Sa technique mille fois expérimentée avait le mérite de faire craquer les hommes plus vite que prévu. Un hurlement guttural s’échappa de la gorge du garçon au moment de jouir dans sa bouche. Il faisait partie des gros éjaculateurs. Les jets de foutre jaillissaient par saccades, l’obligeant à recracher le trop-plein.
Le parfum de sa mère lui rappelait sa jeunesse, elle n’avait jamais changé de fragrance. Tout en délicatesse, pas le genre qui vous emplissait le nez au point de vous écœurer. Une légère odeur de vanille et de pain d’épice. L’étreinte terminée, elle ne put s’empêcher de regarder la cuillère et de vérifier si elle s’était épanchée sur le sol. Une grosse goutte de sauce d’une couleur qui rappelait le sang séché lui sauta à la figure.
Elle ressentait à chaque fois une appréhension quand il posait ses lèvres sur ses joues. Elle ne comprenait pas pourquoi elle éprouvait ce malaise. Il avait toujours été un père gentil et aimant. Jamais un mot plus haut que l’autre. Il avait su être ferme si le besoin s’en faisait ressentir. Elle n’avait pourtant aucun souvenir d’avoir reçu une quelconque punition de sa part.
C’est dans le noir et les yeux clos qu’elle le chercha à tâtons pour lui infliger une tape vigoureuse afin qu’il ferme enfin sa gueule. Elle n’avait aucune envie de s’extirper de son lit tout chaud. Elle était cependant consciente que si elle ne posait pas rapidement un pied au sol, elle allait se rendormir. La lumière, pourtant douce, de sa lampe de chevet l’éblouissait. Elle ouvrait doucement les paupières et les refermait aussi sec, le temps de s’acclimater.
Seuls ses yeux emplis de tristesse les regardaient passer. Quelques paroles réconfortantes et un câlin à chacun étaient de mise avant de partir. Elles ne savaient jamais à l’avance si elles les reverraient vivants le lendemain matin.
Elle n’avait pas envie que les autres sachent qu’elle allait consulter quelqu’un. Julie risquait, par gentillesse, de lui demander ce qu’elle avait. Si elle venait à s’étonner qu’elle soit sortie pour passer son coup de fil, elle lui répondrait qu’elle avait appelé sa mère.
Son cerveau se remettait peu à peu à fonctionner normalement. Il était plus que temps, car l’heure de l’ouverture arrivait à grands pas. Juste avant d’enfiler son casque, elle eut la présence d’esprit d’envoyer en vitesse un SMS à sa généraliste. Pourquoi la déranger pendant ses consultations, alors qu’elle avait son numéro de portable personnel ? Elle n’aurait surtout pas besoin de s’épancher sur le motif de sa demande.
Une tonne de café serait sa punition du jour. C’est d’ailleurs la première chose qu’elle fit. Ce n’était pas dans ses habitudes, surtout qu’elle n’aimait pas vraiment la caféine ; les circonstances, cependant, l’obligeaient à y avoir recours.
D’après ce qu’elle y lut, on pouvait très bien garder pour soi ce qu’on voyait ou ressentait. Rien ne vous obligeait à le dire à haute voix, ce qui lui semblait non négligeable. C’était exactement ce qu’elle recherchait, du moins dans un premier temps. Essayer de comprendre, sans avoir à s’épancher. Sa décision était prise, elle consulterait un hypnotiseur au plus vite. Fallait-il encore qu’elle en trouve un bon. Il y avait malheureusement dans ce métier, comme dans beaucoup d’autres, des charlatans qui profitaient en toute impunité de la faiblesse des gens.
Je n’y connais pas grand-chose en hypnotiseur et comme pour le psychiatre, je n’ai pas envie de déballer de but en blanc mes songes. Gardons-nous une part de contrôle pendant la séance ? »