Les 5 lettres du mot coeur

Parce que dès qu’on laisse les gens s’approcher un peu trop près, on court le risque de souffrir.

Chère Eden,
Oh là là, je me sens un peu ridicule d'écrire ça, ça sonne tellement guindé... Toi et moi, on n'a jamais été guindées, et on a encore moins l'habitude de se disputer et de se faire la tête pendant des jours. Par où commencer ? J'ai carrément dépassée les bornes l'autres soir sous la tente. J'ai été une vraie peste, méchante, méprisante, une horreur. Je ne sais toujours pas ce qui m'a pris. Je crois que ma fierté venait d'en prendre un coup.
J'était tellement persuadée qu'on finirait ensemble, Ryan et moi... mais j'avais tout faux. Je t'ai vue glisser et te tordre la cheville. Si je n'ai pas réagi, c'est parce que j'espérait continuer à danser avec lui, alors j'ai fait semblant de regarder ailleurs. Evidement, il s'est immédiatement arrêté pour voler à ton secours, et ça m'a mise dans une rage folle. J'ai essayé de prendre du recul, sincèrement, mais j'était trop jalouse. Au fond, j'ai toujours su qu'il craquait pour toi. Mais j'ai préféré repousser ça dans un coin de ma tête.
De toute façon, j'était tranquille : tu ne tenterais jamais rien avec lui, puisqu'on en avait parlé et que tu connaissait mes sentiments. Je ne vais pas te mentir, j'ai remarqué la lueur de déception dans tes yeux quand je t'ai dit ça - mais ça aussi, je l'ai occulté. Je refusait d'admettre la vérité.
Quand je l'ai surpris en train de t'embrasser, j'ai pété les plombs. Ryan t'avais choisie, toi, ce qui était logique puisqu'il t'avait toujours préférée. La colère s'est insinuée en moi comme un poison, en même temps qu'un sentiment de trahison. Tu était censée faire passer mes désirs avant les tiens; on avait toujours fonctionné comme ça. Je t'en ai voulu, et je me moquait pas mal que tu sois dans tous tes états, que tu pleures, que tu t'excuse. Omisha, Uma et Ryan pouvaient me dire tout ce qu'ils voulaient, c'était trop tard. Je t'ai regardée partir ce soir-là avec un gros poids sur le cœur. Je ne voulait plus jamais te revoir. J'ai effacé tes messages sans les lire, j'ai demandé à mes parents de ne pas me passer le téléphone si tu appelais. J'était ravie de partir en Ecosse parce que là-bas, au moins, je ne risquait pas de te croiser. Et je n'aurais plus à écouter Ryan me répéter qu'il ne s'était rien passé et que j'était trop dure. Je n'exagère pas, Eden. Ca m'a vraiment fait du mal.
A par ça, je passe des vacances géniales. Il a fait beau toute la semaine et on vit quasiment sur la plage. Au début, j'était contente de savoir qu'il pleuvait toujours à la maison. Bien fait pour elle, je me disait. Mais le soleil a fini par me réchauffer le cœur. Je ne suis plus en colère contre toi, mais contre moi. J'avait beau savoir que Ryan et toi étiez attirés l'un par l'autre, j'ai essayé de te manipuler en te parlant de mes sentiments pour lui et en te demandant ton aide. C'était injuste de compter sur ta loyauté pour obtenir ce que je voulait. Je m'en rend compte aujourd'hui.
Et on peut dire que ça m'a coûté cher !
Je t'ai perdue, j'ai perdue Ryan, et mon attitude a beaucoup choqué Uma et Omisha. Mes parents se doutent qu'il s'est passé quelque chose, parce que je refuse de leur parler. Sympas, les vacances en famille ! Je n'ai pas fait grand-chose avec eux, je me contente de rester sur la plage avec le livre de Ryan. Et il a beau être génial, j'ai du mal à me concentrer parce que je suis trop bouleversée.
J'ai quand même lu ton dernier SMS, je sais que tu m'en veux, et je l'ai bien mérité. C'est ma faute si tu ne veux plus de moi, même si j'espère de tout mon cœur que ce n'est pas définitif.
Je me sens tellement bête, Eden...
La seule personne à qui j'ai envie de parler, c'est toi. Tu me manques, mais je n'aurais jamais eu le cran de te dire tout ça au téléphone - et après ce qui s'est passé, tu aurait tout à fait le droit de me raccrocher sans m'écouter, de bloquer mon numéro ou je ne sais quoi. C'est pour ça que j'ai décidé de t'écrire une lettre. Si je trouve un timbre et une enveloppe, je la posterai; sinon je sonnerais chez toi le lendemain de notre retour pour te la remettre de main propre. Même si tu es fâchée, même si tu me claques le porte au nez, je veux être sûre que tu l'aies.
J'ai été la pire des amies, et j'en suis désolée. J'étais déçue, vexée, égoïste, je n'ai pensé ni à toi ni à Ryan. Ca ne sera sans doute pas évident de vous voir ensemble, mais tu sais quoi ? Je m'en remettrait. Je refuse que cette histoire vienne se mettre entre moi et les deux meilleurs amis que j'ai au monde.
Eden, je suis affreusement malheureuse sans toi. S'il te plaît, pardonne-moi. J'ai été tellement nulle que j'ai peur de t'avoir perdue pour toujours. Et ça, c'est inenvisageable, parce que je tiens beaucoup trop à toi.
Je te promets de me rattraper.
Je suis vraiment, vraiment, vraiment désolée. S'il te plaît, pardonne-moi.
Ton amie qui t'aime très fort et à tout jamais,
Carrie

— Il faut que tu t’ouvres un peu aux autres, Eden. Sinon qu’est-ce que tu vas devenir ? Te renfermer sur toi-même, te méfier de tout le monde, rester seule… ce n’est pas une vie. Certes, ça implique de prendre des risques, et on ne retrouvera sans doute jamais la complicité du Club du Cœur, mais tu ne peux pas rester éternellement tournée vers le passé. Laisse-leur une chance !
Je souris, sans grande conviction.
— D’accord, mais si ça ne fonctionne pas ?
— Eh bien, tu souffriras. C’est comme ça. On ne peut pas éviter la souffrance ; c’est un effet secondaire de la vie !

— En tout cas, je n’aurais jamais dû venir. De voir tous ces gens s’amuser, ça m’a rappelé ce qu’on avait avant. Tu vois ce que je veux dire ?
— Parfaitement. Mais rien ne dure éternellement ; il fallait bien qu’on l’apprenne un jour. Les choses changent. Les êtres humains aussi.

Je ne veux pas de vie sociale. Je ne veux pas d’amis.
Quand ils s’en vont, ça fait trop mal.

La France est un pays génial… il y a des champs entiers de tournesols, des artistes à tous les coins de rue, ils mangent des croissants au petit-déjeuner et ils se promènent à vélo avec des marinières et des guirlandes d’oignons autour du cou ! J’ai vu ça dans un livre.

— Meilleurs amis pour la vie ? a lancé Carrie.
— Pour la vie ! avons-nous répliqué d’une seule voix.
« Pour la vie », ça peut paraître long quand on a neuf ans. Mais, en réalité, c’est bien plus court qu’on ne croit.

Perdre un ami, c’est de la malchance. Mais en perdre quatre ? Ça ressemble fort à une punition.

— Mais tout est en train de changer. J’ai peur de ce qui nous attend. Et si on se perdait de vue ?
— Chut, me rassure-t-il doucement. Le changement a parfois du bon. Et rien ne viendra jamais se mettre entre nous, Eden. Je te le promets.

" - Il y a des choses qu'on ne peut pas réparer."