... on ne peut pas saisir la beauté du désir et son énigme renouvelée.
On dit que lorsqu'on lui demanda à quel âge le désir disparaissait, une princesse Palatine (tu ne sais laquelle) aurait répondu : "Comment puis-je le savoir ? Je n'ai que quatre-vingts ans !".
"Je suis et tu n'es, dans les vastes flux des choses, qu'un point d'arrêt favorable au rejaillissement", écrit Georges Bataille quelque part ...
... mais tu préfères les hommes intelligents. Car l'intelligence est érotique.
Tu sais les prestiges de la parole qui s'échange, pas seulement les murmures du désir, tous les mots qui circulent et tissent les liens de l'esprit, comme une danse qui vous unit - car vous voulez aussi danser ensemble la pensée.
Tu te rappelles un amant merveilleux, sorte d'apnéiste qui, sans effort et comme en dansant, ne jouissait pas, ou si tardivement que ta propre jouissance n'avait plus de bornes. Et de naviguer sur cette mer sans rivages - oui, tu disais mer sans rivages - , avec l'assurance que rien au monde ne marquerait une limite à ton plaisir hormis ton propre épuisement, transformait jusqu'à la nature de ce plaisir. Ce qui se déroulait entre vous n'était pas seulement une abondance de plaisir mais un plaisir d'une qualité différente. De cet homme tu as eu désir fou.
Que le désir et le plaisir nous débordent, excèdent notre activité raisonnable, voilà qui est sûr.
Séduction : tu en as souvent fait la critique. Critique du calcul. Dédain de persuader, Non que tu ne veuilles jamais plaire : tu veux séduire sans le chercher, par ce que tu es - affaire de dosage entre le naturel et l'artifice.
Tu crois que la séduction doit être une prise de risque : je suis ainsi, exactement ainsi - te plais-je ? Roulette russe.
Risque majeur d'être refusé, repoussé, mais merveille si l'on plaît.
Alors, sous le chaud regard accueillant, on s'ébroue, en sympathie avec soi-même.
Le désir de l'autre, nous rend aimable à nos propres yeux.
Pourquoi ?
Peut-être parce qu'alors nous n'avons plus besoin d'insuffler de l'amour en nous-mêmes, un autre s'en charge, nous permettant de nous sentir plus léger, désencombré de soi - délié.
Dans le lit. L'après midi glisse entre paroles, rires, frottements des corps nus, étreintes, baisers. Temps perdu. Tu penses à deux vers simples de Roberto Juarroz : Aujourd'hui je n'ai rien fait ! Mais quelque chose s'est fait en moi.
La lumière qui perce le rideau annonce le printemps.
Tu entends souvent des femmes déclarer (peut être les hommes le disent ils aussi mais tu recueilles moins souvent leur confidence), qu'elles ont quitté un homme parce qu'elles ne ne sentaient plus vivantes.
Tu le désires passionnément, c'est à dire que ton être est entièrement accaparé par cette ardente rencontre qui ne laisse aucun espace vacant en toi, et pourtant tu n'ignores pas qu'un tel désir finira . Il s'épuisera. Tu en as le coeur secrètement étreint.