des souvenirs des mineurs à travers les souvenirs d'Ottavio. Ils nous montrent un monde où les hommes parlent peu, se révèlent peu, par pudeur, par humilité ou par honte. Ils décrivent des hommes qui acceptent leur destin sans chercher à se rebeller. Ottavio s'est sacrifié pour sa femme et sa famille au détriment de son rêve il a respecté celui de sa femme.
Thomas Campi et
Vincent Zabus décrivent la difficulté à communiquer entre générations et le danger qu'il y a à perdre la mémoire de la famille. Les plus anciens ont parfois beaucoup de pudeur, ils ne se racontent pas. C'est aux jeunes de s'intéresser à eux et à leurs histoire. Les secrets de familles font que, parfois, les plus jeunes ont du mal à comprendre leur histoire, à trouver leurs racines, à conserver leur culture.
Thomas Campi et
Vincent Zabus nous plongent dans les décors du Nord, la couleur brique domine. J'ai adoré le graphisme, la mise en page, le cadrage et le liseré noir autour de cases. J'ai trouvé les scènes d'intérieur et celles d'extérieur très vivantes. le jeu des éclairages renforce les traits des des visages. J'ai beaucoup apprécié l'évocation du passé et des fantômes d'Ottavio, toujours présents mais vus seulement par lui, comme dans un nuage soit de poussière de charbon soit s'échappant de la locomotive.
J'ai aimé la sensibilité des auteurs, le sentiment d'authenticité qui ressort de leur BD tant dans le texte que dans le graphisme.
Cerises sur le gâteau : le cahier en fin de livre qui retrace la genèse de cette création, montre des documents d'époque, montre les différentes formes que ce récit a pu prendre, présente des recherches graphiques sur les personnages et la préface de
Salvatore Adamo qui revient sur sa propre histoire en évoquant son enfance.