Parfois quand c’est la guerre nous capturons nos ennemis dans la plaine. Alors, nous les exécutons simplement. Ils s’en vont avec honneur, nous avons vaincu. Mais personne ici, jamais, ne voit sa liberté confisquée. C'est inhumain, oui. Inhumain. (P. 99)
L'alcool en définitive n'avait anesthésié que les bien petites choses, le goût du travail, les angoisses de la maréchaussée, le soucis de l'hygiène, il avait poli ma tristesse pour n'en conserver que le cœur, le pur de tout alliage, celui fait du deuil et des regrets éternels.
Parfois quand c’est la guerre nous capturons nos ennemis dans la plaine. Alors, nous les exécutons simplement. Ils s’en vont avec honneur, nous avons vaincu. Mais personne ici, jamais, ne voit sa liberté confisquée. C’est inhumain, oui. Inhumain…
Maintenant il n’y avait plus que le rhum qui comptait, maintenant que tout ce qui avait jamais eu du sens pour moi – ma famille et mes rêves, Louise et Marthe qui couraient entre les caféiers – avait disparu. De Paris j’avais quitté un morne quotidien, certes, mais un quotidien de travail à l’usine et d’amour au foyer. Le voyage pour Saint-Madeleine m’avait tout arraché. Je me tordais de dépit sur le sol, rien qu’à imaginer le gâchis qu’était ma vie.
C'était ses rêves qu'Albert avait poursuivis de ses mains, jusqu'au bout.
- Maman est partie, que je lui avais dit en ravalant mes larmes. Faudra t'endormir seule. Plus de berceuses.
- Elle est partie pour toujours ?
C'était trop pour que je reste honnête. Les enfants, faut leur raconter des histoires.
- Pas pour toujours. Elle a juste pris de l'avance sur notre rêve. On la retrouvera, à la fin. C'est promis.
C'était à croire que quelque chose de supérieur jouait avec moi, que le divin essayait de ma faire aimer les gens à défaut d'aimer la vie - ce qui m'avait toujours paru impossible, on n'aime pas les gens quand on n'aime pas la vie, ou alors pas longtemps. Ou alors en surface uniquement. On les perd, les amitiés, quand on ne s'aime pas soi-même, tout le monde le dit. C'est connu. (P. 104)
- Là d’où je viens, Loane, on enferme les gens par milliers dans de grandes prisons et de minuscules cellules, pour les punir. Ça n’a jamais choqué personne…
Il sembla touché par ces mots. Un moment il se tut, pensif.
- Alors tu viens de beaucoup plus loin que je ne le pensais, souffla-t-il, le regard dans le vide. De là où tout est inhumain. Vraiment, je ne comprends pas qu’on joue avec la liberté, comme ça, comme si ça n’était rien, alors que c’est tout ce qui compte, en vérité.