- Je suis touché que vous vous inquiétiez de me déplaire, repondit-il finalement en souriant.
- Je n'ai pas dit "déplaire", j'ai dit "contrarier".
- Je préfère "déplaire", je propose de garder "déplaire".
- On n'est pas censés voter pour ce genre de décision?
- Non.
- Ah.
Alors, lui annoncer que l'un de ses fils adorés est une indécrottable fiotte qui s'envoie un juif, ce serait comme débarquer en Russie et cracher à la figure de Poutine.
Les parents ont l'air fatigués et dépassés, et je lis dans leurs yeux que quatre gosses, c'est au moins trois de trop.
Je me redresse et souris de façon tellement figée que j'entends mes dents grincer les unes contre les autres. Encore un peu et je m'en déchausse deux ou trois, pour faire bonne mesure.
- Les risques sont en proportion des gains, très chère, jubile Lizzie. Avec ce que j'ai dit à ma fille, j'ai lâché une vraie bombe et je ne veu pas que William puisse penser qu'il peut encore arranger les choses. Les choses ne doivent pas s'arranger parce que si elles le font, vous allez tous les deux passer à côté de votre jolie histoire.
- Qu'est-ce qu'il y a, au juste, entre William et toi ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Qu'est-ce qu'il y a, au juste, entre William et toi ? répète ma soeur sur un ton identique au précédent.
- Eh bien... je... en fait...
- Scarlett, tu devrais essayer d'ouvrir la bouche, bouger la langue et les lèvres et hop, te lancer. Parler est une capacité que l'être humain maîtrise depuis un petit moment.
- Probablement mon manque d'implication supposée, répond Thomas en plongeant le nez dans ma tasse. Du thé ? William, je suis en pleine crise et tu me sers un thé ?
- Tu es toujours en pleine crise, comment veux-tu que je fasse la différence entre une crise à thé et une crise à café.
- Cet homme est mort à l'intérieur.
- Tiens, ma soeur aussi ! s'exclame Mélie.
Presque immédiatement après, une idée frappe mon esprit. D’abord imprécise, un peu floue, puis de plus en plus nette et enfin tellement éblouissante : il ne se passera jamais rien de sérieux entre William et moi.
Tout au long du repas, j’ai observé William et une chose me paraît évidente : il n’est pas lui-même. J’ai conscience que cette réflexion est un peu naïve, voire idiote. Je ne le connais que depuis quarante-huit heures, je ne sais presque rien de sa vie et j’imagine qu’il m’a montré la version réelle et juste lui.
En vérité, et pour une raison que j’ignore, je n’aime pas qu’on me touche.