Au lieu de ça, il se retrouvait en cage avec une femme à la voix suave et au parfum troublant, pour ne pas dire dérangeant. Une profileuse assez compétente pour bosser au PSB à vingt-sept ans et qui analysait chaque mot, chaque intonation de ce qui sortait de sa bouche.
Un jour, lui avait-il dit, tu rencontreras un mur sur le chemin de la vérité. Qu’est-ce que tu feras ?
Est-ce que tu tourneras les talons et chercheras un autre moyen pour le contourner ? Est-ce que tu te jetteras dessus avec toute ton insouciance pour essayer de le surmonter? Ou alors, est-ce que tu prendras le temps de l’analyser pour trouver la meilleure façon de le franchir ?
Ce que tu feras dépendra de toi et déterminera le type d’enquêteur que tu es.
Il ne comprenait pas pourquoi la situation s’inversait. Les gens semblaient l’apprécier un peu plus qu’avant, notamment Sai qui délaissait cette grande tige insensible d’Iwaki pour venir traîner avec eux à l’heure du déjeuner.
Son cœur battait comme s’il venait de chiper un jouet au centre commercial. La peur d’être pris la main dans le sac. La peur d’être découvert. Il savait à quoi s’attendre dans ce cas. Impossible de prendre du plaisir alors que l’eau brûlante dévalait sa peau percluse de bleus.
Il n’avait pas pu échapper au port de l’uniforme réglementaire aujourd’hui. Sa conscience le rattrapait parfois. Même l’ado rebelle qui sommeillait en lui savait bien qu’en cette journée se jouait peut-être l’avenir de la Criminelle. Et il n’avait pas envie d’en faire les frais, alors qu’il venait tout juste de débarquer. Les choses devenaient enfin intéressantes !
« Écoute, Kei, si tu veux vraiment y arriver, ce sont ces moments de relâche où tout peut basculer », où « l’alcool est incompatible avec les performances sportives. Tu accumuleras les blessures et tu finiras par laisser tomber » figurait encore dans le haut du panier des rengaines de son paternel.
Hayato dressa un portrait d’Alex et se mit à relater les faits autant que possible, au vu de la situation inconfortable dans laquelle il se trouvait. Eiko prenait un malin plaisir à le sonder, les yeux comme deux gros projecteurs braqués sur lui. Il détestait cette atmosphère confinée qu’il ne contrôlait pas. Il aurait préféré prendre seul ses quartiers dans cette salle, les pieds sur la table, avec un bon stock d’onigiri et de poulet frit, à se concentrer sur l’essentiel : Alex.
Une pièce plus longue que large munie d’une kitchnette qui n’avait pas l’air d’avoir servi depuis un moment. Un petit meuble posé dans un coin, près de la seule fenêtre que comptait l’endroit et sur lequel reposait un minuscule écran télé. Un bureau immaculé et sa bibliothèque assortie collés au pied d’un lit simple recouvert d’un drap rose serti de fleurs aux couleurs ternies par les années. Une salle de bain si étroite qu’elle avait du mal à s’imaginer qu’on puisse l’utiliser.
Eiko resta dubitative face au studio qu’occupait Hitomi Sato.
Le constat était sans appel. En tant que femme, habiter un tel endroit à quarante-neuf ans relevait de l’échec social.
Pas besoin d’avoir fait Stanford pour comprendre qu’elle a échoué dans la vie. Cet appart’ sans âme en est la preuve. C’était une femme célibataire, sans enfants, si j’en juge par l’absence de toute photo de famille.
Eiko secoua la tête.
Dans une telle situation, n’importe qui croirait au père Noël et plongerait dans les bras du premier mec bien sous tous rapports…
Le rideau de ses paupières se ferma sur le sourire démoniaque figé dans le faciès de bois de son bourreau.
Nous avons commencé à discuter, comme si de rien n’était. J’ai tout de suite été attiré par ses grands yeux noirs, par son caractère fort et l’assurance qu’elle dégageait… Mais je m’égare.