La vie, c'est comme une boîte de chocolats : on ne sait jamais sur quoi, ni sur qui on va tomber. Certaines personnes enchaînent les galères et déconvenues tandis que d'autres naissent sous une bonne étoile. D'où un sentiment de cruelle injustice quand le sort s'acharne et ne laisse aucun répit.
Octobre 66, sud de la France.
Lucien est balayeur dans un parc : il est timide, gentil, sans amis. Son physique atypique, colosse souffrant d'un retard mental, lui vaut d'être le souffre-douleur de certains habitants, petits et grands. Paul, un jeune garçon altruiste, se prend d'affection pour cet adulte qui fait danser les feuilles avec virtuosité. Une belle amitié se noue progressivement entre eux, jusqu'au jour où...
C'est poignant, dur et en même temps très beau. Ce roman graphique, divisé en deux parties composées de plusieurs actes, m'a fait penser au roman de Steinbeck, Des souris et des hommes. Oui, il y a un peu, beaucoup de Lennie dans
Lucien. La tension monte crescendo par le biais d'allers et retours temporels qui lèvent le voile sur la vie meurtrie du cantonnier. On a la gorge nouée du début à la fin.
Lucien fait partie de ce qu'on appelle communément les belles personnes. Celles qui transpirent la bienveillance, celles qui ne veulent voir que la part lumineuse dans chacun d'entre nous. Si
Lucien ne triche pas, il ne peut cacher "sa différence" aux autres qui, en l'utilisant à mauvais escient, vont pousser cette belle âme à commettre l'impensable.
Le dessin crayonné, sobre et magnifique, distille habillement le suspense jusqu'à la dernière page. le choix du noir et blanc met en exergue l'opposition manichéenne de nos sociétés : le blanc pour illustrer la grandeur d'âme et le noir pour la bêtise humaine qui prend ici diverses (et révoltantes) formes.
Mention spéciale au graphisme très riche : dessin flou/précis, nervosité/douceur du trait, abondance/absence de dialogue, ombre/lumière.
Bravo !